Intervention de Marie-Laure Meyer

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 18 mai 2011 : 1ère réunion
Audition conjointe de Mm. Bernard Charles adjoint au maire de lille chargé de l'emploi et de l'insertion représentant l'association des maires de france amf rémi pauvros président de la communauté d'agglomération maubeuge val de sambre représentant l'assemblée des communautés de france adcf et mmes arlette arnaud-landau vice-présidente de la région auvergne et marie-laure meyer représentante de l'association des régions de france arf au conseil d'administration de pôle emploi de 2008 à 2010

Marie-Laure Meyer, représentante de l'association des régions de France (ARF) au conseil d'administration de Pôle emploi de 2008 à 2010 :

Je suis également présidente de la maison de l'emploi et de la formation de Nanterre, qui fonctionne depuis cinq ans. Elle comprend une mission locale, un Plie, une cité des métiers, une plate-forme d'ingénierie interentreprises et une maison de l'emploi. Ces structures sont regroupées dans un GIP. Celui-ci comporte un collège « Etat et collectivités », dont font partie le conseil régional, le conseil général et la commune, un collège « partenaires sociaux », et un collège « partenaires de la formation, partenaires économiques et acteurs de l'insertion ».

J'étais précédemment secrétaire de la commission « formation professionnelle » au conseil régional d'Ile-de-France. A ce titre, j'ai représenté l'ARF au conseil d'administration de Pôle emploi, au cours de l'année préparatoire de la fusion, puis au cours de la première année de fonctionnement, puisque je ne suis plus élue régionale depuis l'année dernière. Cette expérience s'est révélée extrêmement intéressante.

La loi donne aux régions la responsabilité de la formation des demandeurs d'emploi et de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. L'articulation avec le nouvel outil que constituait Pôle emploi était donc pour nous essentielle. Nous avions commencé à développer avec les Assedic des partenariats qui fonctionnaient bien en matière de financement.

La loi a prévu un seul siège au conseil d'administration de Pôle emploi pour les trois associations de collectivités. Cette situation complique les débats, et j'ai donc essayé de représenter les trois niveaux de collectivités au cours des discussions. Cette action m'a permis d'approfondir un certain nombre de sujets. Je souhaiterais revenir sur plusieurs points, à commencer par les problèmes de fonctionnement du conseil d'administration.

Au moment où je l'ai quitté, c'est-à-dire en mars 2010, il y avait un problème de gouvernance. Compte tenu des résultats observés, il me semble que la situation n'a pas énormément évolué depuis cette date.

Le conseil d'administration est composé de représentants des partenaires sociaux et de représentants des services de l'Etat, qui parlent d'une seule voix. S'y ajoutent deux « extra-terrestres » : le représentant des collectivités territoriales et M. Jean-Baptiste de Foucauld, en tant que personnalité qualifiée.

Je dis « deux extra-terrestres » car nous étions les seuls membres du conseil d'administration à ne pas avoir participé aux négociations préalables à sa formation. Notre capacité à contribuer au débat en a été réduite et l'exercice s'est avéré douloureux, aussi bien pour M. Jean-Baptiste de Foucauld, porteur d'une expertise sur les problématiques des publics très éloignés de l'emploi, que pour moi-même au sujet des enjeux régionaux. Nous avions pourtant l'un et l'autre une envie très forte d'être partenaires.

Une gouvernance régionale a été créée sous la forme du conseil régional de l'emploi (CRE). Cette structure est globalement redondante, malgré des modalités de pilotage différentes, avec les comités de coordination régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP), et avec les services publics régionaux de l'emploi (SPER). Ainsi, à l'échelle régionale, nous disposons de trois instances de concertation. Deux d'entre elles sont pilotées par le préfet de région, l'autre est co-présidée par le président du conseil régional et le préfet de région. Ces instances comportent à peu près les mêmes acteurs, cependant pas dans les mêmes rôles. De plus, les régions ne participent pas toutes aux SPER. D'ailleurs, la dernière circulaire relative au service public de l'emploi local ne mentionne pas les conseils régionaux dans la liste des partenaires utiles figurant en annexe, même si elle fixe comme objectif la formation des personnes les plus éloignés de l'emploi. Du fait de ces différents niveaux de gouvernance, il s'avère extrêmement compliqué de parvenir à débattre et de faire émerger des projets partagés.

En ce qui concerne maintenant les services à rendre, il convient de savoir si Pôle emploi constitue une structure industrielle de production de normes ou une structure qui rend réellement des services.

Les services à rendre concernent, d'une part, les demandeurs d'emploi. Il s'agit alors d'un service d'accompagnement et d'ingénierie de parcours, qui inclut la sécurisation par l'indemnisation. Je rappelle que cette dernière constitue une assurance, et non une assistance. Les services concernent, d'autre part, les employeurs par une ingénierie d'aide au recrutement. Les PME ont particulièrement besoin de cette assistance, notamment en matière de description de postes.

Au sujet de cette culture de service, nous avons beaucoup débattu pour faire en sorte que la nouvelle instance puisse adopter un fonctionnement différent de celui de l'ANPE, en particulier en s'appuyant sur l'expérience des Assedic : celles-ci avaient mis en place un système très orienté client, alors que l'ANPE se situait davantage dans une logique descendante, très centralisée et procédurière. Nous n'avons malheureusement pas réussi.

Je citerai l'exemple d'un demandeur d'emploi qui ne dispose d'aucun diplôme validé et exerce un métier en voie de disparition. Attendre quatre à six mois, à partir du premier entretien avec ce demandeur, pour que celui-ci soit à nouveau reçu et que la pertinence d'une validation des acquis de l'expérience ou d'une formation soit examinée, constitue, selon moi, une importante perte de temps. Nous ne nous demandons pas comment construire une ingénierie de parcours, s'appuyant notamment sur la formation, adaptée à chaque demandeur.

Lorsque j'ai soulevé cette question, M. Christian Charpy m'a répondu que, puisque 30 % des demandeurs d'emploi parviennent par eux-mêmes à retrouver un emploi dans les quatre mois, il est inutile de s'occuper des demandeurs pendant ce délai. Néanmoins, je doute qu'une vision statistique du chômage soit la plus efficace pour obtenir des résultats.

S'agissant des jeunes, je rappelle que l'analyse du chômage effectuée par Pôle emploi n'intègre pas tous ceux qui sont pris en compte par le logiciel Parcours 3 des missions locales. Dès lors, le nombre de jeunes demandeurs d'emploi se trouve systématiquement sous-estimé, puisque seuls les demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A, B ou C sont pris en compte. Or, ayant réalisé, à l'échelle locale, des dédoublements de listes, j'ai pu constater que 70 % des jeunes de niveau V, par exemple, ne sont pas inscrits. En fait, les personnes les plus éloignées de l'emploi, et donc les moins indemnisables, sont celles qui sont le moins souvent inscrites. Nous sommes donc confrontés à une sous-estimation systématique du chômage des jeunes.

De même, le nombre des bénéficiaires du RSA se trouve systématiquement sous-estimé car ils ne sont eux aussi comptés que lorsqu'ils sont inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi.

Enfin, les publics ayant besoin d'un soutien immédiat sont également sous-estimés. Le mode d'accueil et de suivi n'est pas conçu en fonction de la personne et de ses demandes.

En ce qui concerne la territorialisation de l'action de Pôle emploi, je rappelle que l'ensemble des budgets et des moyens de Pôle emploi doit être régionalisé. L'objectif est de pouvoir établir une corrélation entre les problématiques de chômage, de répartition de moyens et d'adaptation du système. Par exemple, suite à la crise, il y a deux ans, une explosion du chômage a été constatée en Franche-Comté, et les moyens de Pôle emploi, tels qu'ils avaient été répartis, se sont avérés insuffisants.

Nous avions constitué un groupe de travail avec Mme Bernadette Malgorn, alors secrétaire générale du ministère de l'intérieur et des collectivités territoriales, pour essayer de définir des critères d'égalité d'accès au service public de l'emploi. Parmi ceux-ci figurait un critère de trente minutes de trajet, au-delà desquels des outils compensatoires devaient être prévus, par exemple, une prise en charge des déplacements ou un système de visio-guichets. Or, l'objectif de Pôle emploi était très clairement une réduction de coûts en période d'explosion du chômage, ce qui a induit une réduction du nombre de sites, là où un travail de proximité, tenant compte des difficultés et développant les partenariats territoriaux, s'avérait nécessaire.

En effet, au niveau des régions, des agglomérations et des départements, des réseaux de points d'accueil ont été mis en place. Nous étions tous d'accord pour créer des partenariats en vue d'une mutualisation de ces réseaux, par exemple en organisant des permanences assurées par des conseillers de Pôle emploi.

Pour mener de telles négociations, il faut disposer d'interlocuteurs. Or, l'organisation dans le cadre de laquelle interviennent les directeurs régionaux de Pôle emploi n'est pas vraiment déconcentrée. En effet, ceux-ci disposent de peu de marges de négociation, car ils doivent impérativement utiliser des outils nationaux et sont placés sous la tutelle d'une direction nationale.

Il existe donc une vraie problématique de gouvernance, à la fois nationale et régionale, et d'articulation avec les responsabilités des régions, aussi bien quant à la formation tout au long de la vie que sur les questions de transition professionnelle.

Je rappelle que 80 % à 85 % de la formation des demandeurs d'emploi est financée par les régions. Pour sa part, Pôle emploi, prenant la succession des Assedic, n'assure qu'environ 15 % de ce financement.

La circulaire relative au service public de l'emploi local considère que Pôle emploi doit être jugé sur sa capacité à orienter les demandeurs d'emploi vers les formations qu'il a lui-même achetées. De même, l'indemnité de fin de formation ne sera accordée qu'aux personnes qui ont suivi des formations achetées par Pôle emploi. Cette disposition signifie donc que nous serons confrontés à une inégalité, que je considère non constitutionnelle, entre les demandeurs d'emploi qui suivront des formations financées par les régions et ceux qui suivront les formations financées par Pôle emploi.

Nous avons, dans presque toutes les régions, mis en place des partenariats avec Pôle emploi en matière de prescription de formations, afin de s'assurer que les formations s'intègrent dans un projet professionnel validé par Pôle emploi. Or, nous nous trouvons actuellement contraints d'annuler des formations car Pôle emploi se révèle incapable d'en prescrire suffisamment. En effet, il ne dispose pas des effectifs suffisants pour rencontrer tous les demandeurs d'emploi qui ont un projet de formation. Dès lors, nous nous interrogeons sur la possibilité d'abandonner ce pré-requis de la prescription pour que les demandeurs d'emploi puissent suivre une formation.

Par ailleurs, nous sommes tous confrontés à une explosion des financements de fin de formation. La reconversion d'un demandeur d'emploi nécessite une formation longue. Or, comme la prescription de ces formations intervient souvent tardivement, beaucoup de demandeurs d'emploi cessent d'être indemnisés avant que leur formation soit achevée. Nous ne parvenons plus à gérer la sécurisation du revenu, qui, sur la reconversion, s'avère plus onéreuse que la formation.

Certaines régions, notamment Rhône-Alpes et la Bourgogne, ont mis en place un co-achat. D'autres ont pu trouver d'autres systèmes. Toutefois, il s'agit toujours du résultat, variable, de relations interpersonnelles entre les responsables et les services de la région et les élus. Il n'existe aucun cadre structuré pour la mise en oeuvre de ces différents dispositifs.

La politique de formation ne se limite pas à un achat de places. Elle intègre également de l'ingénierie. Nous avons travaillé avec Mme Valérie Létard sur les problématiques des « métiers verts » et de la « croissance verte ». Il est évident que se contenter de prendre l'offre telle qu'elle existe ne permet d'apporter aucune garantie aux demandeurs d'emploi en termes d'adéquation avec les besoins des employeurs.

Nous intervenons actuellement davantage sur des compléments de formation que sur des requalifications complètes. De tels parcours ne s'achètent pas, mais se construisent. Nous avons besoin de mener ce travail de construction avec Pôle emploi, en cohérence avec notre compétence en matière de développement économique et d'aménagement du territoire. En effet, les demandeurs d'emploi suivent une formation à condition de disposer d'une offre près de chez eux. 80 % des mobilités professionnelles interviennent à l'intérieur d'une région et 80 % des formations suivies en-dessous du niveau IV le sont près du domicile.

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