a tout d'abord indiqué que les travaux du groupe de travail s'inscrivent dans un contexte international et théorique propice :
- les enjeux écologiques et économiques du réchauffement climatique sont désormais connus, notamment grâce aux travaux du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et aux conclusions du rapport publié en 2006 par le ministère des finances britannique sous la direction de Lord Nicholas Stern ;
- ces réflexions s'inscrivent pleinement dans l'agenda international puisque, à la fin de l'année 2009, se tiendra à Copenhague la prochaine conférence des Nations-Unies sur le climat, conférence qui devrait aboutir à l'adoption d'un nouvel accord international sur « l'après-Kyoto » ;
- enfin, le cadre conceptuel proposé par la théorie économique en la matière est aujourd'hui bien établi et les outils économiques de régulation - la taxe ou les permis d'émission - clairement identifiés.
a ensuite présenté les enjeux liés à l'instauration d'une contribution « climat-énergie » (CCE), rappelant, à titre liminaire, l'objectif assigné par l'article 2 du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.
S'agissant de la délimitation de l'assiette d'une éventuelle CCE, elle a indiqué que l'objectif de mise en oeuvre à court terme de celle-ci doit conduire à privilégier l'hypothèse d'une taxe sur les consommations d'énergie, plutôt que celle d'une CCE assise sur le contenu carbone des produits - c'est-à-dire sur la quantité de carbone émise à la fois pour fabriquer et transporter les produits. Une telle solution serait, en effet, inenvisageable dès aujourd'hui, compte tenu des difficultés techniques qu'elle engendrerait. Le choix d'une taxation des consommations énergétiques implique, cependant, un arbitrage relatif à l'inclusion ou non de l'électricité d'origine nucléaire dans l'assiette de la contribution. En tout état de cause, il conviendra de veiller à mettre en adéquation l'objectif d'intérêt général assigné à la taxe et la délimitation de son assiette, afin d'éviter toute inconstitutionnalité.
Quant au tarif de la CCE, il devra être déterminé de manière à atteindre les objectifs de réduction des émissions que s'est fixés la France, soit, par rapport à 2005, - 14 % en 2020 et - 75% en 2050, hors secteur relevant du dispositif d'échange de quotas d'émission. Il devra donc croître progressivement et de façon prévisible, afin que les agents économiques puissent ajuster leurs comportements et investissements en fonction de la trajectoire annoncée. La question de l'articulation de ce tarif avec le prix des quotas sur le marché d'échange devra être analysée de façon précise, notamment dans l'hypothèse où certains agents économiques disposeraient de la capacité d'opter entre le paiement de la taxe et l'inscription dans le système communautaire d'échange de quotas.
Deux modalités de mise en oeuvre sont envisageables. Dans le premier scénario, il s'agirait de créer une taxe carbone additionnelle aux taxes énergétiques existantes : cette fiscalité nouvelle viendrait ainsi s'ajouter aux accises en vigueur et majorerait la taxation globale des énergies du tarif choisi pour la tonne de dioxyde de carbone (CO2). Dans le second scénario, la CCE serait une taxe différentielle, dont le tarif par tonne de CO2 serait modulé pour tenir compte de la taxation du carbone et des coûts environnementaux hors effet de serre déjà opérée par les accises existantes. A tarification du carbone identique, une taxe additionnelle serait plus ambitieuse au plan environnemental et permettrait de fournir un signal-prix plus clair aux agents économiques. Son rendement serait également plus important.
En ce qui concerne les redevables potentiels de la CCE, Mme Fabienne Keller a indiqué que celle-ci paraît plus adaptée aux émissions « diffuses » de CO2 - ménages, secteur tertiaire, petite industrie, transports, agriculture, pêche - pour lesquelles, en raison du très grand nombre d'agents concernés, le recours au marché de permis engendrerait des coûts de gestion et de transaction exorbitants. Le champ d'application de la CCE pourrait ainsi être défini de manière négative, comme couvrant l'ensemble des émissions dégagées par les consommations énergétiques non incluses dans le dispositif d'échange de quotas d'émission, qui concerne en particulier la quasi-totalité (93 %) des émissions de CO2 industrielles hors carburant.
L'impact de la mise en place d'une CCE ne serait cependant pas sans conséquence pour les entreprises et les ménages. Certains secteurs d'activité seraient particulièrement exposés, tels que la fabrication d'engrais, la chimie minérale, les matières plastiques, les transports routiers de marchandises et les transports aériens. Pour ces secteurs, des compensations pourraient être envisagées. Elles doivent, d'ailleurs, être préférées aux exonérations et être assorties d'engagements contractuels, comme le prévoient les dispositifs en vigueur au Royaume-Uni ou au Danemark. Toutefois, un préalable à de telles mesures est nécessaire : l'évaluation de l'efficacité des nombreuses mesures dérogatoires existant déjà en matière de fiscalité énergétique.
Quant à l'impact sur les ménages, l'aspect anti-redistributif d'une CCE tient essentiellement à la structure de consommation de ces derniers. Les ménages les plus modestes sont, en effet, les plus affectés par la fiscalité environnementale, dans la mesure où ils consacrent la proportion la plus importante de leur revenu à l'énergie. Cette inégalité liée au revenu se double d'une inégalité ayant trait au lieu de résidence. En part de son revenu, un Parisien supporte ainsi une facture énergétique inférieure de 44 % à un habitant de zone rurale.
a précisé que sur la base d'un tarif de 32 euros par tonne de CO2 et d'une exclusion des secteurs soumis au dispositif des permis d'émission, le rendement à attendre d'une CCE additionnelle serait de 8,3 milliards d'euros. Celui d'une contribution différentielle serait, quant à lui, de près de 5 milliards d'euros. Dans les deux scénarios, les ménages acquitteraient plus de la moitié de la contribution. Celle-ci pèserait en outre le plus largement sur les consommations de carburant
Elle a cependant relativisé l'idée communément admise selon laquelle la fiscalité environnementale n'aurait pas vocation à procurer de ressources pérennes. Celle-ci étant une fiscalité incitative, elle aurait, en effet, au contraire pour objet de détruire son assiette. Cependant, les données disponibles sur les expériences étrangères ne permettent pas un recul suffisant pour apprécier à long terme le rendement des dispositifs mis en place ; d'autre part, s'il était envisagé une augmentation progressive du tarif de la taxe, cet accroissement tarifaire pourrait compenser la diminution attendue de l'assiette de la taxe, conduisant ainsi à stabiliser son rendement, sinon à l'accroître.
Après avoir exposé les mesures choisies à l'étranger pour réemployer les ressources dégagées par la mise en place d'une CCE, Mme Fabienne Keller a présenté les différentes utilisations possibles du produit d'une éventuelle « taxe carbone ». Les recettes de la contribution pourraient permettre l'instauration de mesures d'accompagnement à destination des ménages modulées en fonction de leur niveau de revenu. Elles pourraient également être redistribuées aux entreprises sous forme de baisses de charges patronales ou d'incitations fiscales à l'amélioration de l'efficacité énergétique.
En revanche, la CCE ne pourrait constituer un substitut à la taxe professionnelle et se prêterait mal, d'une manière générale, à une transposition au niveau local.
a ensuite décrit le système communautaire d'échanges de quotas d'émission (SCEQE) de gaz à effet de serre mis en place au niveau européen à partir du 1er janvier 2005 : l'Union européenne a alloué des quotas aux Etats membres jusqu'en 2012 ; les Etats ont ensuite réparti leurs quotas entre leurs sites industriels - en général à titre gratuit - selon des plans nationaux d'allocations des quotas (PNAQ) qui ont été soumis à l'approbation de la Commission européenne.
Grâce à l'accord politique sur le « paquet énergie climat », intervenu à l'issue du Conseil européen de Bruxelles des 12 et 13 décembre 2008, sous présidence française de l'Union européenne, un changement majeur est intervenu dans les modalités d'attribution de ces quotas : à compter de 2013, ceux-ci ne seront plus alloués à titre gratuit, mais vendus aux enchères. La mise en oeuvre de ce dispositif sera néanmoins progressive et/ou différée pour les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale.
a indiqué que des imprécisions demeurent néanmoins s'agissant du fonctionnement des enchères, de la régulation et la surveillance des marchés. Or il s'agit de deux questions essentielles, susceptibles d'avoir un impact significatif sur la façon dont s'établit le « prix du carbone ».
C'est pourquoi le groupe de travail préconise, s'agissant des mises aux enchères, l'harmonisation de la définition et du régime fiscal des quotas en Europe, la création d'une plate-forme communautaire unique de mise aux enchères, la réservation éventuelle de l'accès aux enchères aux industriels tenus de restituer des quotas en fin d'exercice et, enfin, des ventes aux enchères régulières et prévisibles.
En ce qui concerne l'encadrement du marché, le groupe de travail estime nécessaire d'édicter, dès à présent, une réglementation fondée sur des principes clairs destinée à assurer un fonctionnement équitable, ordonné et liquide du marché, ainsi qu'à empêcher la fraude, les manipulations voire l'hyperspéculation. Le contrôle de l'application de ces principes devra être assuré par une autorité européenne unique spécifique.
a enfin présenté les enjeux liés à l'instauration d'un mécanisme d'inclusion aux frontières (MIC). En effet, la mise en oeuvre du système européen d'échange de quotas d'émission peut entraîner des « fuites de carbone », c'est-à-dire des délocalisations motivées par le différentiel de « contrainte carbone » entre les régions du monde.
L'instauration d'un MIC se heurte néanmoins à deux obstacles principaux: la réticence de nos partenaires européens et la menace de représailles commerciales des grands pays émergents.
A la lecture d'un récent rapport du Programme des Nations-unies pour l'environnement (PNUE) et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), il ressort néanmoins qu'un MIC pourrait être compatible avec les règles de l'OMC, à condition de respecter certains principes : nécessité et proportionnalité de la mesure, équité de traitement entre industriels nationaux et étrangers, inefficacité de mesures de moindre effet sur le commerce, conduite d'efforts diplomatiques sincères pour résoudre le problème.
a précisé que des actions préalables sont cependant nécessaires à la mise en place d'un MIC : l'adoption d'un accord mondial ambitieux à Copenhague, incluant les Etats-Unis, la Chine et l'Inde, et une évaluation de l'efficacité de l'allocation de quotas gratuits aux secteurs les plus menacés.
Deux modalités de mises en oeuvre d'un tel dispositif sont possibles. Le plus simple est d'imposer une obligation d'acquisition de quotas aux importateurs de produits industriels équivalente à ce qu'auraient dû régler les industriels européens. Cela revient à les inclure dans le SCEQE, qui concerne bien les secteurs les plus exposés. Une taxe aux frontières stricto sensu serait en effet plus difficile à envisager. Elle suppose une taxation minimale des secteurs hors quotas partout en Europe au titre de leurs émissions, ce qui n'est pas encore le cas.