C'est pour moi un grand honneur de m'exprimer devant vous. La période est très particulière pour France Télévisions. Les toutes dernières années ont connu une rupture dans la consommation des médias. L'émergence du numérique a multiplié l'offre, les consommateurs sont devenus infidèles mais ils ont montré leur capacité à assimiler les nouvelles évolutions technologiques. La rupture est aussi économique et la question de la rentabilité, voire de la survie, se pose, comme j'ai pu le voir à Presstalis, les ex-NMPP, et il est nécessaire de se réformer, de s'adapter.
C'est dans ce cadre que France Télévisions a connu une évolution fonctionnelle sous la conduite de Patrick de Carolis et des ses équipes. Nous allons connaître des mutations importantes avec l'arrêt de la diffusion analogique en novembre 2011. Le tout-numérique élargit l'offre, la renforce aussi avec les chaînes bonus, et la concurrence viendra également des géants de l'informatique comme Google ou Apple, désireux de capter les recettes publicitaires.
Une télévision publique est plus que jamais nécessaire. Elle doit être sur tous les écrans une télévision pour tous, de manière à permettre à tous nos concitoyens d'être informés et de disposer d'une programmation large et variée. Un tel projet passe par une vision, et une entreprise se développe autour de valeurs qui forment un socle. Je souhaite que celles-ci soient largement diffusées et partagées. Ce sont d'abord le respect de l'autre, la tolérance, la diversité, l'ouverture sur la France et sur le monde. Parmi ces valeurs républicaines fondatrices, je souhaite renforcer la diversité car, pour toucher tous les publics, il faut prendre en compte leur diversité afin que tous aient envie de nous rejoindre.
Le deuxième corps de valeur est lié à l'innovation, à la prise de risque, à une dynamique d'innovation. Cela concerne d'abord la fiction, les documentaires et l'animation, qui, c'est pour nous une obligation, doivent atteindre 20 % du chiffre d'affaires. Il est indispensable que la fiction corresponde aux attentes d'un public plus jeune, attaché aujourd'hui à la fiction américaine - nous sommes le seul pays où celle-ci est ainsi diffusée en début de soirée. Le spectacle vivant doit également tenir une place particulière, mais un spectacle contemporain, qui mette en valeur les jeunes créateurs à côté d'un spectacle patrimonial, probablement trop développé.
Indépendance, rigueur et fiabilité sont au coeur du pacte que nous voulons réaffirmer avec nos concitoyens. Ceux-ci doivent avoir confiance en l'information et l'intransigeance sur la qualité doit distinguer le service public d'une offre pléthorique dans laquelle il est difficile de choisir. Le service public doit être un repère.
Cette vision globale se déclinera sur des antennes à l'identité renforcée. Vous les connaissez bien, elles ont donné lieu à des débats. L'innovation doit devenir une priorité sur chacune. Cela requiert du courage car on ne change pas les habitudes sans prendre de risque, mais la ténacité est aussi nécessaire.
France 2 est une chaîne fédératrice, qui rassemble. C'est aussi la chaîne des grands événements. Cependant son public a une moyenne d'âge de 55 ans contre 45 ans pour les grandes chaînes concurrentes. Il faut donc passer en-deçà de 50 ans pour qu'elle soit une chaîne regardée par les 40-45 ans qui ont des enfants en bas âge.
France 3 et RFO, chaînes du tissu local, ont une vocation centrale de service public. Partout sur le territoire, on a accès à un service public de proximité ; cette proximité est néanmoins ouverte sur le monde, sans nostalgie ni repli sur soi. Il convient de retrouver une place dans le monde et de développer la part des programmes régionaux avec la TNT. Il faudra aussi redéfinir les territoires. Si les journaux nationaux de France 3 doivent demeurer, l'offre nationale d'information peut s'accompagner d'une programmation spécifique dans les régions.
France 4 est la chaîne des nouveaux formats, des nouvelles technologies, de la prise de risque : c'est là que peut s'exprimer ce que, dans l'industrie, l'on appellerait la recherche-développement.
France 5 est la chaîne qui aide à comprendre, à décrypter ; elle constitue un espace de débat dans lequel l'éducation, l'université et la recherche doivent prendre toute leur place.
France Ô, enfin, avec les productions ultramarines accessibles dans l'hexagone, permet de nous ouvrir au monde et aux cultures.
Dans la somme de ces objectifs, qui forme France Télévisions, l'information représente un élément clef. Mes pensées vont d'abord vers les deux otages Hervé Guesquière et Stéphane Taponnier, journalistes de France 3...