Intervention de Rémy Pflimlin

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 12 juillet 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Rémy Pflimlin candidat proposé à la nomination à la présidence de la société france télévisions

Rémy Pflimlin :

Ni l'alsacien ! Un mot sur la question du guichet unique, pour répondre à M. Assouline : elle rejoint la réflexion sur la structuration des antennes. Dire que ce sont les programmes qui imposent les contenus aux chaînes n'est pas totalement juste. Radio France est bien une entreprise unique, avec des antennes très différenciées. Il en sera de même pour nous : nous voulons des antennes différenciées, incarnées, à même de commander des oeuvres et capables de travailler avec des producteurs. Je crois que l'organisation doit s'élargir, prendre des initiatives diverses. La concentration est probablement un des facteurs qui freine la différenciation des antennes, dans la mesure où tout passe par le même silo. Comprenez que je n'entends pas signifier par là qu'il faille multiplier les services : les supports doivent être communs - informatique, ressources humaines...

Vous me posez la question des rédactions locales et de leurs spécificités. Nous devons rendre compte au mieux des spécificités locales, parce que les populations se retrouvent autour de leur culture, de leur langue, mais aussi des débats qui animent leur région. J'étais il y a dix jours en Alsace rendre visite à mes parents, et la grande affaire qui occupait alors les esprits, et que l'on retrouvait dans tous les titres de la presse régionale, était le risque que courait le Racing club de Strasbourg, qui est en 3e division, d'être rétrogradé en 4e division. Il me paraîtrait ainsi souhaitable que France 3 puisse ouvrir l'antenne à un sujet qui localement passionne, au-delà même du seul enjeu sportif, car il y va de la fierté régionale. On doit pouvoir demain ouvrir ainsi des espaces de respiration, ce que rend possible la fin de nos engagements publicitaires, qui interdisaient certains décrochages locaux dès lors que la diffusion d'une publicité était prévue par contrat à telle heure, sur la France entière... J'ajoute qu'avec la montée en puissance du numérique, la gestion d'une telle respiration est rendue plus facile et moins onéreuse.

France 3 Iroise est un exemple remarquable de télévision de proximité, en phase avec les spécificités bretonnes. Il faut développer le contenu des télévisions de proximité à partir de « plaques régionales », peut-être six ou sept pour couvrir le territoire national, à charge pour chacune de répondre aux besoins différents des territoires, avec souplesse et réactivité.

La question des langues régionales est importante, puisqu'elle touche à l'identification de chaque région. Cependant, dans certaines, seuls les publics âgés souhaiteraient des émissions en langue régionale, ce qui rend difficile une télévision régionale pour tous en langue régionale, et on rencontre aussi des difficultés pour recruter des locuteurs. En Alsace, par exemple, il a été difficile de recruter des journalistes parlant l'alsacien haut-rhinois, qui n'est pas compris par ceux qui parlent le bas-rhinois.

La reconquête du public jeune est un défi majeur pour l'audiovisuel public. Il n'est pas question pour nous de faire comme certaines chaînes privées qui s'adressent aux jeunes avec seulement des émissions de téléréalité. Nous devons plutôt trouver des émissions, des films et des événements qui intéressent les jeunes, qui s'adressent à leur culture, tout en respectant nos valeurs. Or, nous vivons dans un pays où la culture a une forte connotation patrimoniale, et c'est cette culture patrimoniale qui a du mal à rencontrer celle dans laquelle les jeunes se reconnaissent. J'apprécie évidemment la culture patrimoniale, j'ai eu le plus grand plaisir d'entendre récemment Tosca sur Arte, mais, pour reconquérir les jeunes, nous devons faire une place à la culture dans laquelle ils se reconnaissent, programmer par exemple une soirée « Metal », ce qui implique d'accepter qu'une bonne partie de notre public, ne s'y reconnaissant pas, désapprouve notre choix, et partant, que notre audience soit parfois faible. C'est bien pourquoi, aussi, nous devons relever ce défi ensemble, au sein du conseil d'administration : ces prises de risque demandent du courage et de la ténacité.

S'agissant des conventions collectives, les discussions devaient aboutir le 7 juin, puis la cour d'appel a repoussé les délais à février 2011 pour le contrat collectif des journalistes et à octobre 2012 pour les autres catégories de personnels. Les métiers et l'organisation du travail figurant dans les conventions collectives ne correspondent plus aux réalités d'aujourd'hui, nous devons les redéfinir : le débat est déjà lancé, il devra être conduit à son terme.

Un rédacteur en chef ne devrait pas avoir la latitude de refuser un reportage à un journaliste ? Mais c'est le métier même du rédacteur en chef de faire retravailler un reportage qu'il estime perfectible, c'est aussi sa responsabilité : à la télévision comme dans la presse, le directeur de la publication est le responsable éditorial, c'est lui qui doit répondre, devant les tiers et devant la justice, du contenu du journal. C'est son autorité que le directeur de la publication délègue aux rédacteurs en chef : un journal est une oeuvre collective et non la somme d'oeuvres individuelles, et l'exercice de la responsabilité éditoriale n'est pas de nature disciplinaire.

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