Intervention de Guy Fischer

Commission des affaires sociales — Réunion du 7 juin 2011 : 1ère réunion
Equilibre des finances publiques — Examen du rapport pour avis

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Ce rapport revêt un caractère historique ! Le sujet est complexe, ardu. Dans tous les pays de l'Union européenne, on remet en cause la dépense publique, surtout en matière de protection sociale. Ce texte est comme un point d'orgue dans l'aliénation progressive de notre indépendance financière. Il pérennise à perpétuité l'hyper austérité. Cette mise sous tutelle budgétaire des Etats devra être avalisée par le Congrès... C'est une nouvelle étape dans la soumission des Etats aux marchés financiers, à l'oeuvre depuis le traité de Lisbonne de 2008, qui était une copie conforme du projet de Constitution européenne pourtant rejeté en 2005.

Les ministres des finances soumettront leur projet de budget à la censure européenne et les amendes deviendront automatiques, avec des déficits supérieurs à 3 % et des dettes de plus de 60 % du Pib. L'hyper austérité devient constitutionnelle et la réduction des déficits sera la règle d'or de toute politique économique et sociale. La trajectoire des finances publiques - un déficit de 6 % en 2011, 4,6 % en 2012 et 3 % en 2013 - devra être respectée, quelles que soient les conditions économiques et sociales !

Le Parlement ne votera plus annuellement le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale. La durée minimum de trois ans s'imposera via la loi-cadre.

La protection sociale et la dépense publique seront étranglées. Si une épidémie conduit à un dépassement de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), des coupes seront indispensables pour rééquilibrer les comptes. En conséquence, les communes et les départements seront de plus en plus étranglés - l'article 11 retire toute autonomie au législateur en matière de financement des collectivités locales. Le Parlement sera menotté par le Gouvernement et la Commission européenne... et notre rapporteur général Alain Vasselle sera complice ! Chaque année, les vingt-sept se mettront d'accord sur les priorités et les Etats ajusteront leur budget.

Le président Hyest et la commission des lois ont modifié la rédaction de l'Assemblée nationale, en particulier avec un amendement auquel Alain Vasselle se rallie. Pour nous, ce projet de loi demeure irrecevable mais nous suivrons l'idée instillée par le président de la commission des lois. Car nous estimons que ce projet de loi constitutionnelle contredit l'article 14 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789. Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique, de la consentir et d'en suivre l'emploi. La Déclaration institue des principes supérieurs de la République qui ne peuvent être contredits par une simple loi constitutionnelle. La souveraineté populaire est gravement remise en cause ! Le peuple et ses représentants sont dessaisis pendant trois ans de pouvoir législatif budgétaire. Or le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2001, a rappelé que les lois de finances sont le cadre privilégié d'application de cet article 14. C'est l'aboutissement d'une lente évolution qui a réduit drastiquement l'initiative parlementaire en ce domaine.

Le rappel à l'ordre lancé par l'Union européenne en mai 2009 a servi de prétexte à Nicolas Sarkozy pour relancer le vieux projet qui sied à l'esprit libéral et même ultralibéral de la Commission européenne. Il l'a inscrit dans son programme présidentiel de 2007. Pourtant le traité de Lisbonne n'exige pas formellement ce type de loi pluriannuelle.

Ce texte nous soumet aux marchés. Et nous sommes bien loin des promesses de revalorisation des droits du Parlement, celui-ci est bâillonné, privé de tout pouvoir au profit des comptables ! Informer le Parlement sur le programme de stabilité avant sa transmission aux autorités européennes, pour une simple prise de position, confirme par l'absurde la volonté du chef de l'Etat de lui imposer silence. Bref, le projet de loi constitutionnelle poursuit la dérive autocratique de nos institutions, dans un monde dominé par les marchés financiers. Le groupe CRC-SPG votera contre ce texte parmi les plus dangereux jamais examinés sur le plan économique, social et politique.

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