Intervention de Arnaud Mine

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 9 mars 2011 : 1ère réunion
Filière photovoltaïque — Table ronde

Arnaud Mine :

Nous ne sommes même pas d'accord avec le Gouvernement sur les enjeux, ce qui est inquiétant. Le Grenelle fixe l'objectif de 5400 MW d'électricité photovoltaïque en 2020. Mais depuis vingt-sept ans que je travaille dans ce secteur, j'ai vu bien des experts se tromper dans leurs pronostics, malgré toute leur intelligence : il n'y a pas si longtemps, on n'osait prévoir une production supérieure à 100 MW en 2015 ! Les chercheurs d'EDF considéraient que la France pourrait être championne de l'off grid - c'est-à-dire des installations non reliées au réseau - mais qu'il était hors de question d'y produire de l'électricité photovoltaïque reliée au réseau... Un patron de la recherche de l'ancienne Agence française pour la maîtrise de l'énergie a été mis au rancart parce qu'il pensait le contraire ! (M M. Martial Bourquin et Marc Daunis le confirment) Nul ne peut dire où en sera le photovoltaïque dans cinq ans, mais il y a fort à parier qu'il aura beaucoup progressé.

Les industriels ont été vivement déçus par les annonces gouvernementales. La vie de dizaines d'entreprises est mise en péril. Surtout, il nous semble que le Gouvernement passe à côté des enjeux. Il faut distinguer entre le photovoltaïque sur les bâtiments et le photovoltaïque-énergie, notamment les centrales au sol. Sur le premier volet, nous avons pris des engagements : nous devons diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020, et la seule solution est d'installer des panneaux photovoltaïques sur les toitures à très grande échelle. Or la parité réseau sera atteinte dans cinq à huit ans : le prix du kWh photovoltaïque sera équivalent à celui de l'électricité vendue au détail sur le réseau.

Quant au photovoltaïque relié au réseau, il ne faut pas le concevoir comme remplaçant telle ou telle autre source d'énergie : on a trop tendance à comparer des choux et des carottes, la base, la semi-base, la pointe... Dans dix ans tout au plus, on aura atteint là aussi la parité du réseau, c'est-à-dire l'égalité entre le prix du photovoltaïque et le prix de gros de l'électricité en réseau, en internalisant des coûts environnementaux et des valeurs liées au photovoltaïque, qui est une électricité distribuée, correspondant à la pointe ou à la demi-pointe.

Le secteur a souffert du stop and go caractérisant la politique gouvernementale. Il a pourtant créé 25 000 emplois en trois ans : quel autre secteur d'activité en a fait autant ? Il comprend aujourd'hui une centaine d'entreprises, dont une douzaine de dimension industrielle. Mais entre le tiers et la moitié des emplois sont en péril, les plans sociaux se profilent. Quant au fait que certains projets déposés n'ont finalement pas été retenus à cause des retards d'ERDF, cela pose des problèmes juridiques.

Finalement, les professionnels que nous sommes n'avaient pas une vision structurée de la filière au début de la concertation. Un travail sérieux a été mené depuis lors.

La filière doit se développer et la contrainte budgétaire rester à un niveau acceptable. On nous a dit que ce serait autour de 5 400 MW à l'horizon 2010, soit 500 MW par an. Mais comme le taux de mortalité des projets sera de 65 %, on se trompe quand on évalue la file d'attente : on sera plutôt à 1200 MW. Il y a lieu de se pencher sur le coût que cela représente.

Des dispositions particulières doivent être mises en place pour rendre acceptable la baisse des tarifs. La CSPE paye le constructeur, le propriétaire du foncier, l'investisseur en fonds propres et la banque. Nous visons la parité avec une moindre dépense. Plusieurs pistes sont à envisager, à commencer par le taux d'intérêt : une banque prête à 5,5 % pour le solaire, soit un point de plus que pour les maisons ; on a parlé de fonds de caution et, en effet, un fonds de garantie est une clef de la baisse des coûts. S'agissant de l'intérêt du propriétaire de la maison ou du foncier, il est important de réfléchir à l'écart entre la rémunération du travail ordinaire des agriculteurs et le revenu que le solaire assure à ceux d'entre eux qui se lancent dans le photovoltaïque. Avec la règlementation, les bâtiments répondront aux normes environnementales et intégreront le solaire ; il y a là tout un travail à faire.

Nous de demandons pas un chèque en blanc. L'enjeu est énorme, le marché considérable ; pendant six ans, nous avons développé une industrialisation et nous avons des solutions pour optimiser les ressources grâce à un travail sérieux.

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