Intervention de Laurent Bayle

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 3 novembre 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Laurent Bayle directeur général de l'établissement public de la cité de la musique

Laurent Bayle, directeur général de l'Établissement public de la Cité de la musique :

Je vous remercie pour votre invitation. Je suis accompagné par M. Thibaud de Camas qui dirige à mes côtés l'établissement public industriel et commercial de la Cité de la musique, ainsi que la Salle Pleyel, qui possède, elle, le statut de société par actions simplifiée dont les actionnaires sont, pour 80 % la Cité de la musique, et pour 20 % la Ville de Paris. Ce statut particulier de S.A.S. est destiné à permettre à la Ville de Paris d'entrer dans le capital de la Salle Pleyel, car elle ne peut en principe participer au capital des établissements publics de l'État. Je suis également accompagné de M. Patrice Januel, directeur général de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris.

Je tiens à vous indiquer d'emblée que le blocage du projet de Philharmonie de Paris, dont la presse s'est fait l'écho, tenait à une position d'attente de l'État qui a duré plusieurs mois, et qui est en voie d'être levée dans les prochaines semaines, d'après les informations que vient de me communiquer la Présidence de la République.

Compte tenu du fait que l'achèvement du chantier demande encore trois grandes années de travail, cela nous permet d'augurer l'ouverture de la Philharmonie soit pour la fin 2013 si l'on fait le choix stratégique d'accélérer les choses, soit à la rentrée de septembre 2014 si l'on a la sagesse de se donner davantage de temps.

S'agissant de la Cité de la musique en général, elle s'inscrit dans un cadre qui est commun à celui des autres grandes institutions culturelles, tout en présentant des particularités liées aux spécificités de la musique.

Deux considérations dominent aujourd'hui - et depuis quelques années déjà - le rayonnement et la diffusion de la musique.

La première, c'est la problématique centrale de l'éducation, qui se pose à deux niveaux. Le premier de ceux-ci, qui a trait à la formation des musiciens professionnels, est du ressort des conservatoires, et je ne développerai donc pas cet aspect des choses sauf pour remarquer qu'il me paraît vain et injustifié de prétendre que le niveau des musiciens formés en France serait inférieur à ce qui prévaut ailleurs ; et d'ailleurs ceux-ci se défendent très bien dans les concours de recrutement des grands orchestres étrangers.

L'autre axe de cet effort d'éducation tend à donner à tout citoyen les bases lui permettant d'accéder aux oeuvres musicales. Ces bases pourraient certes être dispensées dès l'école mais cette dernière ne fait que peu de place à ce type d'enseignement.

Il revient donc aux institutions du ministère de la culture - les orchestres, les maisons d'opéra - de mettre en place des activités éducatives en direction des enfants comme des adultes pour favoriser l'éveil musical. Celui-ci ne peut passer par le seul concert, mais suppose une autre approche de la matière sonore et de la pratique qu'en ont les musiciens.

À l'image de ce qu'ont réalisé des pionniers comme Jean-Claude Casadesus avec l'orchestre de Lille, la Cité de la musique a mis sur pied une véritable politique en ce domaine.

C'est ainsi qu'elle a monté un orchestre de 450 enfants. On a pu en constater les effets bénéfiques sur leur concentration, leur sens de la discipline. Sur la durée, leur comportement s'est modifié, montrant que la musique peut jouer un rôle structurant dans l'éducation. La Cité a aussi développé de nouveaux ateliers et des activités éducatives variées.

L'autre considération qui domine la problématique de la diffusion musicale tient au fait que nous vivons dans un monde qui a beaucoup changé.

Les nouvelles technologies y tiennent évidemment une large part. Mais la musique est aussi, plus que les autres arts, ancrée dans la mondialisation dans la mesure où, contrairement au théâtre, par exemple, elle ne connait pas la barrière de la langue. Tout musicien exerce aujourd'hui une grande part de son activité à l'étranger, les pays de l'Europe du Nord bien sûr, mais aussi des pays comme l'Espagne.

Les salles de concert sont traditionnellement des lieux qui ouvrent de 20 heures à 23 heures. Elles doivent aujourd'hui s'inspirer de la mutation qu'ont connue les musées qui proposent, à côté des salles d'exposition, des ateliers, des salles de cinéma, des lieux consacrés à l'éveil artistique des enfants, bref, sont devenus des lieux qui offrent des propositions très diversifiées tout au long de la journée. À leur image, la Cité s'est aussi dotée d'une large gamme d'instruments : la médiathèque, le musée d'instruments de musique, des expositions temporaires.

Le modèle musical actuel, centré sur le concert, est encore largement celui qui s'est imposé à la fin du XIXe siècle. Il fonctionne encore bien mais a pour principale limite de ne pas permettre la conquête de nouveaux publics. Il est peu attractif pour les populations des banlieues et sur le plan du grand tourisme. Il y a donc des efforts à faire dans ce domaine.

Les installations de la Cité trouvent actuellement leur limite sur le concert symphonique. La salle symphonique dont la réalisation était initialement prévue a ensuite été abandonnée. L'État a donc préféré, dans un premier temps, rechercher une solution temporaire en prenant à bail et en rénovant la Salle Pleyel, ce qui a permis, depuis septembre 2007 de proposer une programmation symphonique qui a renforcé l'offre de concerts de la Cité de la musique. Mais, même si elle offre 2 000 places, la Salle Pleyel n'est qu'une salle de concerts : l'exiguïté de la parcelle et les lois de l'urbanisme ne permettent aucune extension. Deux orchestres y sont en résidence : l'Orchestre de Paris et l'Orchestre philharmonique de Radio France, et l'absence de salle distincte pour les répétitions soulève de nombreuses difficultés pratiques. Or, ils ne peuvent pas toujours libérer la salle dans laquelle ils travaillent dans la journée pour permettre à un orchestre invité qui joue le soir de s'installer et de répéter convenablement. Ces conditions de travail ne sont d'une façon générale pas les plus propices à la bonne tenue de nos formations.

En outre, même si la Salle Pleyel a de grandes qualités pour l'accueil du public des concerts, elle ne comporte aucun espace pour la pédagogie, et n'est donc pas un lieu adapté pour gagner à la musique de nouveaux publics.

La décision de réaliser une nouvelle salle symphonique sur le Parc de la Villette, a donc été prise en 2006 par le Gouvernement et par la mairie de Paris avec le soutien de la région Île-de-France.

Cette salle doit pouvoir soutenir la comparaison avec les salles que l'on trouve dans les villes allemandes ou espagnoles, et comporter plusieurs salles de répétition pour offrir de bonnes conditions de travail, ainsi qu'un espace de 2 000 m² pour la pédagogie, en direction des enfants et des adultes, grâce à des activités organisées avec les musiciens.

J'en résume brièvement les étapes :

- en 2007 : choix du cabinet d'architecture de Jean Nouvel, constitution autour de Patrice Januel de l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris, lancement des études ;

- en 2009 : élaboration de l'appel d'offres ;

- en 2010 : Bouygues GDF Suez remporte l'appel d'offres ; s'ouvre alors le temps de latence que j'évoquais au début de nos propos.

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