cofondatrice et présidente du Comité Atlanta + et de la Ligue du droit international des femmes - Je suis très heureuse que cette audition se déroule au Sénat car celui-ci a joué un rôle important lors de la création de notre association Atlanta +.
La LDIF, créée en 1983 avec Simone de Beauvoir pour première présidente, est apparue dans un contexte géopolitique caractérisé par les premières émergences du relativisme culturel. C'était l'époque des premières manifestations féministes en Iran après la prise de pouvoir de Khomeiny et des militantes de la Ligue étaient allées à Téhéran avec un groupe de féministes de différentes nationalités pour les soutenir. Simone de Beauvoir a participé activement à l'organisation de cette mission. A l'époque, à l'extrême gauche, certains se réjouissaient de l'arrivée d'un système « alternatif au système matérialiste occidental » sans vouloir prendre conscience que les femmes allaient en pâtir... On assistait en fait au retour en force du religieux qui allait justifier la remise en cause de la notion d'universalité des droits au nom du respect des traditions culturelles et religieuses. L'objectif de la LDIF était justement de dénoncer cette dérive dont les femmes étaient les principales victimes, comme si la notion d'universalité des droits ne s'appliquait pas à elles.
Comment en sommes-nous venues, dans ce contexte, à nous intéresser au sport ? Le monde des féministes et celui des sportives ne se parlent pas beaucoup. Quel déclic a bien pu nous faire basculer dans ce deuxième monde ? Ce déclic, ce sont les Jeux olympiques de Barcelone, en 1992 quand toute la presse se réjouit du retour de l'Afrique du Sud, jusqu'alors exclue pour cause d'apartheid. A l'époque, ça a changé depuis, je ne m'intéressais pas particulièrement au sport. Je regarde comme tout le monde la cérémonie d'ouverture ; je ne vois que des hommes dans les délégations de l'Arabie saoudite, du Koweït ou du Yémen. Au total 35 délégations sont uniquement masculines. Ce sont celles de deux catégories de pays : d'abord les pays trop pauvres pour envoyer des femmes dans leur maigre délégation et, ensuite, des pays islamistes, qui, loin d'être pauvres, ont une société construite sur la ségrégation. Nous saisissons alors la ministre des sports en France, j'en parle au sénateur Charles Descours, si bien que plusieurs sénateurs se retrouvent en première ligne et que notre première réunion publique se tient en 1995 salle Gaston Monnerville. Du New-York Times à la BBC, les médias du monde entier sont là : nous avions soulevé un lièvre.