Intervention de Annie Sugier

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 20 janvier 2011 : 1ère réunion
Audition de Mme Annie Sugier cofondatrice et présidente du comité atlanta + pour la représentation des femmes dans toutes les délégations des jeux olympiques et de la ligue du droit international des femmes ldif

Annie Sugier, cofondatrice et présidente du Comité Atlanta + et de la Ligue du droit international des femmes :

Le président du CIO a déclaré qu'il n'était pas question de porter ce genre d'insigne, invoquant la règle 51 de la Charte Olympique qui interdit toute expression politique ou religieuse dans les sites olympiques. Pourtant, le badge des athlètes français était vraiment très neutre : il se contentait de reprendre une formule de la Charte Olympique, « pour un monde meilleur ». Pour nous l'essentiel était d'avoir compris que nous pouvions nous servir de l'article 51 pour contester le port du voile islamique. Avec Élisabeth Badinter, nous avons écrit une lettre ouverte dénonçant le double langage du CIO : comment interdire le port de ce badge qui ne fait que reprendre un slogan de la charte et, en même temps, permettre le port du voile islamique, signe politique et religieux s'il en est ? Le président du CIO a répondu : « ce n'est pas la même chose, le port du voile est un choix individuel ». Double absurdité : le port du voile n'est pas un choix, il est imposé ; et il est imposé à toutes les Iraniennes par la loi. Ensuite, à supposer même que ce soit un choix individuel, il n'en demeurerait pas moins un signe religieux. Aux JO de Pékin, 14 délégations ont des femmes voilées. Alors qu'on était parti de zéro ! La seule réaction des journalistes à cette photo d'une sportive du Barhein voilée en plein effort ce fut : « elle doit avoir chaud ! »...

Nous demandons l'application de toute la charte, rien que la charte.

Aux Jeux de la jeunesse de Singapour en août 2010, la FIFA a radié la délégation de footballeuses iraniennes parce que Téhéran exigeait qu'elles soient voilées. Nous avons commencé par applaudir dans Libération le courage de la FIFA. Hélas, trois jours après, Téhéran menaçait le président de la Fédération de manifestations islamistes à Singapour. Du coup on a écrit une nouvelle tribune dans Libération pour dénoncer cette reculade alors que la FIFA doit respecter l'équivalent de la règle 51 (la Loi 4). Pour toute réponse la FIFA a déclaré avoir trouvé un « compromis » : les joueuses demeuraient voilées, mais leur cou était visible....Il n'y a qu'à regarder les vidéos de Singapour pour constater à quel point elles sont visiblement voilées.

A ces mêmes Jeux de la jeunesse, en août 2010, pour la première fois une saoudienne, entraînée à ses propres frais, a gagné la médaille de bronze d'équitation dans une épreuve mixte. Elle dit avoir fait cela pour toutes les femmes d'Arabie saoudite. Oui, les femmes veulent faire du sport. A cette occasion, elle a serré la main des deux autres médaillés, des hommes !

Pour les Jeux de Londres, que demandons-nous ? Nous préparons une brochure listant sept revendications. Les trois premières sont d'exclure ceux qui excluent les femmes de leurs délégations, d'interdire le port de signes politiques et religieux conformément à l'article 51 de la charte et de refuser la caution du CIO aux Jeux séparés pour les femmes. Nous demandons aussi une vraie parité dans les disciplines et épreuves et pas seulement dans le nombre de sports. Depuis Alice Milliat, première dirigeante sportive française, on est passé de 4 à 28 sports pratiqués par les femmes et présents aux JO, soit le même nombre que pour les hommes. Mais la différence réside dans le nombre d'épreuves. Ce qui apparaît dans le nombre de médailles attribuées. Celles-ci remportent moins de médailles que les hommes - 127 contre quelque 165. Autre revendication, celle-ci porte sur la place des femmes dans les postes de dirigeantes : en 1997, le CIO avait décidé que les postes de dirigeants du mouvement olympique comporteraient un minimum de 10 % de femmes en 2000 et de 20 % en 2005. Or, par exemple, le comité organisateur des Jeux de Londres comprend... une femme, la princesse Anne d'Angleterre... Nous dénonçons aussi le fait que les responsables des grands événements sportifs « ferment les yeux » sur l'organisation de la prostitution autour des sites sportifs.

Enfin, j'aimerais que votre délégation, ou le Sénat, parraine notre dernière revendication, très symbolique. Avant la cérémonie de clôture, la seule médaille d'or remise personnellement par le président du CIO, l'est au vainqueur du Marathon. Et la marathonienne ? Lors des premiers Jeux modernes, à Athènes en 1896, une Grecque, Stamatha Revithi qu'on appelait Melpomène, se vit refuser le droit de participer au Marathon simplement parce qu'elle était une femme. Elle s'obstina, fit sa course en solitaire en un temps honorable et entra dans la légende. Il serait symboliquement souhaitable que, pour la première fois, le président du CIO remette leur médaille au marathonien comme à la marathonienne. Ce serait un geste pour la parité comme pour l'Histoire. Car de tout temps il s'est trouvé une femme pour se lever et dire : « pourquoi pas moi ? ».

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