Intervention de Michèle André

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 20 janvier 2011 : 1ère réunion
Audition de Mme Annie Sugier cofondatrice et présidente du comité atlanta + pour la représentation des femmes dans toutes les délégations des jeux olympiques et de la ligue du droit international des femmes ldif

Photo de Michèle AndréMichèle André, présidente :

Merci pour ce tableau précis d'une situation que j'ai eu à connaître dans ma vie politique. Nous étions ensemble en 1995 pour demander de faire défiler les délégations indifféremment derrière un garçon ou derrière une fille....

Mais, plus personnellement, j'ai apporté ma petite pierre à Atlanta +. J'ai été adjointe aux sports de la ville de Clermont-Ferrand pendant douze ans. Cette ville organise traditionnellement un championnat du monde de lutte. Il est d'usage que les lutteurs se présentent à l'arbitre et lui serrent la main. Cette année-là, l'arbitre était une femme et un des lutteurs iraniens refuse de le faire. Comme il remporte la compétition, je m'arrange pour que cela soit à moi de lui remettre sa médaille d'or.

J'ai bien l'intention de lui donner l'accolade lorsqu'il s'inclinera devant moi pour que je lui remette la médaille autour du cou. Mais il se débat, fait de grands gestes pour m'expliquer que cela n'est pas possible. Je ne cède pas et garde la médaille à distance devant lui durant un bon moment. Voyant sa mauvaise volonté, le public l'a sifflé. A la fin, je lui ai remis la médaille mais en lui serrant cependant la main : il en était malade. Quand je suis remontée à la tribune, les officiels de la Fédération n'étaient pas fiers d'eux-mêmes. Le délégué iranien est ensuite venu me trouver pour m'expliquer qu'il fallait faire preuve de compréhension, car c'était une question de religion.

Je lui ai répondu qu'il était d'usage en France de faire remettre les médailles par un élu, et d'accompagner cette remise d'une accolade. C'est une façon de célébrer l'exploit sportif dans laquelle la question du sexe de l'un ou de l'autre n'entre pas en considération. Quant à la religion, elle n'avait pas en France à s'immiscer dans ce genre de choses, et il convenait de respecter les usages du pays dans lequel on se trouvait. Ainsi, lorsque je suis allée à Lahore avec le président Mitterrand, j'ai enlevé mes chaussures avant de pénétrer dans la mosquée parce que c'est la règle là-bas. Je lui ai donc demandé de prévenir ses athlètes que je donnerai l'accolade à tous les champions. Il en est resté coi. J'ai expliqué au président de la Fédération internationale qu'il avait un moyen de se rattraper, à Atlanta - sous peine de ne plus remettre les pieds à Clermont-Ferrand - en permettant aux filles de porter les drapeaux devant les délégations. Et c'est effectivement la Fédération internationale de lutte qui a mené ce combat.

Mais nos élus ne saisissent pas toujours ce genre de situation. Un homme n'aurait pas vu que le lutteur refusait de serrer la main de l'arbitre. Et quand on ne voit pas, on n'agit pas. Je compare souvent la lutte des femmes à un marathon : les derniers 500 mètres sont les plus durs... je suis persuadée que nos collègues nous suivront pour qu'à Londres le président du CIO remette sa médaille à la marathonienne. Je rappelle que le Comité d'organisation compte une femme sur 18 membres... Quoiqu'il en soit, la sortie de notre rapport jouera un rôle positif - je n'ai aucun doute là-dessus.

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