Intervention de Michel Dantin

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 3 novembre 2010 : 2ème réunion
Avenir de la politique agricole commune — Échange de vues avec les membres français du parlement européen

Michel Dantin, député européen :

Dans ce débat, je voudrais vous rassurer : nous ne serons pas candides ! Cependant, il est vrai que par rapport à la période d'il y a dix ans, le climat est plus porteur pour la PAC dans la mesure où la question de l'alimentation est redevenue une préoccupation centrale. Les trois rapports récemment adoptés par le Parlement européen, ceux de George Lyon, de Stéphane Le Foll et de José Bové, fondent en quelque sorte la doctrine à partir de laquelle nous allons travailler. Le Parlement européen a clairement affirmé s'opposer à toute renationalisation de la PAC. Cette politique commune est un grand navire : il n'y aura pas de grand soir et les virages doivent se prendre en fonction du rythme des exploitations agricoles !

Le tourisme rural doit être traité dans le cadre du deuxième pilier.

J'accorde à Jacques Myard qu'aucune prévision n'avait présagé de l'ampleur de la poussée des achats agricoles de la Chine et dans une moindre mesure, de l'Inde.

S'agissant de la question financière, l'accord de 2003 avait été conclu entre deux pays et avait ensuite reçu l'assentiment des treize autres Etats membres. Aujourd'hui, un accord entre deux pays n'est pas suffisant pour fonder un accord à vingt-sept et il faut impérativement y impliquer un Etat nouvellement membre qui soit capable d'entraîner les autres nouveaux adhérents. La Pologne pourrait jouer ce rôle et c'est tout l'intérêt des rencontres comme celles du Triangle de Weimar.

Le document qui a émané de la Commission n'est en tout état de cause pas définitif et va faire l'objet d'un examen attentif par les cabinets des différents autres commissaires.

La notion de « piliers » appelle certaines remarques. En effet, le commissaire Ciolos estime qu'elle peut être source de confusion ; aussi lui ai-je proposé d'utiliser, dans la communication définitive, pour plus de lisibilité, la notion de « bloc » ou d'« ensemble ». Dans l'esprit du commissaire, le premier bloc serait constitué des aides au fonctionnement - aides annuelles au revenu, aides agro-environnementales, indemnités compensatoires de handicaps naturels - faisant l'objet d'un financement européen ou de cofinancement. Le deuxième bloc comprendrait les outils opérationnels pour l'investissement, en agriculture et dans l'agroalimentaire, ainsi que les outils de marché existants à revitaliser ou nouveaux. La logique des deux piliers telle qu'elle était conçue ne prévaudrait plus. S'agissant du « verdissement » des aides, le commissaire Dacian Ciolos a dit à juste titre qu'une politique incomprise par les bénéficiaires n'est pas légitime. Or l'éco-conditionnalité n'a pas prouvé son efficacité opérationnelle ; elle est par ailleurs illisible pour les consommateurs et difficilement compréhensible pour les exploitants agricoles. En conséquence, son idée est de la remplacer par des mesures plus simples, plus lisibles et plus efficaces, comme les bandes enherbées qui ne sont remises en cause par personne. Deux pistes de réflexion sont proposées par le commissaire Ciolos : la rotation des cultures qui serait obligatoire pour obtenir des aides et une prime au pourcentage minimum de maintien des prairies naturelles.

Le débat à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est pour l'heure gelé et nul ne sait quel sera le calendrier de redémarrage des négociations. Le débat sur les produits alimentaires et la régulation s'est déplacé vers d'autres instances internationales, formellement ou informellement, comme le G20 et le G8. Et l'on peut légitimement se demander si le débat sur l'alimentation ne devrait pas s'engager dans un autre cadre, par exemple, la FAO renouvelée. C'est un débat des temps modernes.

La Commission européenne a fait de la question de la concurrence une fin en soi, nous privant ainsi d'éléments d'intervention en matière agricole. Le commissaire Ciolos, en liaison avec le commissaire chargé de la concurrence et le commissaire chargé du marché intérieur, a engagé une discussion pointue sur ce thème. Le commissaire Joaquim Almunia qui n'y était pas favorable semble avoir évolué et des propositions devraient être faites sous quinze jours. Une fenêtre semble s'ouvrir pour la prise en compte de la spécificité agricole par rapport au droit de la concurrence tel qu'il avait été érigé en dogme.

Trois points du débat seront sans doute difficiles. Le premier est les références historiques dont il faut dire très clairement qu'aucune majorité ne soutiendra leur maintien. Même les exploitants agricoles n'y sont globalement pas favorables car le système est trop compliqué. Par ailleurs, la mise à niveau des aides aux pays nouveaux adhérents devra se faire comme nous nous y étions engagés lors de leur adhésion. Il y a un accord au Parlement européen pour avancer vers une solution de droits à paiement unique (DPU) en deux parties, l'une uniforme et fixe et, l'autre, variable en fonction de la situation économique des différents Etats. Un travail devra donc se faire autour de la façon de calculer cette part variable. Plusieurs critères peuvent être envisagés : PIB, coût salarial à l'hectare, coût horaire de la main-d'oeuvre... Enfin, s'agissant du débat couplage/découplage, le vent favorable à un découplage total des aides semble s'être retourné. Un relatif consensus semble se faire autour du constat que l'abandon de tout lien entre production et aides peut conduire à la disparition de certaines filières. Sans aides couplées à la filière bovine, il n'est qu'à signer tout de suite l'accord avec le Mercosur !

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