René-Pierre Signé craint une privatisation des universités : nous en sommes bien loin. Les 39 fondations universitaires ont permis de récolter 70 millions d'euros : ce n'est pas négligeable, mais c'est une goutte d'eau dans le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche - 24 milliards d'euros, dont 14 pour les universités. J'ai appris que l'hôpital universitaire de Columbia University avait reçu 1 milliard d'euros de la part de patients reconnaissants, alors même que les frais d'hospitalisation sont bien plus élevés qu'en France : il nous reste bien du chemin à faire...
J'ai parlé d'une goutte d'eau, mais je préfère dire que c'est « du beurre dans les épinards ». L'université de Clermont-Ferrand dispose ainsi de 2 millions d'euros pour financer des bourses, des équipements, des initiatives pédagogiques, etc. Mais encore une fois, l'État assure plus de 95 % du financement des universités, et si l'on y ajoute les régions, cette proportion doit se monter à 99 %.
Concurrence ou coopération ? L'autonomie stimule à coup sûr l'émulation entre les universités. Mais il est faux de dire qu'avant 2007, toutes les universités aient été sur un pied d'égalité : toutes avaient leurs spécificités, leur logique territoriale, etc. Croyez-vous que l'université de La Rochelle ait fonctionné jusque là comme celles de Jussieu ou d'Assas ? Bien loin d'avoir pénalisé les petites universités, la réforme de 2007 a favorisé celles qui ont fait résolument le choix de l'autonomie : alors que beaucoup de Rochellois partaient jusque là faire leurs études à Poitiers ou à Paris, l'université de La Rochelle, parce qu'elle paraît particulièrement dynamique et pionnière, attire aujourd'hui davantage d'étudiants.
Nous avons augmenté d'environ 13 % le volume des bourses depuis quatre ans, et relevé le plafond de ressources jusqu'à 2,7 fois le Smic pour un foyer, au lieu de 2 fois. Par suite, le nombre de boursiers a augmenté de 100 000, soit 20 %. En contrepartie, a été institué un contrôle d'assiduité : les étudiants qui ne se présentent pas aux examens du premier semestre perdent leur bourse. Cela a fait chuter de 50 000 le nombre de boursiers : certains ne s'inscrivaient sans doute que pour recevoir de l'argent.
L'objectif n'est pas d'accroître le nombre d'inscriptions, mais de faire en sorte que les bacheliers soient orientés vers les formations qui leur conviennent : c'est le principe de l'orientation active. Ceux de la filière professionnelle, par exemple, n'ont pas intérêt à s'inscrire en filière générale à l'université, à moins d'être excellents et très motivés, car ils n'ont que 5 % de chances d'y réussir, au lieu de 50 % en BTS - mais même là, ils doivent être accompagnés. Les IUT sont le débouché naturel des bacheliers technologiques : j'ai d'ailleurs accordé des crédits spécifiques aux instituts pour qu'ils les accueillent. Il faut aussi réformer le diplôme de licence, pour le rendre plus attractif et faire en sorte qu'il prépare à l'insertion professionnelle à bac + 3. La distinction entre formation académique et professionnelle est dépassée : chaque diplôme doit sanctionner la transmission de savoirs et de compétences. Depuis deux ans qu'a été mis en place le portail national de préinscription, 16 % de bacheliers de plus formulent pour premier choix de s'inscrire à l'université : c'est la preuve que le plan « Réussir en licence » est un succès, et que le bouche à oreille est positif. Je dois rencontrer demain les syndicats sur le projet de nouvelle licence.
Encore une fois, les réformes récentes renforcent la coopération entre universités plutôt qu'elles ne les rendent concurrentes. Les universités spécialisées en sciences humaines et sociales, traditionnellement sous-dotées, se trouvent ainsi réunies au sein des PRES avec celles de « sciences dures », mieux loties. De même, les facultés de droit et de santé, qui ont fait face récemment à un afflux considérable d'étudiants, sont heureuses de pouvoir coopérer avec d'autres. Les grandes écoles travaillent aussi avec les universités. Tout le monde est gagnant, car les moyens augmentent, et chaque initiative trouve son financement.
Sur le taux d'échec des étudiants les moins favorisés, le récent rapport de M. Christian Demuynck a produit des chiffres rassurants. Certes, 50 % des étudiants échouent en première année, mais seuls 20 % quittent l'enseignement supérieur sans aucun diplôme : c'est le taux le plus bas de l'OCDE ! J'y vois la preuve que la France se mobilise pour faire réussir ses jeunes, et qu'il existe des filières de rattrapage, même si des efforts restent à faire sur l'orientation et l'accompagnement en première année.
Les bons élèves s'orientent vers les classes préparatoires aux grandes écoles, dites-vous ? Il faut donc que les universités créent des diplômes qui les attirent. Ce sera l'un des objets de la nouvelle licence. Le double diplôme d'histoire et de sciences économiques de l'université Paris-I fait concurrence aux classes préparatoires ; de même, le parcours « droit, économie, gestion » de l'université de Toulouse a pour objectif de concurrencer HEC.
Vous m'avez aussi interrogée sur la répartition territoriale des projets. Vous m'accorderez que je ne pouvais pas financer des universités qui n'existaient pas... Égletons en Corrèze est sans doute un pôle très important du bâtiment - travaux publics (BTP), et l'on y a créé un laboratoire et un master professionnel. Mais Égletons n'est pas Saclay : il faut compter avec l'héritage de l'histoire. Toutefois, nous nous attachons à mettre en réseau les forces universitaires de ce pays. Le très beau projet élaboré par Dijon et Besançon au titre des initiatives d'excellence n'a pas pu être retenu, faute de masse critique, mais il doit pouvoir être financé grâce aux investissements d'avenir. Hormis cela, on compte en Bourgogne deux laboratoires d'excellence, deux infrastructures nationales dans les domaines de la biologie et de la santé - infrastructures de biobanque, de recherche clinique et d'imagerie préclinique - et une plateforme d'innovation « forêt, bois, fibres, biomasse du futur ». Toutes ces structures travaillent en réseau national, et le pôle dijonnais est particulièrement dynamique.
Pour répondre à M. Bécot, 2 % seulement du CIR bénéficie aux banques et assurances. Une erreur dans le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale a fait croire que cette proportion s'élevait à 29 %, parce que l'on avait classé toutes les holdings dans le secteur financier, ce qui revenait à considérer Renault et Thales comme des entreprises financières.
Quant à la première année d'études de santé, monsieur Léonard, la réforme vient seulement d'être introduite. Rassembler toutes les études de santé au sein d'une première année commune me paraît une très bonne idée : cela permettra notamment de créer de solides diplômes de premier cycle « santé et sciences, « santé et droit » ou « santé et gestion ».