Je ferai deux remarques préalables.
Concernant l'industrie, tout diagnostic de nos forces et de nos faiblesses doit être nuancé. Tout n'est pas bon ou mauvais. Cependant, en tendance, la situation de la France et de l'Europe est bien celle d'une perte de compétitivité. Pour l'analyser, je ne me focalise pas sur la question des coûts, mais je ne la néglige pas non plus, car la compétitivité est un phénomène complexe, qui résulte d'un grand nombre de facteurs. Il faut donc prendre le problème dans son ensemble. Je crois aussi qu'en matière industrielle, on ne peut pas se permettre d'être impatient : un grand projet industriel, comme l'A380 ou les réacteurs nucléaires de 3ème ou 4ème génération, a besoin de 20 à 25 ans pour arriver à maturité. Il faut donc savoir fixer un cap et le garder. Ce que nous semons aujourd'hui sera récolté par nos successeurs.
Concernant le numérique, il y a un point d'équilibre à trouver. Nous avons besoin d'opérateurs forts. Or, nous les soumettons à de fortes tensions. Cette année, ils vont devoir financer le déploiement de la fibre optique. Je vais aussi bientôt lancer l'appel d'offre sur la téléphonie mobile de 4ème génération. Même si l'on ne prend pas pour argent comptant tout ce qu'ils déclarent, on ne peut cependant pas ignorer leur inquiétude devant ce qu'ils appellent un « mur » d'investissements à financer. De même, il y a un point d'équilibre à trouver, et cela répond à l'une des questions d'Hervé Maurey, entre l'objectif de l'État de promouvoir l'aménagement du territoire, qui reste l'objectif numéro un, et celui de valoriser au mieux son patrimoine immatériel. Les fréquences que nous allons céder sont les meilleures, et nos compatriotes ne comprendraient pas que nous les bradions.
J'indique à Alain Chatillon que nous allons nous procurer et lui transmettre le détail des aides européennes, ainsi qu'il le souhaite. Sur les pôles de compétitivité, nous souhaitons faire un point d'étape pour évaluer les résultats. Le Président de la République l'a dit : les pôles de compétitivité qui ne fonctionnent pas seront arrêtés. Sur les sociétés de capital-risque, je suis d'accord avec les remarques du sénateur relatives à la proximité des fonds régionaux, mais mon propos portait sur la nécessité de mettre en place des fonds européens pour soutenir des projets transnationaux structurants. Sur la Chine, je partage ses analyses. Quant à ses remarques sur le système bancaire, je rappelle les engagements pris par le Président de la République à Saint-Nazaire : trois milliards d'euros de prêts vont être mobilisés en direction des PME et des PMI.
Je suis d'accord avec Martial Bourquin pour dire que le problème de la compétitivité ne se réduit pas à celui des coûts, et que le rapport de COE-Rexecode n'est qu'un des rapports sur la table. Concernant les contreparties aux demandes des grands groupes, je suis également d'accord : il en faut. Cela a d'ailleurs été le cas quand l'État a accordé des prêts à Renault et Peugeot. Le plan industriel présenté par Renault il y a quelques jours en porte la trace : dans le moyen et le haut de gamme, l'essentiel des investissements et de l'emploi reste localisé en France. Ce plan n'aurait pas été ce qu'il est sans l'action de l'État actionnaire. Au sujet des aides à la réindustrialisation, l'enveloppe de 200 millions d'euros disponible pour ces aides n'est pas très importante, mais on ne peut pas dire que ce soit insuffisant, car nous ne croulons pas non plus sous les demandes. Ces aides doivent être accordées avec discernement, pour éviter les effets d'aubaine : cela n'a pas de sens de dépenser de l'argent public pour déclencher des mouvements de relocalisation qui se feraient de toute manière, comme le montre l'exemple de Rossignol.
J'indique à Louis Nègre que l'État a décidé d'accompagner les constructeurs dans le développement du véhicule électrique, en apportant 750 millions d'euros dans le cadre des investissements d'avenir. Je travaille aussi avec nos partenaires européens sur la question de la normalisation dans ce domaine. Mais il ne faut pas se cacher que le véhicule électrique est un pari industriel. Concernant le ferroviaire, il s'agit bien sûr d'un secteur stratégique. Le comité stratégique de filière travaille d'ailleurs, en ce moment même, à définir une feuille de route. Je suis également d'accord pour reconnaître que ce secteur illustre une forme de naïveté de l'Union européenne en matière industrielle. Enfin, sur le photovoltaïque, je reconnais que le stop and go est nuisible, mais il y avait une bulle spéculative et il était nécessaire d'empêcher son développement, ce qui justifie le moratoire.
Je voudrais atténuer le scepticisme de Daniel Raoul sur le crédit d'impôt recherche. Nous avons de nombreux retours d'entreprises qui nous font savoir qu'elles auraient délocalisé sans ce crédit d'impôt. Il s'agit donc d'un vrai investissement. Sur les instituts d'excellence, nous avons reçu les projets et ils sont en cours d'examen. Je ne peux donc pas encore me prononcer sur les mérites respectifs des différentes offres. Enfin, concernant l'apprentissage, un effort particulier, quantitatif et qualitatif, est conduit par la ministre concernée pour l'apprentissage dans l'industrie.
Je ferai parvenir à Jean-Claude Danglot des éléments de réponse portant sur les exemples précis qu'il a abordés.
S'agissant du très haut débit, il faudra peut-être se retrouver très prochainement pour examiner les besoins de chaque territoire. Pour le très haut débit fixe, il ne faut pas exclure les moyens alternatifs à la fibre optique, comme le satellite pour les zones reculées. 250 millions d'euros sont consacrés à ces moyens alternatifs dans le cadre des investissements d'avenir.
L'énergie photovoltaïque doit être à terme compétitive, à l'horizon 2020 ou 2025. Dans cette attente, il faudra partager l'effort entre les économies faites par les opérateurs et la contribution au service public de l'électricité. Notre position dans ce secteur, par rapport à l'Allemagne, a certes été influencée par l'importance du secteur nucléaire en France, mais faut-il se plaindre de bénéficier d'un prix de l'électricité avantageux aujourd'hui, même s'il risque d'augmenter à l'avenir en raison des coûts de renouvellement du parc nucléaire et de l'élargissement du bouquet énergétique aux énergies renouvelables ?
Je reconnais l'importance de la coopération entre les acteurs locaux en Allemagne, mais je fais observer qu'elle repose sur un état d'esprit et non sur des clauses explicites dans les appels d'offres. Des outils tels que les filières pourraient être mis en oeuvre chez nous.
En réponse à Pierre Hérisson, je dirais que l'État a été moteur dans le soutien à la filière du décolletage dans la vallée de l'Arve où le FSI a notamment contribué à sauver de nombreuses entreprises. Je n'ai malheureusement pas pu assister aux Assises du décolletage, dont j'attends le compte-rendu, et nous pourrons alors, si vous le voulez bien, prolonger cette discussion.
Pour ce qui concerne les risques des interventions des pompiers sur des installations photovoltaïques en feu, c'est la première fois que j'entends parler de la difficulté que vous soulevez. J'en prends note, et j'en ferai part au Ministre de l'Intérieur.
Je voudrais redire à Hervé Maurey que je n'ai pas éludé ses questions, mais que je lui propose une réunion informelle pour en discuter, avant de prendre des positions politiques et des engagements dans un cadre plus formel.