En réponse, M. Denis Ranque a déclaré que les deux champions franco-européens Thales et EADS étaient bien plus dans une relation client-fournisseur que dans une relation de concurrence. Au cours des dernières années, Thales a cédé des actifs non stratégiques pour se recentrer sur l'électronique de défense, l'électronique aéronautique civile et la sécurité. Aujourd'hui, on peut donc considérer que 90 % du portefeuille d'activité d'EADS s'intègre dans une relation client-fournisseur dont Thales ; par exemple, très présent chez Airbus ou Eurocopter et dans une moindre mesure dans les missiles. Les domaines où les deux groupes se concurrencent pèsent cependant proportionnellement beaucoup plus dans le chiffre d'affaires de Thales que dans celui d'EADS. Il s'agit notamment du segment des satellites qui représente environ un milliard d'euros de chiffre d'affaires de chacune des deux sociétés et de l'électronique de défense, y compris les missiles. A cet égard, il a rappelé le poids de l'électronique de défense et de sécurité en Europe : 7 milliards d'euros pour Thales, 4 pour Finmeccanica et 2 pour EADS. Il reste que la relation entre les deux entreprises en matière de recherche et développement suit le même paradigme.
S'agissant des satellites d'observation, M. Denis Ranque a rappelé qu'ils étaient seuls à même de s'affranchir des limitations physiques qui s'imposent aux moyens aériens, navals ou terrestres. La succession du système Hélios II se prépare dans le cadre du programme Musis. Fruit d'une coopération entre six nations européennes, ce programme vise au remplacement, à terme, de l'ensemble des composantes militaires ou duales en cours de réalisation : les systèmes français Hélios, allemand SAR-Lupe et italien Cosmo SkyMed. La coopération actuelle repose sur le concept de la propriété nationale des satellites et la mise en commun des images. L'étape suivante, proposée par Musis, implique le partage des mêmes instruments.
En matière d'écoute électromagnétique, le démonstrateur « Essaim », constitué de quatre micro-satellites, permet la détection des sources d'émissions et de manière non intrusive. Une véritable capacité suppose une constellation de satellites, seule à même d'assurer la permanence du renseignement.
S'agissant de Galiléo, M. Denis Ranque a indiqué que 2007 avait été une année de restructuration importante et qu'il était désormais convaincu que le projet pourrait être mené jusqu'à son terme. Il a précisé que le projet se situait dans sa première phase (in orbit validation), avec l'envoi de deux sondes destinées à réserver les fréquences. Quatre satellites sont en cours de construction. La seconde phase prévoit la construction de 26 autres satellites. Ce programme a fait l'objet, au départ, d'un problème de financement. Les Etats avaient pensé qu'il serait possible de mettre en place un financement industriel. Mais tel n'est pas le cas. Du reste, les conditions de marché en 2008 rendent encore moins envisageable une telle solution. M. Denis Ranque s'est félicité de ce que, grâce au travail effectué par M. Jacques Barrot, vice-président de la commission européenne chargé des transports, et son équipe, Galiléo avait été considéré comme une infrastructure européenne et avait pu bénéficier des financements publics européens. Galiléo donne, en effet, à l'Europe son autonomie. Cette autonomie a un coût et ce coût ne pouvait être financé que par les autorités publiques. D'autant plus, a rappelé M. Denis Ranque, que le système américain GPS (global positionning system), concurrent de Galiléo, est totalement gratuit depuis sa mise en service. M. Denis Ranque a encore précisé que, dans un monde où la mobilité se généralise, savoir où sont les hommes et les choses est absolument indispensable. Il a donné l'exemple du transport aérien européen. Afin de pouvoir le densifier, il est nécessaire de rapprocher les avions et de raccourcir les interdistances, ce qui suppose de pouvoir localiser les avions de façon très précise. Il est donc nécessaire de pouvoir disposer d'un système performant et autonome.
Enfin, M. André Trillard, s'est interrogé à son tour sur l'état d'avancement des programmes militaires en matière de drones.
a indiqué que dans le domaine des drones tactiques, le Royaume-Uni venait d'accomplir un saut technologique avec la mise en service du drone Watchkeeper (Tactical Unmanned Air Vehicle). Il a regretté que la France n'ait pas effectué ce saut, alors même que les enjeux financiers sont raisonnables et surmontables. Il a précisé que l'approche et la réalisation de ce programme avait été très pragmatique, puisqu'il s'agissait à la base d'un drone israélien industrialisé en Grande-Bretagne. Le site de fabrication est installé à Leicester. Son caractère européen a été totalement sécurisé et Thales serait en droit de racheter, si nécessaire, les parts du partenaire israélien. La réalisation de ce programme s'est effectuée en avance sur le calendrier initial et des drones Watchkeepers sont déployés en ce moment même sur les théâtres d'opérations afghan et iraquien. Il a à nouveau regretté que l'armée française ne dispose pas d'un outil comparable.
Il a ajouté qu'en matière de drones de longue endurance, le besoin opérationnel restait largement insatisfait en raison des difficultés et des limitations du programme SIDM (système intérimaire de drones Male) et de l'annulation du projet Euromale. Quant au projet très orienté de développement d'une plate-forme entre la France et l'Allemagne, il a déclaré qu'il n'y avait pas, pour le moment, de réponses satisfaisantes sur le plan technico-financier, alors même que le besoin opérationnel, au niveau français, était clairement défini.