Intervention de Yves Détraigne

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 12 octobre 2011 : 1ère réunion
Répartition des contentieux et allégement de certaines procédures juridictionnelles — Examen du rapport et du texte de la commission en nouvelle lecture

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur :

Ce projet, qui avait été déposé en premier lieu au Sénat le 3 mars 2010, vise à moderniser le fonctionnement de la justice en simplifiant l'organisation judiciaire tout en allégeant et en rationalisant les procédures. Il porte sur des aspects très différents de l'activité judiciaire : les juridictions de proximité, la création de nouvelles juridictions spécialisées en matière de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, la réforme de la justice militaire, dont nous avions délégué l'examen au fond à la commission des affaires étrangères et de la défense, la procédure de divorce et la médiation familiale, ou encore l'extension de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et de l'ordonnance pénale. Une grande partie des évolutions prévues résulte des conclusions du rapport de la commission Guinchard de 2008.

A l'issue de la première lecture au Sénat, en mars et avril 2011, l'Assemblée nationale l'a examiné en juin et juillet 2011. A l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann, président de sa commission des lois, celle-ci a adopté, outre une dizaine d'articles additionnels de portée diverse relatifs à la matière pénale, neuf articles additionnels relatifs aux juridictions financières et sept articles additionnels relatifs aux juridictions administratives. Ces ajouts, qui n'ont qu'un lien indirect avec le texte, ont empêché un accord en commission mixte paritaire le 6 juillet dernier. En effet, alors qu'elle s'était accordée sur une version commune de plusieurs dispositions du texte, la commission mixte paritaire n'a pas adopté les deux séries d'articles additionnels que le Sénat n'avait pas eu la possibilité d'examiner.

Les dispositions nouvelles relatives aux juridictions financières reprennent, pour l'essentiel, des articles du projet de loi portant réforme des juridictions financières, adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 15 septembre 2010. Elles permettent notamment au pouvoir réglementaire de fixer le siège et le ressort des chambres régionales des comptes, dans la limite de vingt chambres régionales, si bien que plusieurs chambres devraient être fusionnées.

Quant aux articles additionnels intéressant la procédure devant les juridictions administratives, ils reprennent des dispositions figurant dans un avant-projet de loi portant réforme de la justice administrative.

En nouvelle lecture, le 12 juillet, l'Assemblée nationale a apporté peu de modifications à son texte de première lecture. Il en ressort un très large accord des deux assemblées sur nombre de dispositions, telles que la création de juridictions spécialisées en matière de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, et en matière d'accidents collectifs, ou certaines simplifications procédurales en matière civile ou pénale.

Les députés ont en outre pris en compte certains des points d'accord de la commission mixte paritaire. Ils ont ainsi supprimé l'article 25 A qu'ils avaient adopté en première lecture et qui revenait sur des dispositions votées en mars 2011 dans la loi de modernisation des professions judiciaires. La multipostulation entre les tribunaux de grande instance de Bordeaux et de Libourne d'une part, et entre ceux de Nîmes et d'Alès d'autre part, qui est entrée en vigueur depuis quelques mois, serait donc maintenue.

Pour préparer la nouvelle lecture au Sénat, j'ai conduit des auditions sur les articles additionnels relatifs aux juridictions financières et administratives. Tout se passe en effet comme si nous avions aujourd'hui à examiner un nouveau projet de loi, puisque nous n'avions discuté ni en séance, ni en commission, des articles additionnels votés par les députés.

A propos des articles sur les juridictions financières, le Premier président de la Cour des comptes m'a expliqué que les dispositions introduites par les députés visaient à assurer la mise en oeuvre d'une réforme de l'organisation des chambres régionales des comptes en souffrance depuis plusieurs années. Un premier schéma, conçu par Philippe Séguin, consistait en une fusion organique des chambres régionales et de la Cour des comptes et ne laissait subsister que six à huit chambres des comptes au sein de la Cour, chargées des collectivités territoriales et de leurs établissements. Le nouveau schéma, retenu par l'Assemblée nationale en accord avec l'actuel Premier président, renvoie quant à lui au pouvoir réglementaire la définition du siège et du ressort des chambres régionales, dont le nombre serait limité à vingt, contre vingt-sept aujourd'hui.

Parmi ces dispositions relatives aux juridictions financières, sont également prévus : l'élaboration de normes professionnelles à respecter par les magistrats financiers ; le relèvement des seuils de l'apurement administratif, procédure ainsi étendue aux communes comptant entre 3 500 et 5 000 habitants et à leurs établissements publics, ainsi qu'à la plupart des établissements publics locaux d'enseignement ; la simplification du fonctionnement des formations inter-juridictions, qui devrait réduire les délais de réalisation des enquêtes et contrôles relevant de la Cour des comptes et des chambres régionales, et enfin l'inscription dans la loi de la possibilité, pour le Premier ministre, de demander à la Cour des comptes de réaliser des enquêtes.

La disposition la plus sensible me paraît être celle qui concerne le nombre et le ressort des chambres régionales, puisque l'établissement du nouveau plafond conduirait, à la suppression de sept chambres en métropole.

En matière de juridictions administratives, les dispositions, d'ampleur limitée, visent à faciliter, lorsque l'affaire le justifie, un règlement rapide du contentieux, avec l'amélioration de la conciliation administrative, le règlement du contentieux par ordonnance de jugement ou la dispense de conclusions du rapporteur public.

D'autres articles soumettent au droit commun des procédures exceptionnelles qui ne se justifient plus, comme le référé fiscal ou le contentieux de l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans d'anciennes colonies françaises.

Seul l'article 24 duovicies, autorisant le pouvoir réglementaire à confier aux cours administratives d'appel une compétence de premier ressort, pourrait poser question. En effet, dans le domaine judiciaire, une telle prérogative relève de la loi, puisqu'elle remet en cause le principe de double degré de juridiction, qui, sans avoir valeur constitutionnelle, correspond à une garantie légale. Toutefois, la compétence générale de premier et dernier ressort du Conseil d'État a traditionnellement été délimitée par décret, ce qu'a encore confirmé un décret du 22 février 2010. La rédaction retenue par l'article 24 duovicies tranche en faveur de cette interprétation traditionnelle.

Au final, pour éviter que les apports de la précédente lecture soient perdus et sachant que nous n'aurons plus la possibilité de revenir sur ce texte, je vous propose de reprendre, pour celles des dispositions du projet de loi qui avaient fait l'objet d'un accord, le texte auquel était parvenue la commission mixte paritaire. Dans cet esprit, je vous propose un amendement à l'article 1er pour maintenir la compétence des juges de proximité pour connaître des petits litiges civils, d'une valeur n'excédant pas 4 000 euros. Il s'agit de reprendre un amendement de notre collègue Jean-Pierre Michel, voté par le Sénat en première lecture.

S'agissant de la révocation de l'adoption simple, je vous proposerai aussi de subordonner le maintien des nouveaux prénoms que l'adopté a reçu du fait de l'adoption, à l'accord de l'intéressé.

Je vous recommanderai d'approuver, sous réserve de quelques modifications, les dispositions introduites par l'Assemblée nationale en première lecture pour engager la réforme des juridictions financières et améliorer les procédures devant la justice administrative, car ces deux réformes ont trop longtemps attendu et répondent à l'objectif de meilleur fonctionnement des juridictions concernées.

Je vous suggèrerai également d'adopter, sous réserve de quelques précisions rédactionnelles, les articles additionnels relatifs à la matière pénale, qui visent notamment à clarifier certaines dispositions du code de procédure pénale ou à inscrire dans la loi des préconisations formulées par la Cour de cassation dans son dernier rapport annuel.

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