Intervention de Jean-Pierre Plancade

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 1er mars 2006 : 1ère réunion
Traités et conventions — Protocole n° 14 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Photo de Jean-Pierre PlancadeJean-Pierre Plancade, rapporteur :

a tout d'abord indiqué que la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, avait été le premier traité multilatéral conclu dans le cadre du Conseil de l'Europe. Entré en vigueur le 3 septembre 1953, ce texte a été ratifié par la France vingt ans plus tard, le 3 mai 1974.

Le rapporteur a souligné la double dimension, à la fois normative et institutionnelle de la Convention, qui énonce des droits objectifs à garantir et met en place un mécanisme de protection assorti d'un droit de recours, non seulement des Etats, mais aussi des individus. Il a rappelé que, jusqu'en 1998, le droit de recours individuel n'était ouvert qu'à la condition d'une déclaration préalable d'acceptation des Etats, déclaration formulée par la France le 2 octobre 1981. Cette condition a été levée le 1er novembre 1998 par l'entrée en vigueur du protocole n° 11 à la Convention qui définit le régime actuellement en vigueur du mécanisme de recours.

Le rapporteur a indiqué que la Cour pouvait siéger en trois types de formation : des comités de trois juges statuent à l'unanimité sur la recevabilité des requêtes, des chambres de sept juges se prononcent, si l'unanimité n'a pu être précédemment obtenue, sur la recevabilité ainsi que sur le fond des affaires, enfin une grande chambre, de dix-sept juges, connaît des affaires interétatiques et juge en dernier ressort les affaires dont le renvoi a été demandé après un premier jugement par une chambre.

a ensuite rappelé les différentes phases de la procédure, soulignant que le droit de saisine de la Cour était largement ouvert, qu'il avait été élargi par la jurisprudence et que, du fait d'une notoriété accrue, la Cour avait enregistré un nombre croissant de requêtes. L'élargissement du Conseil de l'Europe, qui compte actuellement 46 pays, et l'augmentation continue du nombre des requêtes concernant les anciens Etats membres ont conduit à envisager, dès l'année 2000, une réforme permettant d'apporter des réponses au risque de saturation de la juridiction, dont les délais de jugement dépassent les 5 ans et dont l'arriéré a atteint 65 000 requêtes à la fin de l'année 2003.

a précisé que les principales modifications introduites par le protocole n° 14 consistaient dans l'assouplissement du fonctionnement de la Cour et dans la restriction des conditions de recevabilité des requêtes individuelles.

Il a indiqué qu'une première modification tenait à la durée du mandat des juges, qui ne seraient plus rééligibles, mais élus pour 9 ans, au lieu de 6 ans.

La seconde modification d'importance tient aux attributions des différentes formations de jugement.

Le protocole n° 14 crée une nouvelle formation de jugement, un juge unique qui peut, par décision définitive, déclarer une requête individuelle irrecevable ou la rayer du rôle « lorsqu'une telle décision peut être prise sans examen complémentaire », décision qui devait auparavant être prise à l'unanimité par un comité de trois juges. M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur, a précisé qu'aucune requête ne pourrait être examinée par un juge unique ressortissant de l'Etat contre lequel elle a été introduite.

Le rapporteur a indiqué que le comité des trois juges pourrait rendre les décisions de recevabilité précédemment confiées à la chambre ou à la grande chambre. Si une affaire obéit à une jurisprudence, il pourra rendre un arrêt sur le fond, conjointement à la décision de recevabilité. L'activité des chambres, dont le nombre pourra être temporairement augmenté, devrait se concentrer sur l'examen au fond des affaires.

a ensuite souligné que le durcissement des conditions de recevabilité était un des traits les plus marquants du protocole n° 14, les modifications introduites s'appuyant sur le constat que plus de 95 % des requêtes sont actuellement déclarées irrecevables. Il a considéré que la cour était devenue, pour certains justiciables, un ultime degré de juridiction une fois tous les moyens nationaux épuisés, que leur cause ait un rapport plus ou moins étroit avec la violation des droits de l'homme. Il a indiqué qu'aux termes du nouvel article 35 de la Convention, la Cour pourrait déclarer irrecevable toute requête individuelle lorsque le requérant n'a subi aucun préjudice important.

Cette notion, qui devra être précisée par la jurisprudence, est encadrée par deux stipulations importantes : lorsque le préjudice est faible mais que la requête soulève une question de fond touchant aux droits de l'homme, ou lorsque l'affaire n'a pas été dûment examinée par un tribunal interne. Dans ces cas, elle doit être déclarée recevable.

a ajouté que le protocole visait à développer le règlement amiable des affaires, qui peut désormais intervenir à tout moment de la procédure et non plus seulement lors de la phase de conciliation. Les décisions de règlement amiable seront transmises au comité des ministres pour suivi de leur application, comme c'est actuellement le cas pour les arrêts de la Cour. Le comité des ministres est doté de nouveaux moyens dans sa mission de suivi de l'exécution des arrêts. Il peut saisir la Cour de questions d'interprétation, ou de recours en manquement contre un Etat, après mise en demeure lorsqu'il refuse de se conformer aux prescriptions d'un arrêt.

Le rapporteur a enfin précisé que le protocole n° 14 ouvrait à l'Union européenne la possibilité d'adhérer à la Convention. Cette possibilité reste cependant théorique et sa mise en oeuvre nécessiterait la conclusion d'autres traités.

a souligné que le protocole n° 14, relatif au mécanisme de contrôle de la convention, devait être ratifié par l'ensemble des Etats parties et entrerait en vigueur trois mois après la dernière ratification. 45 des 46 Etats membres du Conseil de l'Europe, à l'exception de la Russie, ont signé le protocole et 27 d'entre eux ont achevé leur processus de ratification.

Il a considéré que ce texte apportait une réponse équilibrée à la saturation de la Cour en accélérant les délais de jugement tout en garantissant un accès à la juridiction.

La commission, suivant l'avis du rapporteur, a ensuite adopté le projet de loi.

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