Le président Daniel Raoul m'interroge sur les conséquences de la restructuration de la dette grecque pour nos banques. Les banques grecques se trouvent face à un séisme insurmontable : seule une implication du FESF peut pourvoir à leur recapitalisation. Il n'en va pas de même pour les banques françaises, dont les fonds propres, je l'ai dit, peuvent largement traiter la perte de 4 milliards à laquelle elles seraient exposées, si l'on retient une hypothèse à 50 %. Si donc le problème reste circonscrit à la Grèce, le FESF sera suffisant.
La situation de Dexia, M. François Marc, est très particulière. Le mécanisme d'adossement au franc suisse sur les prêts de long terme associé à des emprunts de court terme à taux bas pose un problème qui est davantage de liquidité que de solvabilité, mais n'en reste pas moins préoccupant en temps de crise. La volonté des États partenaires, au premier rang desquels la France et la Belgique, ont décidé de cantonner les actifs plus risqués, sans toucher à l'argent des déposants et au financement des collectivités territoriales : telle est leur volonté forte.
Comment réguler les flux financiers ? Deux phénomènes se conjuguent. L'euro est en fait une monnaie plus forte que le dollar, mais l'endettement des États de la zone euro est insoutenable. La compétitivité insuffisante de pays qui ont profité de leur entrée dans la zone pour s'endetter facilement, pose à son tour problème. Dans un moment de crise, aggravé par des comptes insincères, un phénomène de spéculation se déclenche, autorisé par la dérégulation des marchés financiers. Notre stratégie, s'agissant de la régulation financière, consiste à régler d'abord le problème européen avant d'affronter ceux qui appartiennent à l'enceinte du G20.
Sans être un tenant de la théorie du complot, on peut attribuer une part des difficultés des banques françaises à s'approvisionner en dollars à une certaine vision outre-Atlantique d'un euro en partie concurrent du dollar. Il faut qu'advienne, au G20, la conscience de notre interdépendance, tant de la part de la Chine, qui ne saurait souhaiter voir ses engagements sur la dette souveraine s'envoler avec la faillite des États, que des États-Unis, dont la croissance serait annihilée par un effondrement de la zone euro.
Le fait est, comme on l'a rappelé, que 75 % des opérations passées sur les marchés sont automatisées, ce qui laisse comprendre comment une crise peut s'amplifier. Un tel phénomène spéculatif est inacceptable. Il faut poursuivre, au plan européen, dans la voie désormais ouverte : taxation des banques, limitation des bonus des traders, surveillance macroéconomique des bulles spéculatives.
Mais il importe avant tout de ne pas voir s'ouvrir le G20 alors que n'aurait pas été réglée la situation de la zone euro, à laquelle on imputerait des fautes dont l'origine n'est pas en Europe. Il faut que la présidence française puisse arriver au G20 avec ce problème réglé, pour négocier sereinement la question de la régulation du système financier international, qui est aujourd'hui totalement déconnecté de l'économie réelle.
L'Italie, M. Alain Chatillon, est un pays économiquement important. La situation qu'il traverse en est d'autant plus dangereuse. Le contrat passé avec elle est clair : les décisions prises doivent se mettre effectivement en route. S'il n'y a aucune raison de ne pas croire au respect des engagements, il reste que cette économie forte est menacée de récession si elle ne prend pas rapidement les mesures convenues.
Conjuguer rigueur et relance est en effet, M. Aymeri de Montesquiou, un exercice délicat. La Grèce est aujourd'hui entrée dans une récession durable, aggravée par son défaut d'organisation administrative. On ne peut lui infliger la rigueur et lui demander la croissance. Si donc la troïka : Commission européenne, FMI et BCE est chargée d'un rôle de surveillance, sont également présents à ses côtés des experts qui doivent l'aider à réorganiser son administration fiscale et à établir un cadastre pour la collecte de l'impôt, et répondre par là à l'engagement courageux qui est le sien. Mais cela prendra plusieurs mois, voire quelques années. D'où l'option de la restructuration, avec l'idée que la Grèce peut se rétablir si elle met en place les structures nécessaires à la croissance de demain.
Le déficit grec est de 17 milliards d'euros et la fraude fiscale... de 17 milliards également. Disons que ce pays n'a pas une grande culture du recouvrement de l'impôt... Des habitudes ont été prises, difficiles à modifier.