Intervention de Jean Leonetti

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 25 octobre 2011 : 1ère réunion
Conclusions du conseil européen du 23 octobre 2011 — Audition de M. Jean Leonetti ministre chargé des affaires européennes

Jean Leonetti :

La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique, ayons cette pensée de Pascal à l'esprit ! Nos politiques ne pourront pas être équilibrées en l'absence de contraintes. Quand un chauffeur de taxi, en Bretagne, me dit « vous qui faites de la politique, ne nous faites pas payer pour les Grecs, ils ont triché », je perçois bien le risque d'une vague populiste. Elle se manifeste en Allemagne, où le peuple se souvient des efforts pour absorber l'Allemagne de l'Est, pour restructurer l'organisation sociale, pour conserver un euro fort, après un mark fort. Et on lui demande d'être solidaire de ceux qui n'ont pas fait d'efforts ! La France estime qu'il ne faut pas abandonner la Grèce, mais il n'y aura pas de solidarité possible sans discipline.

Nous ne pouvons pas nous affranchir de la situation dans les États membres. Contrecoup de la crise, tous ont élaboré leur plan de rigueur. Songez que l'Espagne compte 21% de chômeurs, que les salaires ont baissé de 30% en Grande-Bretagne, où 500 000 postes de fonctionnaires ont été supprimés ! Les rémunérations sont en recul dans tous les pays de la zone euro. On ne peut accepter des restrictions ici et des dépenses à budget européen ouvert là. Nous déplorons aujourd'hui que, parmi les politiques européennes, seule la PAC ait fait l'objet d'une expertise. Ne coupons pas les crédits à des politiques utiles, mais reconnaissons que la Grèce a bien mal profité des aides apportées... Pas de relance, pas de préparation de l'avenir : en période faste, cela ne se sent pas trop, mais en période de crise, cela ne pardonne pas. De la même manière, les bulles spéculatives en Irlande ou en Espagne ont éclaté dés le début de la crise.

Une dette devient insoutenable lorsque le débiteur ne parvient plus à y faire face. La dette italienne n'est pas si volumineuse, mais avec une croissance négative et une chute du commerce extérieur, elle devient très lourde. La Grèce est en récession, n'a ni politique de croissance, ni organisation de collecte de l'impôt, alors que sa dette atteint 165% du PIB : cette dette est insoutenable. La dette américaine, gigantesque, est soutenable car les Etats-Unis fabriquent à leur guise des dollars...

J'ai dit beaucoup de mal des agences de notation, et je ne le regrette pas, mais casser le thermomètre ne fait pas tomber la fièvre. Mieux vaut proposer, au nom de la France, une surveillance des déclarations, des critères de notation objectifs, une transparence sur les décisions. Nous avons besoin des agences de notation, qui ne fragilisent que les pays lourdement endettés : elles n'ont jamais posé problème en Allemagne. Et mieux vaut se rendre fort face à la spéculation qu'espérer supprimer la spéculation. La taxe sur les transactions financières est une obligation morale et politique, a dit le Président de la République, et il n'est pas anormal que soient mis à contribution ceux par lesquels la crise est arrivée, les marchés financiers. C'est une bonne réponse au populisme. En outre, avec les 20 à 70 milliards d'euros que pourrait produire la taxation, l'Europe pourrait prendre des mesures de relance et de croissance. Que les Etats membres appliquent la discipline budgétaire et l'Union européenne s'occupera de la croissance de demain, dans un partage des rôles qui ressemble à celui de l'intercommunalité.

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