Intervention de Philippe de Gaulle

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 26 octobre 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Yves de Gaulle candidat à la présidence du directoire de la compagnie nationale du rhône

Photo de Philippe de GaullePhilippe de Gaulle :

Homme de service public, j'ai débuté à la Cour des comptes et j'ai fait partie d'un cabinet ministériel avant de rejoindre le secteur privé en 1989. Avocat associé dans un cabinet spécialisé en droit public, j'ai ensuite dirigé une filiale d'AGF en Espagne. Après avoir été directeur général du groupe Euler, je suis devenu secrétaire général de GDF puis de GDF-Suez.

Ma candidature au poste de président du directoire de la CNR est présentée par son conseil de surveillance, à l'unanimité de ses actionnaires qui sont GDF-Suez, la Caisse des dépôts et consignations et quatre collectivités territoriales.

La Compagnie nationale du Rhône (CNR), créée en 1933, est concessionnaire du Rhône depuis le lac Léman jusqu'à la Méditerranée, avec trois objectifs : produire de l'électricité à partir de la force hydraulique, développer la navigation, favoriser l'irrigation et les autres usages agricoles. En 1946, la CNR demeure indépendante et publique et assure progressivement la construction de 19 barrages et de 14 écluses de grand gabarit. Ces travaux sont achevés en 1986.

Si son exploitation est assurée à partir de 1948 par EDF pour le compte de la CNR, celle-ci retrouve en 2001 la propriété de son électricité tandis que la gestion des installations est toujours assurée par EDF. En 2003, GDF entre au capital au côté de la Caisse des dépôts et des collectivités territoriales. En janvier 2006, la CNR récupère la totalité de la gestion de ses capacités.

Je voudrais souligner trois grandes caractéristiques de la CNR.

En premier lieu, la CNR a connu depuis dix ans un remarquable développement. Premier producteur français d'énergie 100 % renouvelable, elle dispose d'une puissance installée de 3 000 MW de production hydroélectrique sur le Rhône, à laquelle s'ajoutent environ 250 MW de puissance éolienne et 11 MW-crête de capacité de production d'origine photovoltaïque. La production, totalement verte, est de 15 TWh, soit environ 4 % de la production d'électricité. En dix ans, le chiffre d'affaires a été multiplié par trois, son résultat opérationnel avant déductions par huit, son résultat net par sept, ses investissements par six et ses effectifs par deux.

La CNR redistribue des richesses : elle verse 140 millions d'euros à ses actionnaires, mais aussi 190 millions d'euros de redevances hydroélectriques à l'État ainsi que diverses taxes. Au total, près de la moitié de son chiffre d'affaires est consacré à des contributions diverses.

Ses investissements sont d'environ 90 millions d'euros, principalement pour la maintenance. La CNR gère aussi le port Édouard-Herriot et certaines plateformes industrielles qui développent l'activité le long de la vallée. Six millions de tonnes sont transportées sur le Rhône, soit environ 10 % du fret fluvial en France.

Enfin, la capacité d'ingénierie de la CNR lui confère une grande renommée internationale dans la gestion des systèmes complexes. Elle a remporté une quinzaine de contrats à l'étranger. Le Grand Prix national de l'énergie lui a été remis en 2011 pour son travail d'ingénierie réalisé dans le cadre du projet de doublement des écluses du canal de Panama.

En deuxième lieu, la CNR est un acteur rhodanien engagé. Son modèle consiste à transformer les sources d'énergie renouvelable en un produit industriel tout en redistribuant aux territoires une partie de la valeur créée. C'est ainsi que la CNR est la seule à payer la redevance sur les concessions hydroélectriques, qui représente environ 24 % de son chiffre d'affaires.

La CNR développe également, de sa propre initiative, une série d'actions regroupées dans un plan « Missions d'intérêt général ». Le premier, pour les années 2003-2008, a consacré 127 millions d'euros à des actions sur quatre axes : le développement des énergies renouvelables, grâce notamment à des petites centrales hydroélectriques ; la navigation, en particulier l'aménagement de deux écluses sur le Rhône ; la remise en état de certaines installation et des berges ; enfin, des actions de valorisation locale, notamment l'aménagement d'une piste cyclable d'une longueur inédite, la Via Rhôna, du lac Léman à la mer Méditerranée. Le deuxième plan « Missions d'intérêt général » poursuit les actions entreprises, avec une enveloppe de 160 millions d'euros pour les années 2009-2013.

L'organisation même de la CNR traduit son ancrage dans les territoires : le siège, à Lyon, est complété de quatre directions décentralisées, qui coopèrent au quotidien avec les collectivités territoriales et les populations.

Je veux souligner, également, l'exemplarité du modèle social de la CNR pour ses quelque 1 500 salariés. La CNR embauche, pratique l'alternance, elle a, en trois ans, quadruplé le taux d'insertion de ses salariés handicapés, elle consacre 40 000 heures annuelles à la formation et mis en place une méthode originale pour la transmission des savoirs aux jeunes salariés par ceux qui sont proches de la retraite : voilà autant d'exemples concrets de ce modèle social auquel les salariés sont attachés.

Troisième caractéristique de la CNR, son business model : la compagnie produit de l'énergie et la gère de manière parfaitement autonome et intégrée. Elle a développé un outil unique pour maîtriser sa production à partir de ses trois sources - l'eau, le vent et la lumière -qui ont pour point commun d'être aléatoires, dépendantes de nombreux facteurs, et c'est grâce à cet outil que la CNR peut livrer cette production alternative aux moments et dans les quantités souhaités par les clients. Cet outil n'a pas d'équivalent dans notre pays, il est le fruit de compétences nombreuses et d'un travail de longue haleine.

S'agissant de mes ambitions pour la CNR, je fais mien ce slogan bien connu : le changement dans la continuité. Il y aura nécessairement du changement, avec le changement de présidence, mais mon premier programme sera de poursuivre le travail exceptionnel accompli depuis dix ans par M. Michel Margnes - qui ne s'éloigne pas de la CNR puisqu'il prend la présidence du conseil de surveillance.

En matière industrielle, je souhaite que la CNR conforte sa première place de producteur d'énergie « 100 % renouvelable », par ses propres moyens. Cela suppose de développer encore l'hydroélectricité : les projets de douze petites centrales sont prêts, représentant 60 mégawatts installés, je m'emploierai à les réaliser. Cela passe, également, par la conquête de nouvelles concessions hydroélectriques bientôt mises en concurrence, au-delà de la seule conservation de celles que l'État nous a confiées. L'enjeu est considérable, nous mènerons la bataille collectivement, avec l'ensemble du groupe GDF-Suez, en particulier avec la société hydroélectrique du Midi (SHEM) : la seule concession de la vallée de la Dordogne représente 1500 mégawatts, la CNR en l'emportant augmenterait de moitié sa puissance électrique actuelle. Quant aux barrages de la Truyère, ils représentent près de 2000 mégawatts. Sur l'éolien terrestre, je me fixe l'objectif d'au moins doubler la puissance actuelle de 250 mégawatts. Cela demande cependant de raccourcir les délais aujourd'hui excessifs pour l'obtention des permis de construire. Sur le solaire, enfin, où la CNR fait encore peu, je fixerai l'objectif de décupler la production en cinq ans, ce qui suppose une certaine stabilité de notre environnement réglementaire.

La CNR est le « navire amiral » des énergies renouvelables au groupe GDF-Suez, la SHEM en est la « frégate », et le groupe compte d'autres filiales consacrées aux énergies renouvelables. Mon objectif sera de les faire travailler ensemble, dans une stratégie commune, pour conforter la pole position du groupe lui-même dans cette filière énergétique.

En conclusion, ma mission consistera donc à développer l'activité de la CNR, avec l'appui du groupe GDF-Suez et dans son actionnariat actuel, pour que cette très belle entreprise conforte ses missions de service public, ses performances industrielles et ses investissements au service des collectivités territoriales.

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