Intervention de Pierre-Yves Collombat

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 8 février 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Pierre Balligand coprésident de l'institut de la décentralisation

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Je ne vois pas comment on peut s'en sortir si on part du principe qu'il faut que l'Etat se désengage, qu'il rétablisse ses finances et qu'il faut surtout lutter contre l'inflation... qui d'ailleurs n'existe pas.

Comme disait Keynes, il y a deux maux l'inflation et le chômage ; s'il faut choisir, choisissons le moindre. Je ne vois comment nous allons pouvoir régler le problème de la dette ou du vieillissement de la population sans un peu d'inflation. On nous dit qu'on va se serrer la ceinture, ce qui me rappelle une nouvelle de Kafka, « Les athlètes du jeûne », dans laquelle, à force de jeûner, les athlètes meurent.

Par ailleurs, nous donner l'Allemagne en exemple ne me semble pas opportun, notamment s'agissant des collectivités territoriales. A titre personnel, je préfère être dans une collectivité territoriale française plutôt qu'allemande, car ces dernières ont un niveau d'endettement très élevé et ne disposent plus des moyens d'investir.

Le problème n'est pas un problème de transfert de compétences, mais un problème de moyens financiers. Une des raisons de la réussite de la décentralisation, c'est qu'il y avait des moyens financiers pour l'accompagner, comme la taxe professionnelle, dont le rendement était supérieur à la croissance du PIB, et les droits de mutation. Quand les droits de mutation ont été transférés en même temps que les compétences sociales, on ne s'attendait pas à ce que cela marche aussi bien. Dans le département du Var, en 2007, les droits indirects rapportaient plus que la fiscalité directe. Tous les départements n'ont pas connu cette situation, mais tous ont connu une amélioration substantielle de leurs recettes.

Un raisonnement uniquement bâti sur le respect des grands équilibres financiers nous conduit vers une impasse ; si on continue dans cette ligne, on fera comme dans les autres pays européens, comme en Allemagne par exemple, où l'Etat central, pour rétablir ses finances, ne répond qu'avec retard aux besoins exprimés par les Länder et les communes.

Dernier point, s'agissant de la question des métropoles, c'est un peu le même type de problème. La loi prévoit la création de métropoles qui vont hériter des routes, des collèges, de l'aide sociale... Très franchement, je ne vois pas en quoi cela va dynamiser l'économie locale. C'est vrai qu'avoir des métropoles dynamiques c'est peut-être une condition d'un développement moderne, mais je crains que cela ne soit pas simplement en vampirisant les départements que l'on arrivera à ça. Les pôles métropolitains auraient pu être habilités à coordonner une politique d'envergure sur des territoires, d'ailleurs pas forcément continus, et pour des compétences décisives : l'emploi, la R&D, l'université,... Malheureusement, ces sujets n'ont pas été traités.

Tout ça mis bout à bout, j'ai l'impression qu'on s'enferme dans les problèmes et que les solutions s'éloignent.

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