Intervention de Jean-Pierre Balligand

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 8 février 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Pierre Balligand coprésident de l'institut de la décentralisation

Jean-Pierre Balligand, coprésident de l'Institut de la décentralisation :

Notre pays va connaître des évolutions macro économiques qui s'imposeront de facto aux collectivités : une moindre prospérité économique et des taux de croissance relativement bas... nous serons forcément confrontés à des problèmes.

Je pense que les politiques de l'emploi, qui constituent une priorité pour les acteurs publics, devraient être plus décentralisées. Les collectivités territoriales devraient aller jusqu'à demander à l'Etat de leur transférer la compétence « politique de l'emploi », afin de l'adapter aux spécificités économiques locales. Les atouts des collectivités varient d'un endroit à l'autre : ceux d'un département du littoral sont évidemment différents de ceux d'un département du nord-est de la France ; il y a donc des potentialités d'emplois elles aussi différentes qui justifieraient des adaptations locales.

Par ailleurs, l'Institut de la décentralisation est en faveur d'un nouvel ordonnancement territorial, qui permettrait de revitaliser l'action publique. En effet, la citoyenneté constituant un sujet essentiel pour notre Institut, nous sommes contre la confusion des fonctions. Autrement dit, nous estimons que les collectivités territoriales doivent exercer plus clairement et lisiblement leurs compétences. C'est la raison pour laquelle, nous sommes plutôt en faveur de la spécialisation des compétences des collectivités, ce qui n'est pas sans conséquences pour le bloc communal.

Je pense qu'il existe une certaine confusion au niveau communal. En effet, avec l'intercommunalité, nous avons inventé un dispositif efficace mais les transferts de compétences vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne se sont pas traduits par une diminution de la fiscalité communale. De très nombreuses communes, toutes couleurs politiques confondues, n'ont jamais diminué leurs impôts après leur adhésion à un EPCI. Les lois Joxe et Chevènement, consacrées à l'intercommunalité, leur ont finalement redonné une certaine marge de manoeuvre : le bloc communal a profité de la montée en puissance des EPCI, et du fait qu'ils assumaient désormais certaines compétences, pour bénéficier d'une manne financière accrue. Certes, une partie de ces revenus a été absorbée par la demande des citoyens, notamment en milieu rural, avec par exemple la réalisation de centres d'accueil pour jeunes enfants. Néanmoins, à niveau constant d'offre de services publics, les communes n'ont pas profité de ces ressources supplémentaires pour réaliser des économies.

Désormais, il faudra aller plus loin dans le respect de la citoyenneté. Des communautés urbaines actuelles comme celles de Lille, Lyon ou Bordeaux, disposent de budgets très importants, comparés à la région, alors que leurs élus ne sont pas élus au suffrage universel direct. Cela sera encore plus frappant si elles deviennent des métropoles. Ces établissements, créés au nom de l'efficacité, doivent donner voix au chapitre au citoyen. A l'avenir, il sera nécessaire d'évoquer la question de la lisibilité citoyenne et lorsqu'il existe un niveau d'intégration tel celui de la communauté urbaine, cela devra se traduire par une élection au suffrage universel. Je ne souhaite pas tuer les communes, mais j'estime nécessaire que les exécutifs des intercommunalités soient élus au suffrage universel direct. Il serait dommage d'inventer un dispositif intercommunal semblable au dispositif européen, c'est-à-dire efficace mais coupé des réalités et des citoyens.

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