Intervention de Franco Frattini

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 7 mars 2006 : 1ère réunion
Audition de M. Franco Frattini vice-président de la commission européenne commissaire en charge de la justice de la liberté et de la sécurité

Franco Frattini, commissaire en charge de la justice, de la liberté et de la sécurité :

a introduit son propos en rappelant que l'Union européenne accordait une priorité élevée à la lutte contre l'immigration illégale mais aussi à l'élaboration d'une stratégie européenne concernant l'ensemble des problèmes migratoires, qui sont étroitement liés à la dimension extérieure de l'action de l'Union.

Il a souligné que les Parlements nationaux avaient un rôle déterminant à jouer dans la définition de cette stratégie, au niveau tant de l'élaboration que de la mise en oeuvre des politiques européennes, comme en témoignait le rapport d'information sur la politique européenne d'immigration publié en juin 2005 par la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

a exposé que la Commission avait pris, en matière d'immigration illégale, des initiatives s'inscrivant dans une approche globale incluant la protection et la sécurité des frontières, les visas, la politique de retour, la coopération avec les pays tiers, la lutte contre la traite des êtres humains et le soutien au développement des échanges d'informations entre les Etats membres.

En ce qui concerne la sécurité des frontières, il a rappelé que le renforcement des contrôles était un instrument essentiel de la lutte contre le trafic des êtres humains et l'immigration illégale, ainsi que de la sécurité de l'espace européen : il est donc indispensable que les Etats membres chargés d'effectuer ces contrôles le fassent avec la compétence et les moyens nécessaires.

a relevé qu'allaient dans ce sens l'adoption récente du code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, l'intégration de données biométriques dans les documents de voyage, ainsi que la création de l'agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne (FRONTEX).

A propos de la politique de retour, le vice-président de la Commission européenne a mentionné la proposition de directive présentée par la Commission en septembre dernier, qui tend à définir, pour la première fois, des règles communes et claires en matière de retour, d'éloignement et de réadmission.

Il a souhaité souligner que ces règles devraient tenir pleinement compte du principe de proportionnalité et du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, insistant sur la nécessité de garder un équilibre entre les exigences de la sécurité et le respect de la dignité des êtres humains.

a également mentionné la nécessité de renforcer le volet opérationnel de la politique de retour : une décision récente relative aux vols communs pour l'éloignement prévoit que les Etats membres procèdent à des échanges d'informations en temps utile pour l'organisation de ces vols ; la Commission a par ailleurs lancé, pour 2005 et 2006, des actions préparatoires à la création du Fonds européen pour le retour.

En ce qui concerne les échanges d'informations entre les Etats membres, l'adoption des modalités de mise en oeuvre du réseau d'information et de coordination sécurisé relié à Internet (ICONet) permettra aux services compétents des Etats membres d'échanger des informations sur les mouvements migratoires et pourra aussi contribuer à renforcer leur coopération dans le cadre d'opérations de retour conjointes.

Le vice-président de la Commission européenne a également mis en relief le rôle essentiel joué par le réseau des officiers de liaison « immigration » détachés par les États membres dans des pays tiers pour fournir des informations en provenance des pays sources d'immigration illégale ou pour préparer l'accueil des immigrants réguliers.

La coopération avec les pays tiers est quant à elle un volet essentiel de la politique commune de lutte contre l'immigration clandestine, problème européen qui appelle une réponse européenne : M. Franco Frattini a estimé à cet égard que les conclusions récentes du Conseil européen relatives aux « priorités d'action centrées sur l'Afrique et la Méditerranée » donnaient une indication forte de la nécessité de mieux maîtriser l'immigration transitant par la Méditerranée.

Il a détaillé les trois grandes priorités définies par le Conseil :

- le renforcement de la coopération opérationnelle ;

- l'intensification du dialogue avec l'Afrique ;

- la coopération avec les pays voisins riverains de la Méditerranée.

Il a ajouté que le Conseil avait souhaité donner une traduction financière à ces priorités, en affectant aux questions liées au phénomène migratoire une partie -qui pourrait atteindre un montant de l'ordre de 400 millions d'euros- des instruments financiers affectés aux relations extérieures de l'Union.

Il appartiendra à la Commission, à l'agence FRONTEX et aux Etats membres de concrétiser ces impulsions politiques, la Commission devant faire à la fin de 2006 un rapport sur les progrès qui auront été réalisés.

Ajoutant que la solidarité entre les Etats membres était une des clés de la solution des problèmes posés par l'immigration clandestine, M. Franco Frattini a souligné l'importance du programme cadre en matière de solidarité de gestion des flux migratoires 2007/2013, actuellement soumis à l'examen du Parlement européen.

Le vice-président de la Commission européenne a ensuite exposé les mesures à venir dans le domaine de la lutte contre l'immigration illégale.

Il a rappelé que la Commission avait présenté en décembre 2005 un programme d'action relatif à l'immigration légale.

Mais il faut prendre en considération à la fois l'accueil et l'immigration économique, d'une part, et, d'autre part, la crédibilité de la politique de lutte contre l'immigration illégale.

C'est pourquoi sera présentée en mai de cette année une communication sur les priorités futures dans le domaine de l'immigration clandestine, précédée en avril d'une conférence et d'une consultation publique : cette communication définira de nouvelles priorités pour de nouvelles actions communautaires.

Elle sera accompagnée du deuxième rapport annuel d'activité sur les avancées réalisées en 2005 dans la lutte contre l'immigration illégale, un rapport final sur les stratégies et les résultats de 2006 devant être présenté en décembre 2006.

a estimé que les grandes lignes de l'action à développer dans le domaine de l'immigration illégale devraient concerner le renforcement de la coopération opérationnelle entre les Etats membres en matière de contrôle des frontières et de politique de retour.

Il a annoncé qu'il proposerait la constitution d'équipes d'experts nationaux chargés d'apporter, dans le cadre de l'agence FRONTEX, un concours aux Etats membres confrontés à des afflux exceptionnels de migrants. Sera également proposé un plan euro-méditerranéen de patrouilles en mer.

Sur la question des retours, M. Franco Frattini a soulevé le problème des documents que doivent produire les ressortissants des Etats tiers ; il a également regretté que les Etats membres organisent encore très peu d'opérations de retour conjointes et que les normes de formation des agents chargés des retours soient très variables.

Le vice-président de la Commission européenne a indiqué qu'il suivait avec intérêt les actions menées en France pour lutter contre l'immigration irrégulière et en particulier contre le travail « au noir », qui constitue un facteur d'attraction pour les immigrants irréguliers dont il peut aussi favoriser l'exploitation : il a affirmé la nécessité de combattre le « marché noir du travail » et d'engager fortement la responsabilité des employeurs.

a enfin abordé le sujet de la coopération avec les pays d'origine et de transit de l'immigration.

Soulignant qu'il existait de nombreux accords bilatéraux de réadmission, il a relevé la nécessité d'une véritable politique communautaire en ce domaine, passant par la conclusion d'accords stipulant les obligations mutuelles de l'Union et de ses partenaires et définissant des procédures administratives et opérationnelles de retour ainsi que les conditions de la protection des droits des individus.

a précisé que le Conseil avait à ce jour accordé à la Commission des mandats pour la négociation d'accords de réadmission avec 11 pays, choisis en fonction de leur situation géographique, de l'importance de la pression migratoire en provenance de ces pays, mais aussi de la « valeur ajoutée » que pouvait représenter un accord communautaire par rapport aux accords bilatéraux existants.

Notant que la négociation de ces accords n'avait pas été aisée, le vice-président de la Commission européenne a indiqué que, si les pourparlers avaient été achevés avec cinq pays, dont l'Albanie et la Russie, les négociations n'avaient pas atteint le même degré d'avancement dans tous les cas.

a exprimé l'espoir de pouvoir conclure prochainement l'accord avec l'Ukraine qui, comme la Russie, est à la fois un pays d'origine et de transit de l'immigration vers l'Union européenne, l'accord devant porter sur ces deux aspects. Il a également estimé possible de parvenir avant la fin de la présidence autrichienne à un accord avec le Maroc, pays par lequel transite l'immigration d'origine sub-saharienne, et d'entamer des négociations avec l'Algérie.

Mais, a-t-il souligné, il faut aussi aider les pays d'origine : deux projets pilotes ont été lancés dans deux régions clés choisies en accord avec les Nations unies : d'une part, l'Afrique sub-saharienne des Grands Lacs et en particulier la Tanzanie, d'autre part, l'Ukraine, la Biélorussie et la Moldavie.

Dans ces régions, l'Europe s'engage, afin de prévenir les migrations, à aider les gouvernements à améliorer les conditions de vie de la population.

a observé que lorsque l'accord de réadmission s'inscrivait dans le cadre d'un partenariat plus large, il devenait un élément d'un « paquet » et qu'il pouvait s'avérer nécessaire, au cas par cas et afin de parvenir à la conclusion de l'accord, de prévoir des mesures de simplification de délivrance des visas en faveur de certaines catégories - étudiants, hommes d'affaires, diplomates.

En conclusion de son exposé, M. Franco Frattini a déclaré qu'il pensait pouvoir constater un consensus sur la stratégie européenne dans le domaine de l'immigration, à laquelle le Conseil européen a apporté un appui politique.

Il appartiendra à la Commission, aux Etats membres mais aussi aux Parlements nationaux de rester engagés pour sa mise en oeuvre. Il a ajouté qu'il s'attacherait à assurer une évaluation permanente de cette mise en oeuvre, évaluation essentielle pour faire percevoir par l'opinion publique la « valeur ajoutée » de l'Union européenne.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion