Intervention de Guillaume Pepy

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 octobre 2009 : 1ère réunion
Audition de M. Guillaume Pepy président de la sncf

Guillaume Pepy, président de la SNCF :

Evoquant l'application des dispositions législatives sur le service public garanti à l'occasion de la grève de ce mardi 20 octobre, M. Guillaume Pepy, président de la SNCF, a tout d'abord souligné que ce régime a bien fonctionné dans ses trois composantes :

- un préavis remis 48 heures à l'avance, qui permet d'organiser le trafic et d'assurer une bonne information des voyageurs. Il a indiqué qu'il n'y a pas eu d'annulation de trains prévus et que l'information a été sensiblement renforcée, notamment par la distribution depuis la veille de 300 000 feuillets dans les gares ;

- la réaffectation de personnels non grévistes sur les lignes et trains les plus sollicités, qui permet de concentrer le trafic sur la mission de service public et les liaisons relevant de la vie quotidienne. Les RER en Ile-de-France ont ainsi davantage fonctionné que les trains à grande vitesse (TGV) ;

- l'obligation pour la direction et les syndicats de négocier plus intensément avant la grève, ce qui fut le cas pendant les 13 jours qui l'ont précédée. Il a ainsi précisé que l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), deuxième syndicat de l'entreprise, n'a pas participé à la grève, et que le taux de suivi s'établit à 23,75 %.

Concernant le transport ferroviaire de marchandises, il a considéré que l'on assiste aujourd'hui à un « tournant historique », comparable à celui que la France a, dans le passé, pris en faveur du transport de voyageurs, en investissant notamment dans les trains express régionaux (TER), un réseau à grande vitesse envié et les tramways. Le transport de marchandises n'avait cependant pas bénéficié d'un tel effort. Il a indiqué que l'enveloppe de 7 milliards d'euros figurant dans l'engagement national pour le fret ferroviaire est destinée à Réseau ferré de France (RFF), en vue de bâtir un réseau ferroviaire orienté vers le fret et qui permette notamment des contournements d'agglomérations, telle que Lyon, à l'instar de ce qui a été fait pour le transport de voyageurs. Ce changement remarquable concernera tout autant la SNCF que ses concurrents, tels qu'Eurotunnel ou la Deutsche Bahn.

a estimé que la SNCF n'en doit pas moins se montrer à la hauteur de l'enjeu en utilisant des produits d'avenir, dans un contexte de massification des flux et de concentration de l'industrie européenne, et non plus seulement des produits tels que le wagon isolé, qui a longtemps été le fondement de la politique française de transport ferroviaire de marchandises pour répondre à une clientèle diffuse. Il importe donc de réaliser des autoroutes ferroviaires et de recourir au combiné portuaire à grande échelle, aux plates-formes multimodales et à la logistique urbaine pour accomplir une révolution du même ordre que le passage du train Corail au TGV. Cela sera certes difficile mais l'enjeu le mérite.

Il a ensuite abordé la situation de la SNCF en 2009. Celle-ci est touchée par la crise comme ses clients, en particulier l'industrie automobile, dont la baisse de trafic est de l'ordre de 40 %. Le trafic urbain local, notamment les TER, subit également les conséquences de la situation économique actuelle avec une croissance limitée de 1 % à 2 %. Sur les longues distances, la situation est moins détériorée, puisque la SNCF continue de gagner des parts de marché au détriment de l'aérien, mais la croissance nulle du trafic doit être rapportée à la progression inévitable des coûts fixes. Il a précisé que la SNCF connaîtra donc une perte conjoncturelle en 2009, après avoir dégagé un résultat net positif d'environ un milliard d'euros en 2006 et 2007, puis de 600 millions d'euros en 2008. La perte de l'exercice sera toutefois limitée par la capacité d'adaptation du groupe, dont il a chiffré le montant depuis le début de 2009 à environ 900 millions d'euros.

a ensuite exposé les principaux défis structurels de l'entreprise. Le premier d'entre eux est l'ouverture à la concurrence de l'intégralité des activités de la SNCF, qui n'est pas une fatalité mais une réalité dans laquelle la SNCF est capable de « tenir son rang », par exemple sur le TGV qui bénéficie de vingt-cinq ans d'expérience et peut encore connaître des marges d'amélioration.

Le deuxième défi est le fret, activité dans laquelle trois milliards d'euros ont été investis depuis dix ans et qui, en l'absence de nouvelle stratégie, coûterait encore deux milliards d'euros dans les trois ou quatre prochaines années. La croissance du fret par de nouveaux produits est donc une question vitale pour la SNCF comme pour le pays.

Le troisième enjeu structurel réside dans les trains Corail d'aménagement du territoire, tels que les liaisons Paris-Briançon, Lyon-Bordeaux ou Caen-Rennes, qui sont aujourd'hui déficitaires, faute de disposer d'une ressource pérenne liée à un contrat de service public. La stratégie actuelle consiste à maintenir les liaisons qui justifient un contrat de service public, à l'image des contrats existants pour la Poste et les tarifs sociaux. MM. Dominique Bussereau et Michel Mercier travaillent actuellement sur ce contrat de service public afin de lui trouver un financement. Il s'agit, selon lui, d'un enjeu important car la pérennité de ces trains ne peut être assurée par le seul relèvement des tarifs ou des gains de productivité.

Le quatrième enjeu est l'avenir de la grande vitesse. La France est devenue, comme l'Espagne, un champion européen et mondial en construisant un réseau « à marche forcée ». Il a fait part de ses inquiétudes sur les moyens de financement, compte tenu de l'impossibilité pour les régions et l'Etat de consentir un effort supplémentaire comme de l'absence de « solution miracle » par le relèvement des péages payés par la SNCF à Réseau ferré de France. Il a estimé, en effet, que l'augmentation de ces derniers représente une ponction de plus en plus lourde pour les TGV, dont le résultat pourrait être nul avant le milieu de la prochaine décennie si la tendance actuelle se maintient, le résultat du TGV ne pouvant plus financer les activités déficitaires. Il est donc nécessaire, selon lui, d'ouvrir dès à présent un débat sur cette question, notamment avec l'Etat actionnaire.

Revenant sur l'ouverture à la concurrence, M. Guillaume Pepy a fait référence au rapport de Mme Fabienne Keller sur les gares et a indiqué que la gestion de ces dernières est à présent autonome pour offrir le même service quel que soit le transporteur. De même, la gestion des circulations et les postes d'aiguillage ont été regroupés dans une direction de la circulation ferroviaire et les aiguilleurs doivent garantir un traitement équitable de la concurrence. Il a également rappelé qu'un groupe de travail présidé par M. Francis Grignon examine la question de l'expérimentation de l'ouverture des TER à la concurrence.

Il a enfin évoqué la « perspective extraordinaire » que représente le Grand Paris, qui ne repose pas seulement sur la double boucle du métro souterrain sur pneus, mais encore sur la remise à niveau des RER et leur extension vers l'est et l'ouest de Paris, la mise en place de trams-trains sur la grande ceinture, la réfection des gares en Ile-de-France ou le rôle de la grande vitesse. Il a ainsi constaté que l'Ile-de-France est paradoxalement mal desservie par les gares de TGV, les gares étant principalement situées dans Paris, ce qui contraint les voyageurs de banlieue à entrer dans la capitale pour accéder au réseau à grande vitesse.

Pour conclure son propos liminaire, il a souligné le privilège d'être le président d'une entreprise dont les Français et les élus attendent davantage.

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