Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 octobre 2009 : 2ème réunion
Crise financière et régulation des marchés — Examen du rapport du groupe de travail

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur :

a rappelé le contexte de ce groupe de travail, dont les réflexions se sont appuyées sur de nombreuses auditions, que ce soit en commission plénière, dans le cadre du groupe de travail, ou par le rapporteur général. Un certain nombre de déplacements à l'étranger a également été effectué : une mission du bureau de la commission aux Etats-Unis d'Amérique, deux missions du rapporteur général à Londres et en Suisse, et deux visites du groupe de travail à la Banque centrale européenne, à Francfort, et à la Commission européenne à Bruxelles.

Sans revenir sur les causes de la crise qui ont été exposées à de nombreuses reprises, il a indiqué que le groupe de travail a été guidé par deux principes directeurs : éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets en résistant à la tentation d'un retour aux pratiques antérieures, et trouver le bon équilibre entre des aspirations parfois contradictoires à la sécurité ou à la liberté et à l'innovation. Il a exposé les trois champs couverts par les propositions du groupe de travail qui sont la transparence et la régulation des produits et marchés, la limitation de la procyclicité et du risque systémique, et la restauration de la responsabilité et du prix du risque.

a ensuite présenté les 57 propositions du groupe de travail. En premier lieu, celles relatives à la transparence et à la régulation des produits et marchés ont trait à six domaines.

Concernant la proposition de directive européenne sur les gestionnaires de fonds alternatifs, le groupe de travail propose de :

- réserver le « passeport » aux seuls gestionnaires établis dans l'Union européenne ;

- préciser les critères d'indépendance du valorisateur des actifs des fonds ;

- prévoir une obligation, et non une simple faculté, pour l'autorité d'agrément d'imposer des exigences plus strictes au gestionnaire en cas de commercialisation auprès d'investisseurs de détail non qualifiés ;

- élargir le champ de la directive aux fonds de fonds pour tirer les leçons de « l'affaire Madoff ».

Sur l'encadrement des agences de notation, ses propositions sont les suivantes :

- préciser le rôle de la future Autorité européenne des marchés financiers et son articulation avec les autorités nationales ;

- pour l'application du régime transitoire d'agrément des agences, doter l'Autorité des marchés financiers (AMF) d'un véritable pouvoir de surveillance des agences ;

- préciser la prévention et la gestion des conflits d'intérêt au sein des agences, et mieux formaliser leur contrôle interne de la qualité des notations ;

- créer les conditions d'une véritable concurrence entre agences de notation et favoriser l'émergence d'agences européennes.

En matière d'infrastructures post-marché et de transparence des produits dérivés de gré à gré :

- standardiser les contrats de dérivés de gré à gré autant que cela est possible, selon des modalités communes aux Etats-Unis et en Europe ;

- généraliser la procédure de confirmation électronique des ordres ;

- étendre le tryptique « standardisation-compensation-information » aux dérivés de gré à gré autres que les contrats d'échange sur défaut (« credit default swaps » - CDS) ;

- promouvoir la création d'une chambre de compensation dans la zone euro, soit par création d'une structure ex nihilo, soit par regroupement d'acteurs existants ;

- mettre en place, sous l'égide du Conseil de stabilité financière (CSF) et de l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), des règles mondiales de gouvernance des chambres de compensation ;

- constituer une base de données européenne sur les dérivés standardisés, en tant qu'alternative à la Trade Information Warehouse américaine. A défaut, assurer le respect du principe d'accès libre et non-discriminatoire à l'information ;

- garantir que le champ de la directive « Abus de marché » couvre tous les produits dérivés négociés sur un marché réglementé ou organisé, en particulier les CDS ;

- mettre en place une législation européenne sur les infrastructures post-marché - qui en tant que biens collectifs doivent faire l'objet d'un libre-accès -, qui permette d'harmoniser les régimes du règlement-livraison et des dépositaires ;

- approfondir la réflexion européenne et internationale concernant les produits dérivés sur l'énergie et les matières premières, en particulier sur les quotas de CO2 et sur les produits dénommés « futures » contractés dans une optique spéculative par des agents n'ayant pas d'intérêt sur le sous-jacent et qui privilégient un dénouement en numéraire.

Les propositions relatives aux pratiques de marché sont les suivantes :

- interdire la cotation à plus de deux décimales, les ordres dits « flash » et les dérivés sur dérivés ;

- prévoir un temps minimal de présence (plusieurs secondes) d'un ordre dans le carnet d'ordres central d'un marché, afin qu'il ne soit pas perçu par les seuls programmes automatiques de négociation ;

- consolider la base légale des mesures de suspension des ventes à découvert et établir une doctrine pérenne et coordonnée entre les principaux régulateurs de marché, applicable en période normale et en période de troubles exceptionnels ;

- doter l'AMF, en cas de menace imminente pour la stabilité et l'intégrité des marchés, du pouvoir de suspendre ou interdire pour une durée illimitée toute pratique de marché litigieuse ;

- soumettre les prêts et emprunts de titres à une obligation précise d'information du marché ;

- étendre le périmètre des déclarations de franchissement de seuil à tous les produits dérivés conférant une exposition économique sur un émetteur, en particulier ceux dénommés « contracts for difference ».

S'agissant de la protection des investisseurs et des épargnants :

- dans une démarche de régulation par objectif, étendre la mission de l'AMF en tant que « gardienne » de la déontologie de la distribution de l'ensemble des produits d'épargne, assurance-vie et livrets rémunérés inclus ;

- centrer les modalités d'exercice du contrôle de la commercialisation sur la fiabilité des procédures et l'honnêteté de l'information livrée au consommateur (selon des principes d'intelligibilité, d'adaptation et de pertinence) plutôt que sur le respect d'un formalisme élevé ;

- étendre, au-delà des seuls organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), le « document d'information clef à l'investisseur » ;

- compte tenu de la complexité des statuts existants et de certains abus dans les pratiques commerciales, examiner l'opportunité économique et juridique de la création d'un statut de « courtier en produits financiers », par fusion des statuts de démarcheur et de conseiller en investissements financiers, voire de courtier en assurances.

Le groupe de travail a également formulé des recommandations sur quatre propositions de règlements communautaires et une proposition de décision relatives à la création d'un Comité européen du risque systémique (CERS) et de trois agences européennes de supervision sectorielle (l'Autorité bancaire européenne, l'Autorité européenne des marchés financiers et l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles), qui ont été présentées par la Commission européenne le 23 septembre 2009.

Les propositions du groupe de travail sont les suivantes :

- limiter à deux au lieu de cinq le nombre de gouverneurs de la Banque centrale européenne au comité directeur du CERS ;

- prévoir une adoption à la majorité simple (et non pas qualifiée) de la publication des alertes et recommandations non individuelles émises par le conseil général du CERS ;

- prévoir que les autorités sectorielles puissent s'autosaisir pour prendre des mesures d'urgence, sans que la Commission ait le monopole d'appréciation de cette urgence ;

- préciser la portée de la clause de sauvegarde budgétaire, qui devrait être limitée aux situations appelant une recapitalisation ou la mobilisation de garanties publiques ;

- veiller à ce que les projets de normes techniques établis par les autorités ne soient pas le réceptacle des ambiguïtés, incertitudes et différends politiques non résolus au premier niveau du « processus Lamfalussy ».

En deuxième lieu, M. Philippe Marini, rapporteur, a exposé les propositions relatives à la limitation de la procyclicité et du risque systémique, qui couvrent deux aspects.

Concernant les normes comptables internationales, il est proposé de :

- « maintenir la pression » politique sur l'International Accounting Standards Board (IASB) pour une réforme plus pragmatique de la juste valeur. Le cas échéant, il ne faudrait pas exclure d' « européaniser » la norme International Accounting Standard (IAS) 39 ;

- améliorer la gouvernance de l'IASB, en particulier par un renforcement du « comité directeur » créé début 2009.

Les propositions relatives à la mesure et à la prise en compte du risque systémique sont les suivantes :

- enrichir l'appréciation du risque systémique et le deuxième pilier de « Bâle II » par un ratio de levier, en tenant compte des différences comptables entre l'Europe et les Etats-Unis. Une harmonisation complète du mode de calcul doit précéder toute éventuelle intégration de ce ratio dans le premier pilier ;

- harmoniser et systématiser la démarche des « tests de résistance », selon une méthodologie établie par le CSF et le Comité de Bâle et une périodicité régulière (par exemple tous les six mois). Les résultats de ces tests devraient également être publiés, au moins pays par pays ;

- matérialiser le coût de l'assurance systémique par une « prime d'assurance » du risque systémique, dont le taux serait progressif et qui se substituerait à la taxe sur les salaires ;

- mieux prendre en compte le risque systémique dans le droit de la concurrence et l'examen des opérations de rapprochement entre établissements financiers ;

- envisager la mise en place, à moyen-long terme, d'une garantie des dépôts centralisée à l'échelle de la zone euro.

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