a rappelé qu'en janvier 2006, à l'occasion de ses voeux de début d'année, le Président de la République avait souhaité que soit franchie une « étape nouvelle pour la parité » entre les femmes et les hommes, notamment en instituant une obligation de parité dans les exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants et des conseils régionaux, ainsi que dans la désignation des délégués des communes au sein des structures intercommunales, et en renforçant les pénalités financières applicables aux partis politiques qui ne respectent pas l'objectif de parité des candidatures aux élections législatives.
Elle a indiqué qu'un projet de loi, annoncé par Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, le 8 mars dernier, puis de nouveau évoqué, à deux reprises, par le Président de la République, avait été déposé sur le Bureau du Sénat le 28 novembre 2006, soit la veille. Elle a précisé que la délégation avait été saisie de ce projet de loi par la commission des lois qui l'avait précédemment saisie, en février dernier, de dix propositions de loi concernant toutes le thème de la parité en politique. Elle a rappelé que la délégation avait procédé à de nombreuses auditions et entendu 29 personnes, dont deux ministres, au cours de 13 réunions.
Elle a fait observer que l'application de la loi sur la parité du 6 juin 2000 avait permis de réelles avancées concernant la représentation des femmes en politique, tout en laissant subsister des insuffisances concernant en particulier les assemblées élues au scrutin uninominal, les exécutifs des collectivités territoriales et les structures intercommunales.
a d'abord rappelé le dispositif juridique en vigueur concernant la parité.
Elle a noté que, compte tenu de la jurisprudence antérieure du Conseil constitutionnel, le législateur n'avait pu adopter de dispositions législatives comportant une distinction entre candidats en raison de leur sexe qu'après une révision constitutionnelle, votée le 28 juin 1999, qui a modifié les articles 3 et 4 de la Constitution. Elle a indiqué qu'à l'issue de cette révision, l'article 3 de la Constitution disposait désormais que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives » et que l'article 4 précisait que les partis et groupements politiques « contribuent à la mise en oeuvre du principe [posé à l'article 3] dans les conditions déterminées par la loi ».
Elle a souligné que la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives avait constitué une première mise en oeuvre des principes arrêtés lors de la révision constitutionnelle de 1999.
Cette loi, a-t-elle ajouté, concerne essentiellement les élections au scrutin de liste, pour lesquelles elle a prévu des obligations de parité des candidatures au moment de la formation des listes, pour les élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants (parité par groupe de six candidats), les élections régionales (parité par groupe de six, puis stricte alternance d'un candidat de chaque sexe depuis la loi du 11 avril 2003), les élections européennes (stricte alternance) et les élections sénatoriales à la représentation proportionnelle (stricte alternance).
Elle a également expliqué que, pour les élections législatives, qui se déroulent au scrutin majoritaire, la loi du 6 juin 2000 avait prévu un dispositif dissuasif reposant sur une pénalisation financière des partis politiques qui ne respectent pas l'objectif de parité des candidatures, et que, par conséquent, plus un parti s'écartait de cet objectif, plus le montant de l'aide publique qui lui était versée diminuait, et plus il était donc financièrement pénalisé.
a ensuite dressé le bilan de l'application de la loi du 6 juin 2000, sur la base de deux rapports de mars 2005, celui de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, et celui établi par le ministère de la parité et de l'égalité professionnelle au titre de l'évaluation de la loi.
S'en tenant aux principaux chiffres, elle a considéré que l'application de la loi du 6 juin 2000 présentait un bilan contrasté. Elle a souligné, en matière de comparaisons internationales, la position médiocre de la France s'agissant de la représentation des femmes au Parlement. Citant les statistiques établies par l'Union interparlementaire (UIP), elle a fait observer que notre pays occupait, au 31 octobre dernier, le 84e rang, sur 135, avec 12,2 % de femmes à l'Assemblée nationale, et 17,6 % au Sénat, et que, toutes chambres confondues, la France, avec 14,2 % de femmes parlementaires, se situait en dessous de la moyenne mondiale, soit 16,9 %. Elle a toutefois noté que la France ne se situait au-dessus de la moyenne mondiale que pour la proportion des femmes parlementaires membres d'une seconde chambre, 17,6 % des sénateurs français étant des femmes, pour une moyenne mondiale de 16 %. Elle a jugé regrettable que, parmi les 25 Etats membres de l'Union européenne, 21 assurent une meilleure représentation parlementaire des femmes que la France, qui apparaît ainsi comme « le mauvais élève » de la classe européenne en la matière, même si, au niveau local, elle arrive en première position en Europe avec un taux de conseillères municipales de 47,5 % en 2002.
a estimé que, pour les élections à la représentation proportionnelle, la loi du 6 juin 2000 avait permis une réelle avancée car elle avait débloqué une situation qui faisait de la politique un quasi-monopole des hommes et qui, s'il avait fallu s'en remettre à l'évolution spontanée, n'était sans doute pas près de changer.
Elle a cité des chiffres établis avant et après l'application de la loi du 6 juin 2000 et noté que :
- la proportion de conseillères municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants était passée de 25,7 % en 1995 à 47,4 % en 2001 ;
- celle des conseillères régionales était passée de 27,5 % en 1998 à 47,6 % en 2004 ;
- lors du dernier renouvellement du Sénat, portant sur la série C, en 2004, 34,9 % des sénateurs élus à la représentation proportionnelle étaient des femmes, contre 14,8 % en 1995 ;
- enfin, les femmes représentaient 43,6 % des députés européens élus en 2004, contre 40,2 % en 1999.
Elle a indiqué, en revanche, que les résultats aux élections se déroulant au scrutin majoritaire offraient une illustration a contrario des effets de la loi du 6 juin 2000, la représentation politique des femmes ne progressant que peu quand l'obligation de parité des candidatures ne s'appliquait pas, et a noté que :
- la proportion des conseillères municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants était passée de 21 % en 1995 à 30 % en 2001 ;
- celle des conseillères générales était passée de 8,6 % en 1998 à 10,9 % en 2004 ;
- les femmes ne représentaient que 12,2 % des députés en 2002, après 10,9 % en 1997 ;
- les femmes constituaient 4,4 % des sénateurs élus au scrutin majoritaire en 2004, soit moins qu'en 1995 (4,8 %).
Elle a également souligné les limites du système de pénalités financières instituées par la loi du 6 juin 2000, dont l'objectif dissuasif n'avait été que faiblement atteint. Rappelant que le montant total des pénalités financières pour non-respect de la parité s'était établi à 7,04 millions d'euros en 2004, elle a fait observer que quatre formations politiques représentaient à elles seules 95,7 % de leur montant : l'UMP (60,8 %), le PS/PRG (23,6 %), l'UDF (9,5 %) et le PCF (1,8 %). Elle a regretté que ces quatre formations politiques aient préféré renoncer au total à 6,7 millions d'euros plutôt que de présenter davantage de candidatures féminines aux élections législatives de 2002.
a estimé que la loi du 6 juin 2000 n'avait pas connu le prolongement qui aurait dû être le sien au niveau des exécutifs locaux, l'exercice des responsabilités demeurant concentré entre les mains des hommes, y compris dans les collectivités administrées par des assemblées où les femmes sont représentées de façon quasi paritaire :
- dans les communes de moins de 3 500 habitants, où les femmes représentent 30 % des conseillers municipaux, elles ne sont que 11,9 % des maires et 23,9 % des adjoints ;
- dans les communes de plus de 3 500 habitants, 7,6 % des maires et 36,8 % des adjoints sont des femmes (et souvent dans des délégations prétendument « féminines »), alors que celles-ci représentent 47,4 % des conseillers municipaux ; par ailleurs, la féminisation des conseils municipaux est restée sans effets sur la composition des structures intercommunales, dont seulement 5,5 % sont présidées par une femme ;
- 10,9 % des conseillers généraux sont des femmes, mais seulement 3 % sont présidentes et 12,1 % vice-présidentes ;
- enfin, si 47,6 % des conseillers régionaux sont des femmes, elles ne sont que 3,8 % à occuper la fonction de président et 37,3 % celle de vice-président.
Puis Mme Catherine Troendle, rapporteure, a présenté les multiples propositions avancées pour faire progresser la place des femmes en politique.
Elle a rappelé que la délégation avait été saisie par la commission des lois, au total, de 14 propositions de loi visant à améliorer la parité, qui avaient été déposées par plusieurs sénateurs et sénatrices appartenant à différents groupes politiques, en particulier Mmes Gisèle Gautier, Valérie Létard, Nicole Borvo Cohen-Seat, Muguette Dini et M. Jean-Louis Masson. Elle a expliqué qu'au cours des auditions de la délégation, les nombreuses personnalités entendues, notamment les représentants des associations d'élus et des grandes formations politiques, avaient été appelées à formuler un avis sur toutes ces propositions et, le cas échéant, à formuler des propositions complémentaires.
Elle a fait observer que les quatorze propositions de loi soumises à l'examen de la délégation comportaient des dispositions relatives aux élections au scrutin de liste (élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants et de plus de 3 500 habitants, et élections régionales), aux élections au scrutin uninominal (élections cantonales et élections législatives), aux élections sénatoriales, aux fonctions exécutives et intercommunales, et au statut de l'élu.
a détaillé certaines des propositions présentées.
Elle a indiqué que Mme Muguette Dini et M. Jean-Louis Masson proposaient notamment une alternance stricte entre les sexes pour la composition des listes aux élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants. Elle a rappelé que l'abaissement, de 3 500 à 2 500 habitants, du seuil d'application du scrutin de liste avec obligation de parité avait été avancé par plusieurs personnes auditionnées, tandis que d'autres proposaient une proportion minimum de femmes, par exemple 30 %, au sein des listes de candidats aux élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants.
Elle a fait observer que, les conseils généraux étant les assemblées locales les moins féminisées de France, plusieurs propositions avaient été formulées pour améliorer cette situation, et a indiqué que la plus fréquemment suggérée consistait à instituer un « ticket paritaire », le suppléant, obligatoirement de sexe différent de celui du titulaire, étant appelé à remplacer ce dernier en cas de vacance. Elle a précisé que plusieurs modalités avaient été envisagées pour mettre en oeuvre ce « ticket paritaire », par exemple, la combinaison d'un scrutin de liste en zone urbaine et d'un scrutin uninominal en zone rurale, pour M. Jean-Louis Masson, ou le choix par l'électeur du titulaire et du suppléant, pour Mme Muguette Dini.
a noté que les élections législatives avaient donné lieu à de nombreuses propositions, telles que l'obligation pour les députés d'avoir un suppléant de sexe différent, pour M. Jean-Louis Masson, ou l'institution d'un « ticket paritaire » avec choix par l'électeur du titulaire et du suppléant, pour Mme Muguette Dini. Elle a ajouté que l'institution d'un scrutin binominal dans le cadre de circonscriptions regroupant deux circonscriptions actuelles avait également été suggérée, de même que l'introduction d'une dose de représentation proportionnelle. Elle a rappelé que plusieurs propositions envisageaient également un alourdissement des pénalités financières applicables aux partis politiques, comme celle de M. Jean-Louis Masson, ainsi que la mise en place, en faveur de ceux-ci, d'un bonus financier attribué en fonction du nombre de femmes élues à l'Assemblée nationale.
Elle a fait remarquer que les élections sénatoriales avaient fait l'objet de nombreuses propositions de loi, afin de rétablir le scrutin proportionnel dans les départements élisant trois sénateurs (Mme Muguette Dini et M. Jean-Louis Masson), d'instituer un « ticket paritaire » pour les élections sénatoriales au scrutin uninominal (Mme Muguette Dini et M. Jean-Louis Masson), ou encore de mettre en place une obligation de parité pour la désignation des délégués supplémentaires appelés à participer au collège électoral des sénateurs (Mme Gisèle Gautier).
La rapporteure a souligné que plusieurs propositions de loi concernaient le renforcement de la parité dans les exécutifs locaux et intercommunaux, notamment dans les exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants (propositions de loi de Mmes Gisèle Gautier, Valérie Létard, Nicole Borvo Cohen-Seat, Muguette Dini et de M. Jean-Louis Masson) et dans les exécutifs régionaux (propositions de loi de Mmes Gisèle Gautier et Muguette Dini et de M. Jean-Louis Masson).
S'agissant des EPCI à fiscalité propre, elle a fait observer que plusieurs propositions de loi visaient à introduire la parité au niveau de la désignation des délégués des communes, en particulier celles de M. Jean-Louis Masson et de Mme Muguette Dini, et a ajouté que M. Jean-Louis Masson proposait également d'instituer la parité au niveau des vice-présidents dans les bureaux des communautés urbaines et des communautés d'agglomération. Elle a précisé que certaines personnalités auditionnées avaient en outre proposé l'idée d'une élection des conseillers communautaires en même temps que les conseillers municipaux, par transposition de la loi dite PLM (Paris-Lyon-Marseille).
Enfin, elle a noté que la proposition de loi de Mme Valérie Létard envisageait plusieurs dispositions relatives au statut de l'élu, afin de faciliter les conditions d'exercice d'un mandat électif, dont les femmes seraient les premières à bénéficier.
Elle a rappelé que les auditions de la délégation avaient également abordé la question du renforcement de la limitation du cumul des mandats, en particulier dans le temps, qui serait de nature à favoriser le renouvellement du personnel politique, et donc l'accession des femmes à l'exercice d'un mandat.
a ensuite présenté les quatre mesures contenues dans le projet de loi déposé par le gouvernement sur le bureau du Sénat :
- la parité pour l'élection des adjoints au maire dans les communes de plus de 3 500 habitants, cette disposition étant applicable de façon temporaire pour deux mandats ;
- la parité pour l'élection des membres de la commission permanente et des vice-présidents des conseils régionaux et de l'Assemblée de Corse, avec une application également temporaire, limitée à deux mandats ;
- l'institution d'un suppléant de sexe différent de celui du titulaire pour les conseillers généraux, le suppléant ne remplaçant toutefois le titulaire qu'en cas de décès de celui-ci ;
- le renforcement des pénalités financières applicables aux partis ne respectant pas l'objectif de parité des candidatures aux élections législatives, à compter de 2012.
Elle a fait observer qu'en revanche, le projet de loi ne comportait aucune disposition sur la parité dans les EPCI, alors que ce point avait pourtant été évoqué par le Président de la République.
Puis elle a présenté les propositions de recommandations qu'elle a soumises à la délégation. A titre liminaire, elle a estimé que la délégation aux droits des femmes, s'agissant du thème de la parité en politique, devait se montrer à la fois ambitieuse et réaliste, c'est-à-dire aller éventuellement au-delà des dispositions du projet de loi, tout en formulant des propositions qui ne paraissaient pas déraisonnables.
Un débat s'est alors instauré.