Intervention de Alain Joyandet

Réunion du 28 octobre 2008 à 10h00
Questions orales — Responsabilités dans la disparition d'un militant tchadien des droits de l'homme

Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie :

Lors de l’offensive menée au Tchad, au début de l’année 2008, à partir du territoire soudanais, par des groupes armés, trois opposants tchadiens ont disparu.

Nous en avons été alertés dès le 3 février et nous avons immédiatement pris contact avec les plus hautes autorités tchadiennes pour nous enquérir de la situation de ces personnes.

Deux d’entre elles sont rapidement réapparues. Malheureusement, M. Ibni Oumar Mahamat Saleh, porte-parole de la Coordination des partis politiques pour la défense de la constitution, la CPDC, fondée en 2004, et président du parti pour les libertés et le développement, est toujours introuvable.

Depuis que nous avons eu connaissance de sa disparition, nous avons constamment eu à cœur d’obtenir des informations sur son sort. D’ailleurs, à la suite de la visite du Président Sarkozy au Tchad à la fin du mois de février, la France a vivement encouragé la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur cette affaire.

Nous avons participé à cette commission en tant qu’observateurs, au titre de la troïka européenne, et nous avons appuyé ses travaux par l’envoi d’un expert technique.

Conformément aux engagements pris, cette commission a rendu son rapport le 5 août dernier au chef de l’État tchadien. Les autorités tchadiennes l’ont publié rapidement.

En ce qui concerne le cas emblématique d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, le rapport constate effectivement qu’aucune information ou élément de preuve n’a pu être obtenu sur son lieu et ses conditions de détention, ainsi que sur son sort.

Néanmoins, la commission a établi un « faisceau de présomptions graves […] qui permettent de conclure, “au-delà de tout doute raisonnable”, à l’implication de l’armée nationale tchadienne » dans « une action concertée et organisée », réalisée sur ordre de la hiérarchie militaire ou « des instances supérieures de l’État tchadien ».

Par ailleurs, le rapport recommande de poursuivre les investigations policières et judiciaires, notamment s’agissant de l’enlèvement et de l’arrestation des dirigeants de l’opposition.

Nous réaffirmons notre attachement profond à ce que toute la lumière soit faite sur le sort réservé à M. lbni Oumar Mahamat Saleh, en particulier par le lancement des procédures judiciaires et des enquêtes internes, en vue de l’identification et de la comparution devant la justice des personnes accusées des actes les plus graves.

Le ministre des affaires étrangères et européennes a de nouveau exprimé cette position de la France à Mme Saleh, épouse de l’opposant disparu, qu’il a reçue le 30 septembre dernier. Cette rencontre a également été l’occasion pour M. le ministre de redire la disponibilité de la France pour aider la famille de Mme Saleh, actuellement installée à Orléans, ville dont vous êtes l’élu, monsieur Sueur.

Dans ce cadre, le gouvernement tchadien a déjà entrepris un certain nombre d’actions que vous avez rappelées. Un comité de suivi des recommandations du rapport de la commission d’enquête a été créé ; il s’est réuni à plusieurs reprises. De même, un sous-comité technique a été instauré, qui comprend quatre cellules chargées respectivement de la sécurité, de la justice, du soutien psychologique et matériel, et, enfin, de l’investigation économique et financière.

C’est sur ces instances de suivi que nous allons pouvoir appuyer notre action. Le gouvernement tchadien s’est encore récemment engagé à ce que les poursuites judiciaires débutent rapidement.

Nous menons actuellement une réflexion, en relation avec l’Organisation internationale de la francophonie et la Commission européenne, qui vise à proposer un appui coordonné au gouvernement tchadien. Plusieurs formules sont possibles : il peut s’agir d’établir un groupe de contact des observateurs, ou encore d’envoyer des experts techniques, à l’instar de ce qui s’est fait pour la commission d’enquête.

Mais notre action visera également à soutenir une approche compensatoire, nécessaire pour les victimes des arrestations et des viols.

La France n’oublie pas et n’oubliera pas M. Ibni Oumar Mahamat Saleh. Nous estimons donc que les travaux de la commission d’enquête ne doivent constituer qu’une première étape dans la recherche de la vérité et de la justice, et nous serons attentifs à l’application effective des recommandations émises dans le rapport.

Tels sont les éléments de réponse que je pouvais vous apporter, monsieur le sénateur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion