Je voudrais tout d'abord répondre à Gérard Bailly en lui disant que, si je devais chercher un secrétaire d'État compétent et très motivé, il serait tout trouvé ! Mais malheureusement pour lui, ce n'est pas moi qui décide.
Vous avez rappelé le contexte actuel marqué par l'amélioration de l'ensemble de la situation agricole. Nous ne sommes pas ici pour nous accorder des satisfécits pour l'action menée mais rappelons tout de même que ces résultats ne sont pas tombés du ciel. L'augmentation du prix de la viande bovine - qui a encore cru de 30 % ces six derniers mois, soit la plus forte hausse depuis huit ans - s'explique par un certain nombre de décisions politiques prises au cours des deux dernières années : que l'on songe à l'ouverture des marchés russes, turcs ou kazakhs, ou encore à la levée d'un certain nombre d'embargos à l'importation. La preuve est ainsi donnée que tout repli sur soi ou une éventuelle démondialisation n'aboutirait qu'à la ruine des producteurs français.
Chacun doit comprendre que la solution n'est pas dans l'augmentation des dotations de l'État car il n'en a plus les moyens. Bien entendu, je vois, tout comme vous, les difficultés de l'élevage dont j'avais d'ailleurs fait la priorité de mon action en 2011. J'ai vu comme vous la détresse des producteurs bovins du Massif central ou de Saône-et-Loire qui me demandaient une année blanche. Une année blanche coûterait 500 millions d'euros, ce dont, d'une part, l'État n'a pas les moyens et ce qui, d'autre part, ne pourrait qu'entraîner des demandes nouvelles de la part d'autres secteurs connaissant eux aussi des difficultés, comme, par exemple, celui des fruits et légumes. Et puis vient un moment où le contribuable se lasse ou estime que les millions d'euros dégagés pour tel ou tel secteur agricole pourraient l'être pour préserver l'emploi industriel. Je pense notamment dans mon département à l'entreprise M-Real à Alizay qui a aujourd'hui besoin de 150 millions pour être sauvée.
La stratégie que nous suivons n'est pas celle de la subvention publique mais celle du relèvement des prix grâce à l'exportation. Nous avons ouvert de nouveaux marchés, nous avons obtenu des hausses de prix et la prochaine étape sera la constitution d'un groupement d'exportation de viande bovine française. Notre pays, premier exportateur de viande bovine d'Europe, est le seul à ne pas disposer d'une telle structure. Ce n'est pas acceptable. Nous travaillons à cette création. Mais ce n'est pas simple, notamment avec les industriels qui menaient jusqu'à maintenant une stratégie de cueillette consistant à se servir dans les exploitations françaises en adressant un message simple aux producteurs : « De toute façon, vous n'avez pas le choix ». Maintenant qu'ils sont en concurrence avec des acheteurs étrangers, les rapports de force sont modifiés.
Concernant les installations de jeunes agriculteurs, on en prévoit 11 000 dont 5 000 aidées grâce au maintien de l'enveloppe de 350 millions d'euros. L'installation est en effet vitale pour l'agriculture française et je suis bien entendu ouvert à une simplification des procédures qui sont effectivement trop lourdes, comme elles le sont d'une façon générale dans notre système agricole.
S'agissant de l'ICHN et de la PHAE, vous aurez constaté que j'ai tout maintenu et je vous prie de croire que, concernant cette dernière, je l'ai fait alors que tout l'appareil d'État s'y opposait. Mais j'ai obtenu l'arbitrage personnel du Président de la République.
Quant à l'ESB, ce serait mon seul point de désaccord éventuel avec Gérard Bailly. Je considère qu'un seul cas de contamination sur 1 000 têtes - ce qui est le chiffre qui ressort des évaluations scientifiques - justifie qu'on ne revienne pas sur la règle de l'abattage systématique. J'entends les remarques qui me sont parfois faites sur les exploitations ou dans les abattoirs à ce sujet, mais ma ligne de conduite demeure : jamais je ne changerai de politique tant qu'il demeurera un risque, même résiduel. D'ailleurs, nos compatriotes ne comprendraient pas que l'on prenne un tel risque.
Yannick Vaugrenard m'a interrogé sur la malnutrition et la Corne de l'Afrique. Je me suis rendu dans cette région et j'ai visité le camp de Dadaab à la frontière entre le Kenya et la Somalie. Effectivement, je vous confirme que ce qu'on peut voir dans ce camp est absolument bouleversant. Je vous citerai le cas de ces femmes qui ont quitté la Somalie avec quatre enfants pour rejoindre ce camp installé au Kenya, et, à l'issue d'un trajet de 80 kilomètres, elles y parviennent en ayant perdu parfois trois de leurs enfants qu'elles ont dû abandonner sur le bord de la route, morts de faim. Il s'agit là de situations absolument terribles.
Aujourd'hui, le principal problème de la Corne de l'Afrique reste l'accès à cette zone en raison des risques terroristes qui pèsent sur le sud de la Somalie. S'agissant de l'approvisionnement alimentaire, Mme Josette Sheeran, directrice exécutive du Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM), m'a confirmé disposer des ressources suffisantes.
En revanche, là où je vous rejoins parfaitement, c'est que si nous voulons être efficaces dans la lutte contre la famine il faut pré-positionner des réserves humanitaires d'urgence. Je me suis d'ailleurs beaucoup battu pour l'installation de celles-ci et j'espère que nous trouverons un accord sur ce sujet demain lors du sommet du G20. Les Américains paraissent encore réservés sur ce type de dispositifs, dont je pense, au contraire, qu'ils sont indispensables si l'on souhaite être plus efficace sur le terrain.
L'autre point qui me paraît vital est que nous changions notre approche de la famine dans le monde. Celle que nous avons eue pendant des années était simple. Des enfants et des familles meurent de faim en Afrique et dans des pays en développement d'Asie du Sud-est. Pour y répondre on prenait des sacs de riz et de maïs dans les pays développés pour les apporter aux pays en développement. Cela ne marche pas. Il y a eu un échec mondial de la lutte contre la faim et un milliard de personnes souffrent encore aujourd'hui de malnutrition dans le monde. La seule politique qui puisse fonctionner consiste à développer les capacités agricoles dans les pays en développement. Pour cela il faut d'abord réussir à changer les mentalités sur le sujet. Je pense que, depuis un an, nous sommes déjà parvenus à faire évoluer les choses et j'espère que nous progresserons dans la bonne direction.
Enfin, s'agissant des quotas de pêche, je vous garantis, et mes proches collaborateurs en sont témoins, que je négocie toujours jusqu'à des heures tardives du petit matin sur ce sujet. D'ailleurs je dois dire très franchement que les négociations de quotas de pêche à Bruxelles sont l'illustration caricaturale du mauvais fonctionnement européen. Personnellement je ne suis pas un spécialiste des ressources en cabillaud, en thon rouge, ou encore en chinchard ou en sole de la mer du Nord. Or, on se retrouve à négocier des quotas de pêche, en échangeant une tonne de maquereau contre une tonne de sole dans telle ou telle zone, en fonction des attentes des pêcheurs. Tout cela est aberrant. J'ai donc demandé que les négociations soient pluriannuelles, qu'elles se fassent sur une base scientifique, et qu'on puisse avoir, dès lors, une gestion plus intelligente des quotas.
Ladislas Poniatowski, la forêt est évidemment un sujet absolument majeur. Il faut que nous développions davantage l'utilisation de la forêt et pas uniquement pour que vous puissiez y chasser dans de bonnes conditions... La chasse ne fait pas partie des nouvelles missions d'intérêt général de l'ONF, je le regrette pour vous. Celles-ci portent sur la gestion des parcs naturels et sur la préservation de la biodiversité, qui est évidemment un sujet important.
S'agissant des communes forestières, il est vrai qu'on leur demande un effort, mais l'objectif est d'inciter celles-ci à exploiter davantage les ressources en bois. On a donc limité la contribution à 2 euros par hectare, ce qui me paraît une contribution juste. Cela vient compléter les 46 millions d'euros que l'État va consacrer cette année à l'exploitation des bois.
Enfin, le plan chablis est prévu pour huit ans. C'est vrai que le montant financier est très important, mais, et ce n'est pas Gérard César qui me contredira, quand on voit les dégâts qu'a causés la tempête Klaus sur les sites, je pense que cet accompagnement financier des forêts est amplement mérité. Je pense que tous le monde en bénéficiera dans le département de l'Eure auquel, tout comme vous, je suis attaché. Les forêts sont des ressources absolument exceptionnelles tant en termes d'emplois qu'en termes économiques.
Daniel Dubois, je vous confirme, s'agissant de la production de lin, que nous allons maintenir des aides dans la PAC post-2013 sur ce secteur très porteur pour notre pays, en particulier la Haute-Normandie. S'agissant de la production porcine, différentes solutions s'offrent à nous. Tout d'abord les prix remontent, ce qui est la meilleure nouvelle possible pour les éleveurs. Ensuite nous avons allégé les règles sur les installations classées. Il s'agissait d'une demande très forte des éleveurs pour pouvoir mieux se réorganiser. Nous avons consacré 60 millions d'euros pour les mises aux normes. Enfin, nous avons créé des contrats inter-filières qui doivent permettre de limiter le coût de l'alimentation. Nous parviendrons à améliorer la compétitivité de la filière porcine si nous combinons ces trois éléments à savoir : des regroupements d'exploitations grâce à l'allègement des procédures relatives aux installations classées pour l'environnement (ICPE) qui permettent de moderniser et de réduire les coûts de production ; un soutien aux mises aux normes ; des contrats de filières qui permettent de réduire le coût de l'alimentation, qui représente une part très importante du coût de production final, près de 60 % du coût de production pour le porc par exemple.
Je précise enfin, que nous sommes, pour la première fois, engagés dans un relèvement des tarifs du biogaz pour développer la méthanisation. Il s'agit d'un sujet sur lequel je me suis d'ailleurs beaucoup battu. Pour la première fois dans l'histoire, les tarifs de rachat du biogaz sont désormais alignés sur ceux de l'Allemagne, ce qui doit permettre de développer des installations de méthanisation. Je vous redonne quelques chiffres : vingt installations de méthanisation sont en fonctionnement en France contre près de 4 000 en Allemagne ...
Enfin, sur le G20 et le stockage, comme je vous le disais, tout cela se poursuit et progresse bien, l'objectif étant d'avoir une production durable et respectueuse de l'environnement, et non pas une production qui pourrait épuiser les sols et se révéler, au final, contre-productive.
A propos des interrogations d'Alain Fauconnier et de Joël Labbé sur les nitrates, je rappelle que l'objectif poursuivi est bien de se mettre en conformité avec la réglementation européenne. C'est précisément l'objet du décret du 10 octobre dernier. La France n'a pas d'autre choix, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises. En effet, nous ne pouvons pas être le premier pays bénéficiaire de la PAC et, en même temps, ne pas respecter les règles européennes. Je vous confirme que ce décret n'allège pas les règles en matière d'épandage mais prend deux décisions cohérentes. D'une part, il prend comme surface de référence la surface agricole utilisée et non plus de la surface potentiellement épandable. Cela correspond à une définition désormais européenne de la zone d'épandage, ce qui nous était demandé. D'autre part, et il s'agit d'un point absolument clef, ce décret redéfinit les normes d'excrétion d'azote pour les vaches laitières en prenant des références plus réalistes. Nous abandonnons la norme trop basse qui avait été fixée à 80 kilos d'azote par an pour toutes les vaches laitières, pour nous aligner sur des définitions plus conformes à la réalité. Au total, nous avons des règles conformes à la législation européenne et plus strictes pour les éleveurs.
Je reviens à la question d'Alain Fauconnier sur les niches fiscales. En effet, leur montant s'établit effectivement à 2 milliards d'euros mais je vous rappelle que la Cour des comptes estime qu'il n'y a pas d'abus dans ces niches fiscales. Je le dis d'ailleurs à titre de réflexion très générale. Quand j'entends dire qu'il suffirait, pour réduire les dépenses de l'État, de remettre en cause les niches fiscales, je suis pour ma part très prudent. Il y a des niches fiscales très utiles comme celles qui permettent de développer une agriculture plus respectueuse de l'environnement par exemple.
Joël Labbé, je souhaite pour répondre à votre question, que nous allions effectivement vers une régulation mondiale plus stricte mais il ne faut pas oublier que nous avons d'autres partenaires comme le Brésil, l'Inde, la Chine. Nous avons progressé, mais la bataille se livre sur le long terme. Je pense que, lors de la réunion du G20, demain, nous enregistrerons de vraies avancées, que les ONG ont d'ailleurs saluées aujourd'hui. Mais il faudra poursuivre le travail pour obtenir cette régulation agricole mondiale qui me parait indispensable.