Intervention de Xavier Pintat

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 juillet 2011 : 1ère réunion
« défense antimissile balistique » — Examen du rapport d'information

Photo de Xavier PintatXavier Pintat :

En termes militaires, nous avons identifié deux niveaux d'ambition. Le premier consisterait à se limiter à la décision de Lisbonne : financer en commun le C2. C'est un premier pas, indispensable, qui commande tous les autres. Chacun pourra, le moment venu, à son rythme, brancher sur ce C2 les moyens dont il aura choisi de se doter. Le second niveau d'ambition consisterait, pour parer une menace militaire, à se doter de missiles adaptés à la contrer. Ces missiles sont soit issus de la défense aérienne élargie -qu'elle soit terrestre avec le SAMP/T ou navale avec le PAAMS- et il suffirait de rehausser leurs performances. Il peut s'agir, seuls ou en coopération, de doter le SAMP/T d'un radar de conduite adapté (le GS1000) ou d'améliorer le PAAMS, et principalement la composante radar LRR afin de lui doter une authentique capacité DAMB. Une perception plus élevée de la menace conduirait à développer le missile Aster Block II, en coopération avec nos alliés européens. C'est sans doute la chose la plus adéquate à faire en termes militaires. La construction d'un radar TLP aurait un sens si la menace se précisait. Mais son implantation devrait alors se faire dans l'un des pays du Golfe et à coûts partagés.

Militairement parlant, la piste consistant à développer un intercepteur exo-atmosphérique et même celle d'un système d'alerte avancée complet, avec satellite d'alerte et radar TLP, n'est pas indispensable, car elle viendrait en surabondance des moyens fournis par les alliés américains.

Si l'on considère le cap politique, il faut partir de la demande de l'opinion publique. Celle-ci étant inexistante ou en tous cas non formulée, on pourrait être tenté de ne rien faire et de laisser le pouvoir exécutif décider seul des orientations futures. Le présent rapport est la preuve que le Parlement s'intéresse à cette question, et que cette question mérite mieux - en termes démocratiques - que d'être traitée derrière des portes fermées. Compte tenu des enjeux et des moyens financiers à mobiliser, le moins que l'on puisse faire est un débat parlementaire. Mais pour que ce débat soit fructueux, il faut qu'il soit préparé et qu'il intervienne au bon moment. C'est pourquoi, il serait sans doute souhaitable d'attendre les travaux de révision du Livre blanc, qui ne manqueront pas d'avoir lieu après l'élection présidentielle de 2012. Il serait éminemment souhaitable que le Parlement y soit étroitement associé, notamment sur la DAMB.

S'agissant de la dimension diplomatique, il nous semblerait souhaitable de demander la convocation d'une conférence de l'Agence européenne de défense. Ce sera à n'en pas douter un moment de vérité pour l'Europe de la défense. S'il y a bien un sujet où les Européens devraient être capables de s'unir pour apporter une réponse commune concernant la souveraineté de leur espace exo-atmosphérique, c'est bien celui-là. Il est possible que rien ne sorte d'une telle conférence. Mais il faut au moins la tenter. Si, en revanche, et comme cela est souhaitable, il en sortait quelque chose, alors peut être cela vaudrait-il la peine d'envisager une coopération structurée entre les pays désireux de le faire.

Du point de vue économique, il appartient à l'Etat, assisté de ses experts, en l'occurrence la DGA, l'ONERA et le CNES, de définir une politique industrielle. Toutefois, on peut quand même observer qu'il sera plus facile d'aider nos industriels sur le marché des radars que sur celui des intercepteurs et que sur ce marché là, il sera plus facile de s'attaquer au marché du haut-endo-atmosphérique plutôt qu'à celui de l'exo-atmosphérique, car, dans ce domaine, une offre américaine existe et risque d'évincer toutes les offres occidentales concurrentes. Si nous décidons de construire un intercepteur exo-atmosphérique, alors ce sera pour des raisons stratégiques et notamment pour garder la souveraineté sur la production de nos armes.

D'un point de vue stratégique enfin, il faudrait commencer par créer un Missile Defense Center à la française. Il ne s'agit pas de mettre en place une Missile Defense Agency, comme l'ont fait les Américains avec des moyens substantiels, qui sont hors de notre portée financière, mais plutôt de s'inspirer de ce qu'ont fait nos amis britanniques. La DAMB est en effet une question trop importante pour être traitée au sein de l'appareil d'Etat de façon subsidiaire. Elle nécessite un petit noyau de quelques dizaines de personnes, dont ce serait la mission à plein temps. Nous avons constaté qu'il y avait un cloisonnement trop important de l'information dans un domaine où celle-ci réside essentiellement chez les industriels qui, pour des raisons évidentes, n'ont pas intérêt à se montrer leur copie. Il y a donc besoin d'un lieu impartial où l'information puisse circuler, jusque et y compris pour atteindre le Parlement.

La deuxième action à mener en matière stratégique serait de se doter d'un système d'alerte avancée, composé a minima du satellite d'alerte. En effet, c'est l'alerte avancée, vraisemblablement spatiale, qui va déclencher la chaîne DAMB. Or, dans le système qui se met en place, celle-ci sera exclusivement américaine et sera peut être filtrée avant d'arriver au C2 de l'OTAN. D'un point de vue stratégique, il est nécessaire de pouvoir disposer également, pour les zones géographiques qui nous intéressent, d'une autonomie d'appréciation. Si l'alerte avancée devait être complétée, elle pourrait l'être soit par un radar TLP - ce qui suppose de construire préalablement un démonstrateur - soit par des frégates Horizon disposant d'un radar LRR amélioré et placé sur le lieu de la menace.

Dans un deuxième niveau d'ambition, on pourrait envisager de lancer un PEA sur l'interception exo-atmosphérique, afin de rester dans la course et de ne pas risquer de décrochage technologique. Ce PEA devrait logiquement être confié à Astrium -notamment pour ce qui est du kill véhicle. Mais pourquoi ne pas y associer MBDA sur des domaines communs ?

Enfin, à un troisième niveau d'ambition stratégique, si nous souhaitons rester totalement souverains dans notre espace exo-atmosphérique, alors il faudrait envisager la construction complète d'une chaine DAMB.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion