Intervention de Daniel Reiner

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 juillet 2011 : 1ère réunion
« défense antimissile balistique » — Examen du rapport d'information

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

Nous ne remplirions pas notre mission si nous ne faisions pas des recommandations, même s'il est clair qu'il appartiendra aux différents pouvoirs exécutifs qui seront amenés à se succéder de faire des choix. Sous réserve de votre approbation, les orientations pourraient être les suivantes :

Première orientation : mettre le cap sur notre autonomie stratégique à un niveau élevé d'ambition. Nous recommandons en effet, au minimum de nous doter d'un centre technique réunissant la communauté DAMB en France, de nous doter de l'alerte avancée, en tous cas spatiale, avec un radar qui pourrait être soit le démonstrateur TLP, puis un TLP dans les pays du Golfe, si nos amis en acceptaient le cofinancement, soit sur un radar porté par les frégates Horizon, ce qui présente l'avantage d'avoir un coût inférieur et une bien plus grande flexibilité géographique. Nous recommandons également de réaliser un PEA sur l'interception exo-atmosphérique dans lequel, si cela est techniquement possible, MBDA pourrait être associé à Astrium, principal industriel concerné. Ce PEA est indispensable afin de ne pas laisser se découpler les compétences d'interception, d'architecture et de C2. A tout le moins, il nous permettra d'être capables de « lire les plans » de l'architecte américain. Enfin, il nous semble indispensable de développer un C2 français, à partir du programme SCCOA.

La deuxième orientation vise à associer le Parlement aux travaux sur le Livre blanc en général et sur la DAMB en particulier afin de préparer, le moment venu, un débat parlementaire fructueux, c'est-à-dire susceptible de faire naître un consensus.

La troisième orientation serait de s'efforcer de relancer l'Europe de la défense en demandant à l'Agence européenne de défense d'organiser une conférence sur ce sujet. Peut-être cela n'aboutira-t-il à rien. Au moins aurons-nous essayé.

Plusieurs pistes existent pour une coopération européenne intelligente. Il serait dommage de ne pas les explorer. Nos partenaires européens, en tous cas ceux qui ont accepté de venir nous voir - Allemands, Italiens, Néerlandais - s'y déclarent favorables dans le principe.

Quoiqu'il arrive, le fait de s'être doté d'une capacité d'alerte avancée, que nous serions prêts à partager avec nos alliés européens, nous placerait d'emblée au niveau maximum de nos ambitions diplomatiques raisonnables.

Enfin quatrième et dernière orientation, nous proposons, à l'issue de la conférence de l'AED, si elle devait avoir lieu, ou de discussions bilatérales, dans le cas contraire, de développer, en coopération si possible, voire seuls si nécessaire, les programmes suivants :

- le radar GS 1000 pour le SAMP/T ;

- l'Aster Block II, le cas échéant avec des radars dérivés du MEADS ;

- une capacité DAMB navale articulée autour du PAAMS et de ses sous-systèmes, le radar LRR, la conduite de tir et l'Aster block 1 NT.

Ces capacités nous permettraient de progresser à la fois dans la direction économique et dans la direction militaire.

Le tableau suivant résume le chiffrage de nos propositions, qui tient compte des coopérations espérées. Nous nous situons autour de 3,2 milliards d'euros sur dix ans.

En définitive, on le voit, c'est moins par ses implications militaires que par ses enjeux stratégiques, commerciaux, diplomatiques et politiques que la DAMB nous interpelle.

Militairement défensive, elle en réalité stratégiquement offensive et nous place face à un dilemme : nous aligner stratégiquement de façon difficilement révocable sur nos alliés Américains - ce qui, pour nous Français, est un changement d'univers mental ; ou bien effectuer des efforts budgétaires supplémentaires, qui ne pourront être réalisés au sein de l'enveloppe actuelle et nécessiteront une augmentation du budget de la défense.

Comme l'a écrit le Président de Rohan dans son précédent rapport, la DAMB nous place entre un Charybde budgétaire et un Scylla stratégique. Pour rester dans la mythologie, nous dirons que la DAMB ressemble moins à Aegis, le bouclier mythique d'Athéna, qu'à la lance d'Achille qui blesse et qui guérit.

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