Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir une délégation de l'Assemblée populaire nationale de Chine (APN) conduite par M. Nan, membre du bureau de l'APN et vice-président de la commission des affaires étrangères. Vous êtes également le président du groupe d'amitié Chine France, l'homologue de notre collègue Jean Besson.
Votre visite en France est principalement consacrée aux questions sociales, en particulier à notre système de sécurité sociale, que vous avez abordées avec nos commissions des affaires sociales et, tout à l'heure, avec la commission des finances.
Il est tout à fait important pour nous de pouvoir également échanger sur les questions de politique étrangère et de défense. Je rappelle que depuis la déclaration conjointe pour un partenariat global, signée entre nos deux pays le 16 mai 1997, nous entretenons des relations bilatérales très étroites qui ont franchi une étape supplémentaire par la nouvelle déclaration signée en 2004 qui a pour objectif un approfondissement de notre coopération dans tous les domaines. Cette relation a dépassé le « coup de froid » de 2008, grâce à la visite du président de la République en 2010 qui en a permis la relance.
Tout le monde ici se souvient de la phrase de l'empereur Napoléon Ier, qu'Alain Peyrefitte a repris dans son livre de 1973 : « quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera ». La Chine pèse aujourd'hui sur tous les équilibres globaux qu'ils soient économiques, écologiques, financiers ou politiques. Elle tient, et elle tiendra de plus en plus, toute sa place mais dans un monde global, dans un monde ouvert économiquement et technologiquement comme en témoigne les usages des nouvelles technologies de l'information. Nous en avons eu une illustration très impressionnante dans ce que nous appelons les printemps arabes.
La diplomatie chinoise est aujourd'hui principalement un outil au service de sa croissance économique. C'est ce qui explique le développement des accords bilatéraux d'exploitation des matières premières minérales ou agricoles avec un certain nombre de pays, en particulier sur un continent qui intéresse particulièrement la France : l'Afrique.
Cette nécessité impérieuse pour votre pays de disposer des matières premières nécessaires à son développement se traduit également par la sécurisation des voies de communications maritimes. Je pense notamment à la participation de la Chine à l'opération Atalanta, mais aussi au développement considérable de sa marine de haute mer et aux accords qu'elle passe avec un certain nombre de pays pour disposer de points d'appui portuaires.
Cette politique s'appuie sur le développement de la défense dans toutes ses composantes aériennes, maritimes et terrestres. La défense est bien évidemment un outil majeur de la diplomatie. Notre pays, la France, n'aurait pu agir en Côte d'Ivoire ou en Libye si elle n'était une puissance militaire. Nous ne pourrions faire face à nos devoirs de membres permanents et participer aux opérations de maintien de la paix sans nos forces armées professionnelles et modernes. Cela étant, nous avons pu constater au Japon que le développement de vos capacités militaires n'est pas sans inquiéter les pays voisins de la Chine avec lesquels peuvent exister des conflits territoriaux comme le Japon, sur les iles Senkaku, le Vietnam, ou l'Inde, au Cachemire ou en Arunachal Pradesh. Peut-être pourrez-vous nous exposer, monsieur le président, comment vous analysez les événements récents en mer de Chine ? Le Japon, où notre commission vient de faire une mission d'étude, mais aussi la Corée du Sud, s'inquiètent de ce qu'elle considère comme un manque de transparence du programme d'équipement militaire de votre pays. Quelle politique régionale la Chine a-t-elle ?
Avec la Russie, et d'autres pays, vous appartenez à l'organisation de coopération de Shanghai, tournée en particulier de tournée vers la lutte contre le terrorisme et les questions de sécurité. Les ressources naturelles de la Sibérie constituent un débouché évident pour les pays de la zone, dont le Japon et la Chine. Pouvez-vous nous indiquer l'état de la relation politique et économique que vous avez avec la Russie ?
Autre point très sensible : la Corée du Nord et les risques de prolifération. Il n'y aura bien évidemment pas de solution de cette question sans une implication forte de la Chine dont nous savons l'influence en Corée du Nord. Même si ce pays connaît aujourd'hui une crise de succession délicate, je crois que la reprise des négociations est importante.
Enfin, nous étions, il y a une dizaine de jours, en Afghanistan pour y évaluer le processus de transition qui permettra, au-delà de 2014, aux autorités afghanes de prendre en main la sécurité de leur territoire. Comme vous le savez, le Pakistan joue un rôle central dans la solution de la question afghane. Or la Chine est un allié privilégié du Pakistan. Je crois que l'ensemble de la communauté internationale a un intérêt majeur à ce que cette zone géographique soit le plus stable possible, qu'elle ne soit pas un foyer de terrorisme et d'extrémisme religieux et enfin, qu'elle ne soit pas un foyer de production de drogue. Nous serons très intéressés de connaître votre analyse de la situation dans cette zone et de l'évolution du conflit en Afghanistan.