En réponse aux intervenants, M. Alain Grimfeld a notamment apporté les précisions suivantes :
- sa nomination, par le ministre chargé de la santé, en tant que membre du CCNE, tenait sans doute à son expérience de pédiatre et à l'ouverture sur certains problèmes éthiques acquise dans le cadre de cette expérience. Les raisons qui ont pu conduire à lui confier la présidence du CCNE tenaient peut-être à sa connaissance des problèmes éthiques et aux occasions qu'il avait eues de côtoyer des personnalités ayant aussi une expérience en ce domaine, en particulier dans celui des liens entre santé et environnement ou dans celui des problèmes d'éthique de l'espèce humaine vis-à-vis du reste du vivant. Peut-être a-t-il aussi été tenu compte de l'expérience qu'il avait acquise en présidant, depuis sa création en 1996, le comité de prévention et de précaution du ministère de l'environnement ;
- l'important, pour le fonctionnement d'un organisme comme le CCNE, est de parvenir à faire dialoguer des personnes entre elles, d'être ouvert à l'interdisciplinarité, de s'attacher à trouver les bons questionnements et à aboutir à des convergences sans chercher à satisfaire à la mode du consensus. Comment aborder, par exemple, une question comme celle de la gestation pour autrui ? Il faut faire en sorte que chacun s'ouvre au débat contradictoire et, s'il reste des divergences à l'issue de ce débat, pouvoir apporter au moins une valeur ajoutée en dégageant un maximum de convergences, grâce au débat et à un questionnement bien posé ;
- les espaces éthiques régionaux peuvent permettre très concrètement d'associer les citoyens au débat éthique. Leur composition participe du même principe de collégialité que celle du CCNE et, dans l'attente de leur officialisation, ils rassemblent déjà des personnes qui ont une réflexion sur les questions d'éthique actuellement en débat. On a consulté, dans le cadre des Etats généraux de la bioéthique, un certain nombre de citoyens que l'on avait formés au cours de trois séminaires de quarante-huit heures. Mais il existe en France des centaines de milliers de gens qui réfléchissent depuis des années aux questions qui seront soulevées à l'occasion de la révision de la loi bioéthique et qui sont mobilisables tout de suite. Dès que les espaces éthiques régionaux seront créés, il sera possible de faire appel à eux, même si, naturellement, on peut imaginer que certains de ces espaces fonctionneront mieux que d'autres ;
- le recours à l'interruption médicale de grossesse est effectivement possible en cas de trisomie 21, jusqu'à un stade très avancé de la grossesse ;
- en ce qui concerne la recherche sur l'embryon, on soulève actuellement la question du choix entre « l'interdiction avec dérogations » et « l'autorisation avec encadrement ». On pourrait être tenté de se focaliser plutôt sur deux autres questions. La première est celle des interrogations légitimes que soulève l'utilisation, pour la recherche, d'un embryon. S'il ne fait plus partie d'un projet parental, peut-on l'utiliser pour la recherche ? Et dans ce cas, cela change-t-il ce que l'on pourrait appeler la « personnalité » de l'embryon, devient-il une agrégation de cellules plutôt qu'une personne potentielle ? Le second sujet à envisager est celui de la recherche sur l'embryon « in toto », c'est-à-dire sur les systèmes de coopération cellulaire, sur les mécanismes qui font qu'à partir de deux, quatre, huit ou seize cellules peut apparaître une orientation céphalo-caudale, sur ceux qui font que le foie est à droite et la rate à gauche. Il pourrait être ainsi pertinent de faire des recherches sur l'organisation de la coopération cellulaire que l'on ne peut entreprendre que sur l'embryon « in toto » et non sur une lignée de cellules ;
- le CCNE pourrait se contenter de dire à chacun : « faites ce que vous voulez ». Mais son rôle est de donner un avis et de chercher à être cohérent avec les sollicitations citoyennes dont doivent d'ailleurs tenir compte les parlementaires. La « morale active » est aussi, naturellement, évolutive. Elle peut même être « proactive », voire anticipatrice, comme lorsque le comité s'est efforcé de rendre un avis éthique sur la pandémie grippale avant le déclenchement de celle-ci. Il s'agit, pour le comité, de faire en sorte que l'on se pose, très modestement, les bonnes questions ; il s'agit pour lui d'être utilisé, et pour cela il lui faut être utile. Le CCNE est une instance permanente de réflexion et il peut donc être sollicité en permanence par ceux qui sont dans l'urgence. Son rôle est de rendre des avis, certainement pas d'imposer à qui que ce soit les résultats de ses réflexions ;
- le CCNE ne peut que se féliciter des conclusions de la mission d'information de l'Assemblée nationale tendant à élargir son rôle et il est certainement souhaitable qu'il participe aux discussions préalables à la révision de la loi bioéthique ;
- il peut - et les textes le prévoient - y avoir un vote sur un avis du comité mais on ne pourrait qu'être défavorable à la publication du résultat de celui-ci car certains pourraient ne se préoccuper que de savoir à quelle majorité il a été acquis, voire à juger de la « qualité » ou de l'importance de l'avis à cette aune. Si l'on peut envisager qu'un vote soit nécessaire, il n'est certainement pas souhaitable d'en publier le résultat.
a également précisé, en réponse à François Autain, Gilbert Barbier et Marie-Thérèse Hermange, qu'il n'existe pas de liste limitative des maladies génétiques héréditaires susceptibles de faire l'objet d'un diagnostic préimplantatoire et que la trisomie 21 est la seule maladie génétique non héréditaire dont le CCNE a proposé qu'elle puisse être dépistée dans le cadre du DPI.