Intervention de Françoise Weber

Commission d'enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A — Réunion du 24 mars 2010 : 1ère réunion
Audition de Mme Françoise Weber directrice générale et M. Jean-Claude deSenclos directeur scientifique de l'institut de veille sanitaire invs

Françoise Weber, directrice générale :

a tout d'abord rappelé les missions principales de l'InVS : la surveillance permanente de l'état de santé de la population, ainsi que la veille et l'alerte sur les menaces sanitaires de toute nature. Son travail se base sur l'analyse et la synthèse permanente et réactive de données épidémiologiques, recueillies à travers les activités de veille de l'InVS, ses réseaux de surveillance, la consultation d'études et d'articles scientifiques. L'expertise de l'InVS est interne : elle est menée par ses agents, épidémiologistes, biostatisticiens ou experts en santé publique.

Elle a souligné que l'InVS avait été très fortement mobilisée par la pandémie dès le 23 avril 2009, en ayant pour mission de réévaluer régulièrement les hypothèses, les scénarios possibles et plausibles d'évolution de la pandémie, afin d'aider les pouvoirs publics dans leur prise de décision pour des mesures préventives et de prise en charge des malades par le système de soins.

A titre préliminaire, elle a mis en exergue l'important potentiel évolutif des virus grippaux, qui rend très difficile, voire impossible, de prévoir l'évolution des pandémies grippales. Ainsi, si les trois pandémies survenues au vingtième siècle ont eu un taux d'attaque à peu près identique et voisin de 25 %, les niveaux de létalité ont été très différents ; la pandémie la plus grave, en 1918, a tué 1,1 % de la population européenne, tandis que la pandémie la moins grave, celle de 1968-1969, avait entraîné un excès de 20 000 à 30 000 décès en France, la mortalité ayant été plus importante en 1969 et au début de 1970 qu'en 1968, année de la première vague de cette pandémie.

a ensuite présenté les trois phases d'évolution quant à la connaissance de la pandémie H1N1.

Dans une première phase, entre avril et septembre 2009, il a été constaté qu'il s'agissait bien d'une pandémie au sens scientifique et épidémiologique du terme, du fait d'un virus nouveau se répandant très rapidement sur tous les continents, mais celle-ci avait été qualifiée de « modérément grave » par l'OMS en juin, quand il s'est confirmé que la majorité des cas étaient bénins et la létalité du même ordre de grandeur que celle de la grippe saisonnière. Toutefois, certaines populations, notamment les femmes enceintes et les adultes de moins de soixante-cinq ans, étaient touchées par des formes beaucoup plus sévères que la grippe saisonnière, si bien qu'à ce stade on ne pouvait pas abandonner l'hypothèse d'un nombre très important de cas graves et de décès parmi des populations jeunes.

Dans une seconde phase, à partir de septembre, il a été possible de préciser les projections notamment sur les caractéristiques des cas graves, mais avec la persistance d'inconnues, et les estimations ont été à nouveau revues en prenant en compte les observations faites au cours de l'hiver austral et de l'épidémie estivale au Royaume-Uni.

Il n'était cependant toujours pas possible de faire une projection univoque sur la vague à venir dans l'hémisphère nord, d'autant plus que le virus pouvait muter entre les deux hémisphères : ainsi le taux d'hospitalisation en Nouvelle-Zélande (22 pour 100 000) avait été très supérieur à celui observé aux Etats-Unis (3 pour 100 000).

Fin septembre, en France comme dans les autres pays, ce sont les valeurs les plus basses des hypothèses de gravité de la pandémie qui ont été retenues comme les plus plausibles.

La troisième phase a permis de préciser l'ensemble des paramètres, et notamment le taux d'attaque. Les observations faites à partir de la seconde quinzaine de novembre, correspondant au pic observé dans la plupart des pays européens, ont permis de conclure que l'impact de la pandémie resterait, pour cette première vague, en-deçà de toutes les projections réalisées, ce dont on ne peut que se réjouir.

Quel est aujourd'hui le bilan que l'on peut faire de la vague hivernale en France ?

Par rapport à l'épidémie saisonnière la plus forte de ces dix dernières années, en 1999-2000, la vague de l'hiver 2009-2010 a été plus précoce, un peu plus longue et d'intensité légèrement supérieure et elle a eu un impact particulièrement important chez les enfants. Les formes asymptomatiques ou peu symptomatiques ont probablement été plus nombreuses que pendant la grippe saisonnière.

Le nombre de personnes atteintes par le virus pouvait être estimé, en janvier, entre huit et quinze millions de personnes (12 à 24 % de la population) auxquelles il faut ajouter cinq millions de personnes protégées par la vaccination. Treize à vingt millions de personnes (20 à 30 % de la population française) seraient ainsi immunisées, sans compter les personnes âgées de plus de cinquante ans dont on sait désormais qu'elles étaient d'emblée protégées.

En ce qui concerne les hospitalisations et les formes graves, on peut apporter les précisions suivantes :

- le nombre d'hospitalisations des consultants des services d'urgence a été multiplié par huit par rapport à la saison grippale précédente ;

- l'augmentation du nombre de cas a porté essentiellement sur la tranche d'âge 10-19 ans, puis sur les 20-64 ans ;

- le nombre de patients admis en soins intensifs ou de réanimation atteste d'une sévérité particulière du virus A (H1N1) en 2009 par rapport au virus saisonnier.

Enfin, le nombre de décès notifiés à ce jour comme directement liés à la grippe pandémique s'élève à trois cent dix, ce qui correspond toutefois à une fourchette basse, qui ne prend pas en compte les décès en dehors des établissements de santé, ni les décès indirects qui ne peuvent être comptabilisés qu'a posteriori.

Par comparaison, la grippe saisonnière cause chaque année 2 000 à 6 000 décès. La mortalité a donc été inférieure à celle envisagée par tous les scénarios en septembre 2009, en France comme dans tous les autres pays. On note cependant une sévérité particulière de certaines formes graves, et qui touchent une population jeune.

Que peut-on en attendre dans les prochains mois ?

Une vague épidémique de grande ampleur apparaît peu probable avant l'hiver prochain, compte tenu du taux estimé d'immunisation de la population et des données les plus récentes, à condition que le virus reste stable. Toutefois, des foyers localisés dans des groupes de populations peu immunisées ne peuvent être exclus.

Si l'hypothèse la plus probable est que le virus A (H1N1) circule à nouveau, il n'est pas possible de préciser à ce jour l'ampleur de sa circulation et de celle des autres virus, ni les caractéristiques de sa sévérité.

Un débat a suivi.

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