Intervention de Alain Gournac

Commission des affaires sociales — Réunion du 15 juillet 2008 : 1ère réunion
Travail — Démocratie sociale et réforme du temps de travail - examen du rapport

Photo de Alain GournacAlain Gournac, rapporteur :

a rappelé que ce projet de loi comporte deux volets : l'un consacré à la rénovation de la démocratie sociale, l'autre à la réforme du droit de la durée du travail, dont il a dit approuver globalement le contenu.

Le premier volet est l'aboutissement d'une longue réflexion, engagée dès 2005 à la demande du Premier ministre, sur les règles de représentativité syndicale et de validité des accords collectifs, les modalités du dialogue social au sein des PME et le financement des organisations syndicales. Remis en 2006, le rapport Hadas-Lebel avait alors proposé d'apprécier la représentativité des organisations syndicales en fonction de leur audience électorale, mesurée à l'occasion des élections professionnelles, des élections prud'homales ou d'une élection de représentativité et suggérait de fixer le seuil de représentativité à 10 % afin de limiter la dispersion syndicale.

Consulté sur ce sujet, le Conseil économique et social, dans un avis de novembre 2006, a également recommandé d'apprécier la représentativité syndicale en fonction des résultats recueillis par chaque organisation lors des consultations électorales, en retenant un seuil de représentativité égal ou supérieur à 5 %.

Le 18 juin 2007, le Premier ministre, François Fillon, a adressé un document d'orientation aux partenaires sociaux les invitant à négocier sur la représentativité syndicale, la validité des accords collectifs et sur le développement du dialogue social dans les PME. A la demande du Président de la République, le document d'orientation a été complété, en décembre dernier, afin que les négociations portent aussi sur le temps de travail et sur le financement des organisations syndicales de salariés et d'employeurs.

Ces négociations ont abouti à la signature d'une position commune par deux syndicats de salariés, la CGT et la CFDT, et par deux organisations patronales, le Medef et la CGPME. Cette position commune comprend quatre parties : représentativité des syndicats de salariés, développement du dialogue social, financement des syndicats de salariés et des dispositions finales.

La première partie du projet de loi retranscrit fidèlement les termes de la position commune, à l'exception de la question du financement du dialogue social, et propose de réformer les règles de la représentativité syndicale, anciennes et désormais inadaptées.

En effet, depuis 1966, cinq confédérations syndicales - CGT, CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC - bénéficient d'une présomption irréfragable de représentativité, qui s'applique à tous les syndicats qui leur sont affiliés, au niveau de la branche ou de l'entreprise, quel que soit leur degré réel d'implantation. Les autres syndicats doivent démontrer qu'ils sont représentatifs en fonction de cinq critères énumérés dans le code du travail : effectifs, indépendance, cotisations, expérience et attitude patriotique pendant l'Occupation. L'enjeu est important car seuls les syndicats représentatifs peuvent négocier des accords collectifs, désigner un délégué syndical et présenter des candidats au premier tour des élections professionnelles (élections des délégués du personnel ou du comité d'entreprise).

Ces règles sont aujourd'hui inadaptées :

- elles sont inéquitables, en conférant un avantage à cinq confédérations sans tenir compte de leur représentativité réelle ;

- elles ont contribué à l'émiettement du paysage syndical, de nouveaux syndicats, comme l'Unsa ou Sud, étant apparus sans que les confédérations plus anciennes ne se soient par ailleurs regroupées ;

- elles sont contestables, lorsqu'on constate le développement de la technique de l'accord dérogatoire qui conduit certaines organisations, dont la représentativité n'est pas certaine, à approuver des dispositions moins favorables pour les salariés que celles figurant dans la loi ou dans les accords collectifs de niveau supérieur.

a alors indiqué que le projet de loi propose en conséquence de modifier la liste des critères de représentativité :

- l'exigence d'une attitude patriotique pendant l'Occupation est remplacée par celle du respect des valeurs républicaines ;

- un nouveau critère de transparence financière est ajouté en réponse au scandale suscité par l'affaire « UIMM » ;

- l'audience électorale devient le critère déterminant de la représentativité syndicale. Ce sont les résultats des élections professionnelles dans les entreprises qui permettront de mesurer l'audience de chaque organisation au niveau du groupe, de la branche et au niveau national interprofessionnel. Pour être reconnu représentatif, un syndicat devra avoir recueilli au moins 10 % des voix dans l'entreprise ou 8 % au niveau de la branche et au niveau national interprofessionnel. Ces seuils devraient favoriser une recomposition du paysage syndical, notamment au travers du rapprochement de certaines organisations telles que la CGC et l'Unsa. Tous les syndicats indépendants, constitués depuis au moins deux ans et respectueux des valeurs républicaines, pourront désormais participer au premier tour des élections professionnelles, et non plus les seules organisations représentatives.

En outre, sera créé un Haut Conseil du dialogue social, chargé d'émettre un avis auprès du ministre concerné avant la publication de la liste des organisations représentatives au niveau de la branche et au niveau national interprofessionnel.

Pendant la période transitoire précédant la détermination de la liste des syndicats représentatifs, les syndicats aujourd'hui reconnus représentatifs conserveront ce statut, le Gouvernement se réservant la possibilité de reconnaître la représentativité d'autres syndicats sur la base des critères actuels.

Ces nouveaux critères de représentativité auront des conséquences sur la vie syndicale dans l'entreprise :

- un salarié ne pourra devenir délégué syndical et être de ce fait habilité à négocier un accord dans l'entreprise que s'il a lui-même recueilli 10 % des voix aux dernières élections professionnelles ;

- tout syndicat, même non représentatif, pourra désormais nommer dans l'entreprise un représentant de la section syndicale bénéficiant des mêmes protections que le délégué syndical et ayant pour mission d'animer la section syndicale et de faire reconnaître, le cas échéant, la représentativité de son syndicat lors des élections professionnelles.

Puis M. Alain Gournac, rapporteur, a indiqué que le projet de loi modifie également les conditions de validité des accords collectifs. Ceux-ci obéissent actuellement à deux régimes différents :

- au niveau interprofessionnel ou au niveau d'une branche, un accord est réputé valide s'il est signé par au moins un syndicat représentatif et si la majorité des autres syndicats ne s'y oppose pas ;

- au niveau de l'entreprise, l'accord entre en vigueur s'il est signé par au moins un syndicat représentatif et si un ou plusieurs autres syndicats ayant obtenu la majorité des suffrages aux dernières élections professionnelles ne s'y opposent pas.

Conformément à la position commune, le projet de loi propose de s'éloigner de cette logique du « droit d'opposition » pour aller vers un système de « majorité d'engagement » : à partir du 1er janvier 2009, un accord, à tous les niveaux, sera valable s'il est signé par un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant obtenu au moins 30 % des suffrages aux dernières élections et s'il n'a pas fait l'objet d'une opposition par des syndicats représentatifs ayant obtenu la majorité des suffrages. La position commune envisageait, à terme, la possibilité de passer à la règle de l'accord majoritaire mais il a semblé raisonnable de ménager d'abord une période de transition.

Par ailleurs, pour favoriser la négociation collective dans les PME, souvent dépourvues de délégué syndical, le texte propose d'autoriser les délégués du personnel dans les entreprises de moins de deux cents salariés ou des salariés mandatés, lorsqu'un procès-verbal de carence a été établi, à conclure des accords collectifs. La loi Fillon du 4 mai 2004 avait déjà prévu une telle possibilité mais l'avait conditionnée à la conclusion d'un accord de branche. Comme peu d'accords ont été signés, seize seulement en quatre ans, le projet de loi prévoit de supprimer cette condition à partir du 31 décembre 2009.

Puis M. Alain Gournac, rapporteur, a souligné l'importance des dispositions relatives à l'amélioration de la transparence financière des comptes des organisations syndicales. Reprenant les termes de la position commune, le projet de loi impose aux organisations syndicales de salariés et aux organisations d'employeurs la publication et la certification de leurs comptes et veille à sécuriser juridiquement la mise à disposition de salariés par les entreprises auprès des organisations syndicales.

Allant au-delà de la position commune, le Gouvernement propose également de donner une base légale à « l'accord UPA » sur le financement du dialogue social. Signé le 12 décembre 2001 par l'UPA et les cinq syndicats de salariés, cet accord, qui a fait l'objet de nombreux recours en justice infructueux du Medef et de la CGPME, et dont la régularité a finalement été reconnue par la Cour de cassation dans un arrêt de décembre 2007, impose aux entreprises de l'artisanat de verser une contribution, à hauteur de 0,15 % de leur masse salariale, pour financer le dialogue social au niveau des branches.

Plus généralement, le projet de loi prévoit qu'un accord collectif peut instaurer une contribution destinée au financement de la négociation collective. L'Assemblée nationale en a repoussé l'entrée en vigueur en juin 2009 afin qu'elle coïncide avec l'achèvement des discussions, prévues par la position commune, sur la représentation des salariés et l'amélioration du dialogue social dans les petites entreprises.

a ensuite présenté la deuxième partie du projet de loi, consacrée à la réforme du temps de travail. Son ajout par le Gouvernement a suscité le mécontentement des organisations syndicales, qui ont estimé qu'il outrepassait les termes de la position commune, laquelle se limitait à prévoir, à titre expérimental, qu'un accord majoritaire conclu dans l'entreprise peut déroger au contingent conventionnel d'heures supplémentaires. Or, cette mesure, ponctuelle et strictement encadrée, préservait en fait le statu quo.

C'est pourquoi le Gouvernement, s'affranchissant des termes de la position commune, a opté pour une réforme de plus grande ampleur qui prévoit :

- la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent, à condition d'accorder au salarié, en plus de la majoration de son salaire, une contrepartie en repos ;

- le remplacement des dispositifs actuels d'aménagement du temps de travail (travail par cycles, accords de modulation, attribution de jours de RTT sur quatre semaines ou sur l'année) par un dispositif unique d'aménagement du temps de travail par voie d'accord collectif ;

- enfin, la simplification du régime des convention de forfait, les salariés en forfait jours pouvant désormais renoncer à des jours de repos, en échange d'une rémunération majorée, à condition que le nombre de jours travaillés dans l'année n'excède pas un nombre maximal, qui sera déterminé par voie d'accord et fixé, à défaut d'accord, à 235 jours, ainsi que l'a décidé l'Assemblée nationale.

En outre, le projet de loi donne la priorité à l'accord d'entreprise sur l'accord de branche, qui devient supplétif, afin que les règles relatives à la durée du travail puissent être adaptées à l'activité et aux conditions de travail des salariés.

Pour conclure, M. Alain Gournac, rapporteur, a fait observer que le texte maintient la durée légale du travail à trente-cinq heures hebdomadaires, s'inscrivant ainsi dans la logique des dispositions de la loi Tepa du 21 août 2007 relatives à la défiscalisation des heures supplémentaires. L'adoption du projet de loi permettra, à la fois de rompre avec la logique de la réduction du temps de travail, délétère pour la compétitivité du pays et le pouvoir d'achat des ménages, et d'ouvrir une nouvelle page de l'histoire des relations sociales.

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