La commission, conjointement avec la délégation à l'Union européenne, a procédé à l'audition de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat chargée du commerce extérieur, auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur les enjeux de l'internationalisation de l'économie française et les négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
a tout d'abord abordé le sujet de l'internationalisation de l'économie française, en soulignant le fait que cette internationalisation ne se résumait pas à la balance commerciale. Elle a précisé que les importations étaient très pénalisées par l'effet du doublement du prix du baril de pétrole, même si la parité euro/dollar amoindrissait cet effet, et que les exportations manquaient de dynamisme, notamment du fait du ralentissement de l'économie mondiale et particulièrement européenne, l'Union européenne absorbant deux tiers de nos exportations. Le montant du déficit commercial français, qui atteint 40 milliards d'euros, est inférieur, lorsqu'on l'exprime en points de PIB, à celui du Royaume-Uni et de l'Espagne, mais il est vrai qu'il est sans commune mesure avec l'excédent de l'Allemagne qui a fondé sa stratégie économique globale sur sa compétitivité à l'export. Il importe de se focaliser non pas tant sur le solde commercial, que sur les exportations, reflet de la compétitivité française mais également du dynamisme mondial. En particulier, il faut regarder les parts de marché à l'exportation et, plus précisément les parts de marché dans les pays industrialisés, qui sont des concurrents.
Dans cette perspective, tous les instruments susceptibles de stimuler l'export et la compétitivité sont importants : le crédit impôt recherche, les pôles de compétitivité, l'encouragement des PME à exporter, auquel contribue notamment la possibilité, introduite à l'initiative de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de conclure un contrat pour une seule mission.
S'agissant des flux d'investissements, le chiffre d'affaires des implantations françaises à l'étranger représente deux fois le montant des exportations et les investissements étrangers en France restent très élevés, contribuant au développement de l'emploi sur le territoire national. En tout état de cause, la diversification de la localisation des filiales, centres de recherche ou usines doit amener à considérer que les chiffres de la Douane ne résument pas l'ouverture sur l'international de la France.
a insisté sur l'exemplarité de la réforme lancée par Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, afin d'améliorer l'organisation des services publics au bénéfice des entreprises exportatrices : cette réforme vise à distinguer entre les missions régaliennes (diplomatie économique, information du Gouvernement, soutien aux grands contrats) et l'accompagnement des PME via UBIFRANCE, afin d'augmenter le nombre des PME exportatrices ou présentes sur les salons et le nombre de volontaires internationaux en entreprises (VIE). Cette réforme s'appuie également sur le réseau, en France et à l'étranger, des chambres de commerce, dans une ambiance « d'équipe de France » très satisfaisante. Il reste qu'UBIFRANCE dispose de crédits deux fois moindres que ses homologues allemand ou italien ; une augmentation de sa dotation budgétaire pourrait être envisagée, d'autant plus que la productivité de crédits publics supplémentaires serait assurée par la rénovation de l'agence. Par ailleurs, les entreprises françaises doivent donner la priorité à l'innovation pour permettre à la France de rattraper son retard à l'égard de ses concurrents.
a fait le point sur l'état du cycle de négociations commerciales multilatérales engagé à Doha en novembre 2001, cycle dont elle a rappelé qu'il s'intitulait « cycle du développement ». Elle a précisé que plusieurs sujets n'étaient pas à l'ordre du jour de cette négociation multilatérale, soit du fait de décisions intervenues depuis 2001 au sein de l'OMC, soit du fait de la compétence d'autres organismes internationaux : les investissements, la santé, l'environnement et, plus largement, les sujets dits « de régulation ».
Evoquant la réunion des ministres organisée à partir du 21 juillet à Genève à l'initiative du directeur général de l'OMC, où M. Peter Mandelson, commissaire européen au commerce, représentera l'Union européenne, elle a fait part de la très grande inquiétude de la France à l'égard de l'état des discussions : « le compte n'y est pas ». La Commission européenne a déjà tout donné sur la partie agricole mais, en échange, n'a pas obtenu de grandes concessions des pays en développement sur l'accès au marché des produits non agricoles. Concernant l'agriculture, les concessions européennes résultent entièrement de la réforme de la politique agricole commune. Deux points méritent particulièrement l'attention : d'une part, l'accès au marché pour les produits sensibles (sucre, fruits et légumes, volaille et boeuf) ; d'autre part, les subventions aux exportations et l'éventuel renforcement des contraintes sur la « boîte verte » qui concerne les subventions autorisées, alors même que les Etats-Unis continuent, avec le plus grand cynisme, à y recourir. Les Etats-Unis ont effectivement adopté un « Farm Bill » aux conséquences financières considérables.
L'attitude du Brésil est également étonnante. Non seulement ce pays soutient maintenant le développement des biocarburants, ce qui implique la déforestation de l'Amazonie pour cultiver du sucre et du maïs et produire de l'éthanol, mais, en outre, il utilise les vrais pays pauvres en accusant les subventions agricoles européennes d'être responsables des difficultés de développement rencontrées par ces pays.
Concernant les indications géographiques, Mme Anne-Marie Idrac a fait état d'un blocage des négociations, tout en soulignant l'importance de ce sujet pour la France, notamment en matière de vins et spiritueux, ainsi que pour d'autres pays, parfois au nom de la biodiversité.
S'agissant des produits non agricoles, elle a indiqué que l'objectif était théoriquement d'abaisser les droits de douane et de consolider les droits existants mais elle a relevé qu'en application des « flexibilités », certains secteurs industriels dans les pays émergents pouvaient être mis à l'abri de cette baisse. Beaucoup d'industries françaises sont intéressées par l'ouverture de certains marchés et regrettent la fermeture de nombreux pays en développement et des conditions particulières octroyées à la Chine, qui pourrait rester encore préservée pendant dix-huit ans en ce domaine. Enfin, s'agissant des services, on peut déplorer la très faible ouverture que semblent prêts à consentir les membres de l'OMC et le fait que le sujet ne sera abordé qu'à une phase ultérieure des discussions.
a rappelé que la France avait obtenu fin mars du Conseil « Affaires générales » des conclusions fortes exigeant la plus grande fermeté dans les négociations. Elle a jugé que l'Union européenne avait joué avec le feu : en mettant tout sur la table en matière agricole, elle a perdu sa marge de négociation sur les autres sujets.
Présentant sa méthode, Mme Anne-Marie Idrac a annoncé qu'elle allait tenir le 18 juillet un Conseil des ministres « Affaires générales » qui sera appelé à se prononcer sur les nouveaux textes qui auront été publiés le 10 juillet et à préciser le mandat de négociation de M. Peter Mandelson. A Genève, elle entend inviter le commissaire européen à lui rendre compte quotidiennement de l'avancée des négociations.
Elle a estimé que le refus des Irlandais de ratifier le Traité de Lisbonne avait sûrement été alimenté par l'inquiétude de ce pays à l'égard de l'OMC, notamment s'agissant de la viande bovine. Si d'autres pays de l'Union considèrent que tout vaut mieux qu'un échec, la France entend faire primer le fond sur le calendrier.