Le rapport de contrôle que je vous présente fait suite à une « interpellation » de Gérard Miquel, lors de la présentation du rapport sur le projet de budget 2011 de la mission « Ville et logement ». Il s'était interrogé sur l'existence d'un bilan de la délégation des crédits d'aide à la pierre aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou aux départements. La période est également propice puisque l'année 2011 marque l'entrée dans une phase de renouvellement des conventions de délégations dont les premières ont été signées en 2005 et qui ont une durée de six ans. J'évoquerai également le sujet beaucoup plus limité des délégations des contingents préfectoraux de réservation de logements sociaux, qui présentent des similitudes puisqu'il s'agit de la même modalité juridique et que leur création figurait dans le même texte législatif.
Un bref rappel du cadre d'exercice des délégations d'aides à la pierre est nécessaire. C'est une faculté ouverte à l'occasion de l'acte II de la décentralisation par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 qui se distingue juridiquement du transfert de compétence, l'Etat restant garant du droit au logement. Toutefois la délégation avait été présentée à l'époque par le Gouvernement comme une étape sur la voie de la décentralisation.
La délégation couvre le financement global des aides à la pierre en direction du parc de logement locatif social (LLS) et du parc privé, à travers les subventions de l'agence nationale de l'habitat (ANAH). Les bénéficiaires sont les EPCI dotés d'un programme local de l'habitat (PLH) et départements qui n'interviennent que sur les territoires non couverts par des EPCI délégataires. La durée des conventions est de six ans renouvelables, sans que ce renouvellement ait un caractère systématique.
Le premier volet du bilan des délégations est quantitatif. En 2011, il y a 108 délégataires, 27 départements et 81 EPCI. Cet effectif a connu une montée en puissance rapide surtout pour les départements. Mais on constate une stagnation du nombre des délégataires depuis 2008. En 2011, un département, les Côtes d'Armor, s'est retiré à la suite de la prise de délégation par une communauté d'agglomération. Ce tassement s'explique par le fait que le potentiel des délégataires est « saturé », tous ceux qui avaient un réel intérêt à se saisir de cette opportunité l'ayant déjà fait. Toutefois, la prise de délégations est assez hétérogène sur le territoire. On note en particulier que l'implication des départements est plus forte dans les régions de l'Ouest et de l'Est de la France et que la signature d'une convention de délégation est exceptionnelle en Ile de France.
La part des crédits délégués dans l'ensemble des aides à la pierre montre l'importance de la délégation. Elle est supérieure à la moitié depuis 2007 en ce qui concerne les crédits à destination du logement locatif social ; pour les subventions de l'ANAH, elle évolue entre 43 % et 50 %.
Le volet qualitatif du bilan des délégations est plus délicat à établir.
La délégation a eu un effet d'entrainement certain sur l'implication croissante des EPCI et des départements dans la politique du logement et de l'habitat depuis 2004. Cet engagement se vérifie par plusieurs paramètres : la création de services spécifiques au sein des collectivités, l'approfondissement des exercices de programmation et l'effort financier des collectivités venant en complément de celui de l'Etat. Pour les départements, l'effort budgétaire a été doublé entre 2004 et 2007 et atteignait en 2007, selon l'Association des départements de France, entre 1 et 1,3 milliard d'euros. Il en est de même pour les EPCI qui ont multiplié par 3,5 leur apport financier. Pour autant, les résultats obtenus en termes de construction de logements sont difficilement attribuables avec certitude aux vertus du mode de gestion en délégation.
Depuis 2007, le nombre de logements financés en territoire délégué est supérieur à celui des logements financés hors territoire de délégation et la production en territoire délégué atteint 49 % du total de la production de logements sur 2005-2010
De même depuis 2007, les sommes engagées par les territoires délégués sont supérieures à celles engagées hors territoires de délégation et représentent 54 % de l'ensemble des financements, soit 1,6 milliard sur 3,024 milliards d'euros sur la période 2005-2010.
Mais ces chiffres sont aussi dus au fait que les territoires les plus tendus sont en régime de délégation.