Dans un premier temps, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a estimé que l'efficacité globale du dispositif était réelle, en distinguant toutefois les deux volets du plan de lutte, le volet relatif à l'influenza aviaire, c'est-à-dire à la maladie animale, d'une part, le volet relatif à la pandémie grippale humaine, d'autre part.
S'agissant de la lutte contre l'influenza aviaire, elle a relevé que le système français fonctionnait bien grâce à un maillage territorial vétérinaire de bonne qualité, contrairement à d'autres pays européens, notamment le Royaume-Uni. Elle a toutefois fait valoir la fragilité de ce maillage, soulignée par plusieurs de ses interlocuteurs, et notamment par l'Académie vétérinaire de France dans un avis en date du 2 février 2006. Elle également relevé certains points faibles du dispositif, notamment le problème de la surveillance et du recensement des basses-cours familiales, tout en soulignant qu'il était sans commune mesure avec celui observé en Asie. De même, le nombre de laboratoires de criblage sur le territoire national, aujourd'hui limité à six, mais qui devrait être augmenté pour arriver à au moins dix laboratoires de criblage sur le territoire national. Enfin la question de la généralisation des visites des vétérinaires sanitaires dans les élevages avicoles, au nombre de 30.000 sur le territoire national, qui pourrait avoir un coût non négligeable en cas de durabilité du risque d'influenza aviaire.
S'agissant de la prévention et de la lutte contre la pandémie grippale, elle a indiqué ne pas avoir d'inquiétude sur l'aspect théorique du plan gouvernemental, qui avait été bien noté par les experts internationaux de la « London School of Hygiene and Tropical Medicine », ni sur l'achat de masques et de médicaments antiviraux par le gouvernement. Toutefois, elle a souligné les difficultés pratiques auxquelles pourrait se heurter l'application du plan en cas de pandémie avérée et a estimé qu'il ne fallait pas négliger l'effet psychologique d'une telle situation. Elle a également relevé des points qui devraient être améliorés, en citant notamment la trop faible association des médecins libéraux à la préparation du plan, ce dont le gouvernement avait pleinement conscience, puisqu'il avait lancé un travail de formation et d'information en direction des médecins. Elle s'est également inquiétée de l'insuffisante coordination entre la médecine de ville et l'hôpital, alors même que le maintien à domicile des malades était préconisé par le plan. A cet égard, elle a toutefois souligné que le ministère de la santé réfléchissait à la constitution d'un corps de réserve sanitaire constitué d'étudiants en médecine ou de médecins retraités. Elle a précisé que l'inégale couverture médicale des zones rurales et périurbaines constituait également une source d'inquiétude et que les capacités hospitalières actuelles ne permettraient, sans doute pas, de faire face au nombre d'hospitalisations prévues en cas de pandémie, compte tenu, de l'engorgement actuel des services d'urgence notamment.
D'une manière générale, elle a estimé que la mobilisation des services déconcentrés n'était pas suffisante et que la gestion de crise reposait sur les mécanismes classiques de sécurité civile et intérieure, alors que le déclenchement d'une pandémie nécessiterait de faire intervenir d'autres mécanismes. Elle a également souligné que les mécanismes de surveillance épidémiologique fonctionnaient bien, mais qu'ils devraient être renforcés, notamment pour assurer une plus grande égalité entre les régions.
S'agissant de l'architecture administrative associée à la mise en oeuvre du plan, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a constaté qu'il existait une réelle interministérialité opérationnelle, surtout au niveau des administrations centrales, moins au niveau déconcentré. Elle a cité le rôle du délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire, soulignant que ce dernier avait été nommé en la personne du directeur général de la santé du ministère de la santé et des solidarités, ce qui avait eu pour avantage de le rendre immédiatement opérationnel, mais ce qui l'avait privé d'une réelle autorité politique.
En outre, elle a regretté l'absence d'interministérialité budgétaire au sein de la mission « Sécurité sanitaire », déjà soulignée dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2006. D'une part, la mission « Sécurité sanitaire » ne regroupe pas l'ensemble des crédits dédiés à la politique de sécurité sanitaire, d'autre part, une réforme en profondeur de la maquette de l'Etat s'impose afin de rendre effective l'interministérialité budgétaire.
S'agissant toujours de l'architecture administrative associée à ce plan, elle a évoqué la structuration du système des agences sanitaires, en précisant que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) avait bien joué son rôle d'évaluateur en rendant, entre le mois d'août 2005 et le mois de mai 2006, une vingtaine d'avis scientifiques. Elle a toutefois estimé que la décision politique était prise sur d'autres critères que les seuls critères scientifiques et qu'il convenait de créer en France un système comparable à celui qui existait au Royaume-Uni, permettant, par exemple, d'éclairer les choix politiques via le recours à des instances intermédiaires tenant compte de données socio-économiques.
S'agissant du financement du plan, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a rappelé que le gouvernement avait annoncé un coût de l'ordre de 700 millions d'euros sur trois ans s'agissant du plan de prévention et de lutte contre une éventuelle pandémie grippale.
Elle a indiqué que le financement avait d'abord été sous-évalué par le gouvernement, puis abondé par décret d'avance. Elle a rappelé le contexte de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2006, qui avait permis de mettre en évidence une sous-évaluation du coût du dispositif de lutte contre l'influenza aviaire. Elle a souligné qu'un décret d'avance portant ouverture de crédits, sur lequel la commission s'était prononcée dans un rapport ad hoc, était paru le 27 mars 2006 permettant au ministère de l'agriculture et de la pêche de couvrir ses besoins dans la mise en oeuvre du dispositif de lutte contre l'épizootie.
S'agissant de l'exécution du plan de lutte contre la pandémie, elle a précisé que le ministère de la santé et des solidarités avait souligné, à ce stade, un solde négatif du financement du Plan, de l'ordre de 27 millions d'euros en 2006. Toutefois, elle a précisé qu'en cas de déclenchement de la phase 6 du plan, c'est-à-dire en cas de pandémie grippale avérée, les sommes qu'il faudrait débloquer seraient sans doute beaucoup plus importantes. En outre, sur le plan des principes, elle a estimé que le financement du plan gouvernemental devait relever de la solidarité nationale, et donc du budget de l'Etat. Dès lors, elle a considéré que si la participation financière de l'assurance maladie pouvait être envisageable dans le domaine de la prévention sanitaire, la santé publique relevait, elle, des missions régaliennes de l'Etat.
Enfin, elle a rappelé le volet économique du dispositif de lutte contre l'influenza et estimé que les aides débloquées par le gouvernement, à hauteur de 63 millions d'euros pour l'ensemble de la filière, étaient aujourd'hui suffisantes. Toutefois, elle a précisé que cette crise devait être l'occasion pour la filière de se restructurer afin de faire face à la concurrence internationale.
S'agissant de la coopération européenne et de la coordination internationale, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a indiqué que, dans le domaine de la santé animale, la coordination européenne était très poussée, mais a regretté qu'elle soit encore embryonnaire dans le domaine de la santé humaine qui relève de la compétence des Etats, conformément au principe de subsidiarité. Elle a souhaité que des progrès soient réalisés à cet égard.
Sur le plan international, elle a d'abord fait état d'une recrudescence des épizooties et de la multiplication concomitante des zoonoses, maladies transmissibles de l'animal à l'homme, pouvant être mortelles. Elle a cité les facteurs explicatifs de cette recrudescence, parmi lesquels la mondialisation des échanges commerciaux, la densité démographique dans certains pays à proximité des élevages, enfin le rôle non négligeable des migrations d'oiseaux. Elle a constaté la vulnérabilité des pays à l'influenza aviaire en indiquant que, sur le continent européen, onze pays avaient été touchés par cette maladie animale, et précisé que, dans le monde, dix pays avaient présenté des cas humains de grippe aviaire, c'est-à-dire de transmission de la maladie de l'animal à l'homme. A cet égard, elle a fait référence au premier cas confirmé de transmission interhumaine de la maladie en Indonésie. Elle a précisé que des progrès pouvaient être notés en matière d'éradication de la maladie dans certains pays d'Asie du Sud-est, mais que la situation était inquiétante en Afrique en raison de la faiblesse des infrastructures sanitaires et de la difficulté de venir en aide à des régimes incapables de faire face à la crise. Enfin, elle a fait référence au cas de la Russie, où l'absence de structures sanitaires à la hauteur de l'ampleur de la crise constituait un sujet d'inquiétude.
Dès lors, elle a estimé nécessaire, sur le plan international, de coordonner la gestion de la crise et de mobiliser des financements. A cet égard, elle a précisé que l'harmonisation entre les trois principales instances internationales, en charge de ce dossier, l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), avait tardé à se mettre en place alors même que l'OIE et la FAO avaient, dès le début, insisté sur la nécessité de lutter prioritairement contre la maladie animale. Elle a indiqué que l'OMS avait initialement mis l'accent sur la lutte contre une éventuelle pandémie humaine sans se préoccuper de la maladie animale.
Toutefois, elle s'est félicitée de l'organisation, en janvier 2006, de la Conférence de Pékin réunissant les grands bailleurs de fonds internationaux qui avait permis d'enregistrer l'engagement de ces bailleurs de participer, à hauteur de 1,9 milliard de dollars, à la lutte contre la grippe aviaire, tant dans son « volet animal » que dans son « volet humain ». Elle a précisé qu'une nouvelle conférence serait sans doute organisée à l'automne 2006, après la conférence de Vienne de juin 2006, qui avait permis de dresser le bilan des premiers versements et de chiffrer les besoins ultérieurs.
Pour conclure, Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, a estimé qu'il faudrait s'habituer à l'idée de vivre, à l'avenir, avec un risque durable d'influenza aviaire, du point de vue agricole. Dès lors, elle a précisé que la durabilité de ce risque imposerait, d'une part, d'adapter les mesures de sécurité sanitaire mises en oeuvre ainsi que l'organisation des élevages, d'autre part, de restructurer la filière avicole qui se trouvait déjà fragilisée. Puis elle a évoqué l'idée de constituer un véritable pôle de santé publique permettant de prendre en compte concomitamment les problématiques de santé animale et de santé humaine. Enfin, sur le plan international, elle a estimé nécessaire l'émergence d'une véritable gouvernance mondiale de la sécurité sanitaire, caractérisée par des normes sanitaires internationales applicables à tous les pays et des structures sanitaires adaptées dans les pays plus exposés. Elle a également fait référence à la notion de droit d'ingérence sanitaire sur laquelle tous les experts internationaux ne s'accordaient pas, mais qui méritait d'être étudiée.
Puis un débat s'est instauré.