Puis la commission a entendu une communication de M. Claude Haut, rapporteur spécial, sur la flotte aérienne de la sécurité civile.
a tout d'abord rappelé qu'il avait annoncé à la commission, lors de l'audition du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, le 22 novembre 2005, son intention de mener un contrôle, en application de l'article 57 de la LOLF, portant sur la flotte aérienne de sécurité civile et de lutte contre les incendies. Il a précisé que cette volonté avait été motivée par deux éléments :
- des incertitudes sur l'état réel de la flotte, compte tenu des pertes de l'été 2005 : 4 pilotes auxquels il a rendu un hommage tout particulier et 3 avions ; et la totalité des Canadair immobilisée en plein mois d'août pour des contrôles techniques ;
- des questions portant sur les modalités de gestion budgétaire, l'application de la LOLF et le remplacement des trois appareils accidentés durant l'été 2005.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, il a indiqué que, pour mener à bien cette mission, il avait effectué plusieurs auditions, et s'était déplacé sur les bases de Nîmes et de Marignane au mois d'avril 2006. Il a précisé qu'il s'était également rendu à l'unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile de Brignoles, regroupant des militaires qui avaient la capacité de se projeter en moins de 48 heures dans n'importe quelle partie du monde, pour secourir les populations. Il a expliqué que les personnels qui vivaient sur la base, dans des conditions relativement inconfortables, lui avaient fait une démonstration de leur entraînement face au feu et de leurs méthodes de recherche des victimes de séismes. Il a relevé que la base, bien que située dans une pinède, donc un cadre supposé « idyllique », ne disposait pas d'eau potable, et il a appelé de ses voeux qu'une solution à ce problème soit rapidement trouvée.
a indiqué qu'il s'était également rendu au service de déminage de Toulon où les personnels, issus de l'armée pour la plupart, menaient une action remarquable, en intervenant sur les obus de la dernière guerre, en identifiant les colis suspects, et en sécurisant les rencontres entre chefs d'Etat. Il a rendu hommage à leur compétence, reconnue dans le monde entier, ces hommes exerçant un métier « hors norme », avec un dévouement exemplaire et une grande humilité.
S'agissant de la flotte de lutte contre les incendies, M. Claude Haut, rapporteur spécial, a ensuite présenté les différents aéronefs -trois types d'hélicoptères et quatre types d'avions- à la disposition de la lutte contre les feux de forêt, soulignant qu'il était préférable de s'interroger dès maintenant sur les conditions d'activité de la flotte, plutôt que de déplorer le manque de moyens dans quelques mois :
- l'EC 145, d'Eurocopter, qui constituait l'armature de la flotte d'hélicoptère de sécurité civile, composée de 30 engins dont l'action, bien que marginale dans la lutte contre les feux de forêt, était d'une grande importance dans le dispositif comme vecteur d'aide aux personnes en difficulté. Il a salué la qualité de l'engagement des pilotes, qu'il avait rencontrés lors de sa visite. Il a signalé, par ailleurs, qu'une version légèrement modifiée de cet appareil, d'un coût de 7,5 millions d'euros l'unité, venait d'être achetée par l'armée américaine et que la commande, qui représentait, au total, 3 milliards de dollars, constituait une excellente nouvelle pour EADS ;
- l'Alouette III, appareil de la sécurité civile, également utilisé pour le secours aux personnes ;
- l'Ecureuil, petit hélicoptère destiné, durant les incendies, à assurer les missions de commandement, de reconnaissance et de guidage des avions ;
- le Tracker, appareil déjà ancien, qui pouvait larguer 3 tonnes de produit retardant, et donc poser des « barrières » contre les incendies. Il a précisé que le ministère de l'intérieur avait lancé un programme de révision technique des 9 appareils qui resteront en activité, afin de les maintenir en service jusqu'en 2020. Deux appareils ayant été détruits durant la saison des feux 2005, entraînant la mort des pilotes, le ministère avait décidé de les remplacer par deux exemplaires d'un appareil qui avait provoqué quelques polémiques, le Dash ;
- le Dash, un avion polyvalent, conçu à la base pour le transport de personnes, mais qui avait été configuré par son constructeur, le canadien Bombardier, pour un usage similaire à celui des trackers, et qui permettait de larguer 10 tonnes de retardant, ce qui apportait un gain d'efficacité. Le rapporteur a expliqué que la polémique sur cet appareil était née du rejet que son introduction avait suscité chez certains pilotes, les facteurs de charge autorisés par l'autorité canadienne étant moins importants que ceux prévus à l'origine dans le marché d'acquisition. Cette modification, qui semblait tenir à une approche plus prudente de l'autorité canadienne, avait provoqué de vives inquiétudes. Compte tenu des incertitudes pesant sur cet appareil, le ministre de l'intérieur avait décidé de « mettre le Dash en observation », avant de se lancer éventuellement dans une politique d'achat plus ambitieuse. La sécurité civile disposant actuellement de deux appareils, la campagne 2006 devait permettre de les tester. Le rapporteur spécial a annoncé son intention de suivre cette expérimentation ;
- le Beechcraft, avion de liaison léger qui assurait les missions de surveillance ;
- enfin, le Canadair, le plus connu des avions de lutte contre les incendies. Il a mis en évidence qu'à la différence du Dash et du Tracker, le Canadair avait la capacité de s'attaquer au coeur du feu, ce qui faisait de son pilotage une activité à haut risque, comme en témoignaient les dramatiques accidents, le dernier datant du 1er août 2005, qui malheureusement s'étaient traduits par la mort, en service, de leurs pilotes.
a alors évoqué plusieurs points concernant ces avions Canadair.
Il a souligné que la flotte disposait actuellement de 11 appareils, depuis la livraison cet été d'un aéronef. Il a déclaré que, lors de son déplacement, il avait exprimé le souhait que la sécurité civile se dote d'un 12e Canadair, la stratégie mise en oeuvre avec ces avions étant de les faire « tourner » par noria de 4. Il s'est félicité que son voeu ait été exaucé par la décision du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, de doter la sécurité civile de ce 12e appareil pour l'été 2007, ce qui imposerait une imputation des crédits correspondants en loi de finances pour 2007.
Il a indiqué qu'il s'agissait d'un avion très onéreux à l'achat - 24 millions d'euros-, l'industriel n'écoulant pas de « gros volumes ». Il a observé qu'à ce prix, il n'était pas illégitime de chercher des solutions de remplacement mais que toutes les pistes étudiées se révélaient, pour l'instant, peu probantes, que ce soit le projet d'EADS ou le projet russe de Beriev, et qu'en tout cas, ces aéronefs n'étaient toujours pas opérationnels.
a ensuite abordé la maintenance, l'efficacité et le coût des moyens aériens. Il a reconnu, face à la perte d'aéronefs, et compte tenu des drames humains qui étaient ainsi provoqués, qu'il était légitime de s'interroger sur l'état de maintenance de la flotte. Il a affirmé que dans le domaine de la sécurité des pilotes et des populations qu'ils avaient la charge de protéger, il ne pouvait être question de réaliser des économies sur la maintenance et la qualité du matériel, économies qui ne seraient d'ailleurs que de très court terme.
Il a ajouté que, lors de son déplacement, il s'était efforcé de mesurer, par les échanges qu'il avait pu avoir avec les personnels, de manière formelle et informelle, si ces agents, directement en charge de cette activité, avaient le sentiment que des moyens suffisants étaient mis à leur disposition.
a rappelé qu'un accident pouvait être provoqué par deux facteurs : l'erreur humaine ou les conditions climatiques. Il a relevé que les facteurs « impondérables » étaient par nature peu contrôlables, même s'il était toujours possible d'améliorer la formation des pilotes ou d'affiner les techniques mises en oeuvre à bord des aéronefs. A l'opposé, il a jugé que les accidents dus au matériel étaient « évitables », si l'on y affectait des crédits en quantité suffisante, mais qu'il convenait de faire la part entre le « prévisible » et « l'imprévisible ». Si, quels que soient les efforts, il était inévitable que cette activité comporte toujours une part de risque, il avait constaté, lors de son contrôle, que le matériel bénéficiait d'un haut niveau d'entretien.
Il a relevé que les Canadair volaient peu, puisqu'ils ne servaient que pendant la saison des feux, et avec de très fortes variations d'une année sur l'autre. Il a rappelé que l'activité entre 1999 et 2005 avait été très variable, avec une pointe en 2003. Il a précisé également que, sur une année, les heures de vol étaient concentrées autour de l'été, les autres heures de vol étant destinées à l'entraînement.
a donc estimé que cet appareil n'était pas « usuel » au sens propre du terme, ce qui pouvait entraîner des risques d'accidents.
Il a alors évoqué le coût total de la maintenance de l'ensemble des aéronefs, indiquant qu'elle représentait 30 millions d'euros par an, ce qui était beaucoup pour 26 avions. Il a observé que la maintenance des Canadair, des Trackers et des Beechcraft King 200 était assurée en totalité par deux sociétés privées, indiquant qu'il s'agissait, à titre principal, de TAT industries, sauf pour les moteurs, maintenus en condition par Standard Aero.
Il a observé que ce coût élevé était lié aux caractéristiques structurelles de la flotte de sécurité civile. Il a noté que ces avions, qui volaient peu en moyenne, étaient soumis à des conditions d'exercice particulièrement « extrêmes », et subissaient une corrosion importante, notamment lors de la phase de récupération de l'eau pour les Canadair. Il a ajouté également que le coût de la maintenance connaissait de fortes variations avec, sur les quatre dernières années, un maximum de 36,6 millions d'euros en 2003 et un minimum de 28,4 millions d'euros en 2004.
Après avoir présenté un tableau permettant d'établir une distinction entre les différents types de maintenance, M. Claude Haut, rapporteur spécial, a observé qu'il existait :
- une maintenance dite de « type 1 », maintenance « normale » préconisée par le constructeur, précisant que, dans ce cas, les marchés passés avaient un coût fixe, sur la base d'une prestation forfaitaire ;
- et une maintenance dite de « type 2 », qui regroupait la maintenance « hors forfait », résultant des avanies et dégradations de matériels, ne pouvant être planifiée à l'avance.
a alors noté que le coût d'entretien des Canadair était particulièrement élevé par rapport aux autres avions, puisqu'il représentait les deux tiers du budget, précisant que les 3,7 millions d'euros pour les Trackers en « type 2 » en 2005 résultaient de la mise en place du plan « 2020 » qui visait à les maintenir en activité.
Il a fait valoir que la mission d'audit et de modernisation, menée conjointement par l'inspection générale de l'administration et le contrôle général des armées, s'était livrée à un exercice utile en calculant le coût d'une heure de vol en fonction des différentes dépenses. Il a présenté le tableau retraçant ces résultats. Il a constaté que l'essentiel du coût venait de la maintenance qui représentait à elle seule 66 % du budget de la base avions de sécurité civile (BASC), soit environ 30 millions d'euros par an, et que, par ailleurs, l'heure de vol en Canadair était extrêmement onéreuse : 15.800 euros en moyenne. Il a alors précisé que, selon les informations transmises par la direction générale de l'aviation civile, l'heure de vol « tout compris » d'un A 320 revenait, avec toutes les réserves méthodologiques d'usage, à un peu moins de 5.000 euros, pour une taille très nettement supérieure.
a alors proposé d'examiner deux hypothèses de travail, afin de savoir si l'on pouvait diminuer les coûts de maintenance.
Il a expliqué que la première consistait à limiter les dépenses de maintenance, notamment en réexaminant les marges de sécurité autorisées par le constructeur. Il a estimé qu'une telle solution n'était pas envisageable, compte tenu des risques humains et des drames qu'un accident occasionnait. Il a rappelé que, lors de son déplacement, il avait eu l'opportunité de discuter avec les intervenants de la maintenance, et qu'à aucun moment il n'avait eu le sentiment que des « petites économies » étaient faites sur ce chapitre, ce qui était éminemment rassurant. Il a précisé que, bien au contraire, il avait eu le sentiment d'un engagement de tous les personnels et d'une implication de l'ensemble des acteurs.
a reconnu que cette impression positive ne devait cependant pas empêcher de réfléchir à la structure des coûts, et notamment aux conditions des contrats de maintenance. Sur cette question, deux propositions de la mission d'audit méritaient d'être étudiées :
- l'amélioration des contrats au moment de la passation des marchés, notamment en augmentant leur durée de 4 ans à 10 ans et en réalisant une publicité plus large afin d'attirer plus de prestataires ;
- l'intervention sur la disponibilité imposée à la flotte durant les saisons feux et hors feux. Il a indiqué qu'actuellement, les contrats imposaient une disponibilité de 80 % le matin et de 95 % l'après-midi durant la saison des feux, et de respectivement 40 % et 60 % hors de cette saison. Il a souligné que la mission jugeait que ces niveaux étaient trop élevés par rapport à la réalité de l'utilisation de la flotte pendant la saison des feux (7 jours d'utilisation du potentiel de 95 % en 3 ans), mais également hors saison.
a alors jugé que ces deux propositions pourraient être approfondies et éventuellement mises en oeuvre, en 2008, lors de la négociation des prochains contrats.
Présentant la seconde hypothèse qui visait à dimensionner différemment la flotte, il a relevé que l'exercice s'avérait particulièrement délicat. Il a ajouté que deux impératifs, en partie contradictoires, devaient être pris en compte :
- d'une part, ne pas disposer d'une flotte « trop large », ce qui présenterait un coût disproportionné d'entretien par rapport aux besoins réels du territoire ;
- d'autre part, être en mesure de faire face aux années particulièrement risquées, comme 2003, ce qui nécessitait la disponibilité d'un grand nombre d'appareils.
Il a déclaré que cette réflexion était au centre du rapport de la mission d'audit et de modernisation, qui proposait de réduire la dimension de la flotte en prenant comme base de référence une « année moyenne », et de faire appel à des intervenants extérieurs pour les années exceptionnelles.
s'est montré circonspect sur cette démarche, pour trois séries de raison :
- le coût des solutions de remplacement serait élevé. En effet, compte tenu des délais, la location d'appareils supplémentaires dans des délais très contraints pouvait s'avérer onéreuse, et ce d'autant plus que les années difficiles l'étaient en général pour l'Europe entière ;
- la place des appareils loués dans le dispositif, selon le ministère de l'intérieur, serait délicate à mettre en oeuvre par la sécurité civile. Il n'était pas certain que des avions sur lesquels les pilotes seraient moins expérimentés seraient tout aussi efficaces et que le commandement central aurait la faculté de les utiliser à bon escient ;
- enfin, un impératif national : la sécurité des populations doit être assurée dans les meilleures conditions. Ainsi, il fallait se féliciter que la flotte ait été dimensionnée de manière large lors de la campagne 2003, cette situation pouvant vraisemblablement se reproduire.
Il a estimé qu'en conséquence on ne pouvait espérer réaliser de « grosses économies », à court terme du moins, mais qu'il fallait plutôt chercher à améliorer de manière progressive la gestion de la flotte.
a rappelé que sur cette optimisation de la gestion, l'idée de mettre en place des financements « innovants » avait été avancée au Sénat le 6 décembre 2005 par M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, lors de l'examen des crédits de la mission « Sécurité civile ». Celui-ci avait ainsi annoncé que le ministère étudiait le financement d'un Canadair par un crédit-bail, assorti d'une assurance. Un appel d'offres portant à la fois sur le financement et l'assurance de l'appareil avait donc été lancé et la procédure de marché avait été poursuivie jusqu'à son terme, mais elle n'avait toutefois pas été fructueuse, en raison principalement de l'appréciation réservée portée sur le risque par les opérateurs sur le marché des assurances aéronautiques. Il a constaté que l'opération avait donc, en définitive, été financée comme une acquisition budgétaire classique.
Il a indiqué que le ministère lui avait fait part de son souhait de réaliser d'autres tentatives pour diversifier les modes de financements, en tirant les leçons de cette expérience. Il a souligné, pour le futur, tout l'intérêt qu'il y aurait à chercher à optimiser les structures de financement de la flotte de sécurité civile.
a alors complété son exposé par quelques commentaires sur la mise en place de la LOLF. Il a rappelé que la commission des finances avait proposé la création d'une mission interministérielle « Ecologie et maîtrise des risques », qui aurait permis une meilleure articulation entre prévention des risques et gestion des crises. Il a noté que cette approche n'avait pas été retenue dans l'architecture définitive de la LOLF. Le gouvernement avait préféré regrouper dans la mission « Sécurité civile » les moyens du ministère de l'intérieur, et constituer un document de politique transversale (DPT) extrêmement large.
Il a précisé que cette architecture posait plusieurs types de problèmes. Tout d'abord, elle n'associait pas la logique de gestion et la logique de prévention des risques. Ensuite, la faible taille des deux programmes de la mission était pénalisante. Les possibilités d'amendement se trouvaient donc réduites de facto, de même que les redéploiements en cours d'exercice. Il s'est enfin étonné, lors de son contrôle sur place, de constater que le nouveau « bleu budgétaire » et donc le projet annuel de performances (PAP) n'avaient pas été transmis aux personnes les plus concernées par les indicateurs, à savoir les chefs de base. Ces derniers n'avaient été ni consultés ni informés sur les objectifs qu'ils devaient remplir et les indicateurs qu'ils devaient mesurer. Il a toutefois apprécié que le ministère se soit engagé à mieux communiquer sur ce thème.
En conclusion, M. Claude Haut, rapporteur spécial, a souhaité revenir sur deux points :
- en premier lieu, il a confirmé qu'il avait été rassuré sur l'état de la flotte et la qualité de la maintenance de même que, en règle générale, par l'implication des personnels, tout en reconnaissant que la meilleure technologie ne permettrait jamais d'atteindre le « risque zéro » dans une telle activité ;
- en second lieu, concernant les sources d'économie possible, il a constaté que la sécurité avait un coût qu'il ne pouvait pas juger disproportionné. Il a estimé que des marges de progression étaient cependant possibles, notamment sur la négociation des contrats de maintenance, la recherche de nouveaux moyens de financement des aéronefs, ou bien encore l'optimisation des plans de vol annuels.
Un débat s'est alors instauré.