Le code des marchés publics, qui est le cadre juridique dont dispose la puissance publique pour gérer sa politique d'achat, est structurant aux yeux de la FFP. Il permet de donner corps aux grands principes de la liberté d'accès au marché et de l'égalité de traitement. Cependant, il faut distinguer l'esprit des textes de leur application. C'est là que le bât blesse parfois car la lecture que chaque institution a des textes peut être laxiste ou au contraire limitative et formaliste, comme c'est plutôt le cas pour Pôle emploi.
En effet, cet établissement obéit à une logique très normative, notamment en ce qui concerne l'achat de prestations d'accompagnement, un peu moins pour l'achat de prestations de formation. Les cahiers des charges sont exagérément centrés sur les moyens et les procédures. Ils laissent peu de place à la différenciation, à la singularité et à la plus-value des offres des différents prestataires. Nous devons décrire nos locaux par le menu, les fiches CV de nos formateurs sont entièrement modélisées et la prestation attendue est définie au quart d'heure près. Parallèlement, la pondération entre la note technique et la note attribuée en fonction du prix a conduit à favoriser le moins-disant, en contradiction avec l'esprit du mieux-disant qui anime le code des marchés publics.
Par ailleurs, le marché des prestations de formation est l'un des seuls, dans l'univers de la commande publique, à être aussi fragile financièrement. Nous espérons que cette situation évoluera lors du prochain appel d'offres. Les prestataires dépendent des flux prescrits par Pôle emploi, or les flux minimum et maximum prévus par les contrats varient dans un écart de un à trois. Pôle emploi nous a posé de réels problèmes de flux, au mépris du contrat moral que nous avions passé avec l'institution. En outre, une part de notre rémunération, de l'ordre de 30 % à 40 %, varie en fonction du placement des stagiaires. La récession économique a remis en cause notre modèle économique initial et créé une insécurité financière pour un nombre important de nos structures.
Au moment de mener les actions de formation, l'application des procédures administratives a occasionné de nombreuses difficultés. J'ai en effet l'impression de consacrer davantage de temps à rapporter nos actions qu'à les réaliser effectivement. Par exemple, une prestation de trois mois donne lieu à trois comptes rendus écrits. En outre, la gestion calendaire des signatures est kafkaïenne. Nous devons saisir les données sur deux systèmes d'information distincts. J'ai constaté qu'une prestation de trois mois peut nécessiter quatorze ou quinze procédures administratives différentes. Enfin, les preuves d'emploi sont gérées de façon très pointilleuse, ce qui complique le versement de notre part de rémunération variable. Pour caricaturer, nous avons l'impression que Pôle emploi n'a pas délégué ses services mais les a simplement externalisés.
En décembre 2010, la FFP et Pôle emploi ont signé une charte de coopération, qui repose sur le principe suivant : associer le stagiaire à la « production » de la formation. Cette charte vise à appliquer ce principe au stade de l'élaboration de la demande de formation, aussi bien qu'à celui de sa mise en oeuvre. Nous devons adopter une logique de co-construction avec Pôle emploi et dialoguer en permanence avec lui afin d'améliorer le service rendu. Cependant, dresser un bilan serait prématuré. Notre objectif est l'appropriation et la déclinaison locale de cette charte par les instances régionales de Pôle emploi et de la FFP. Les directions régionales de Pôle emploi semblent plutôt séduites par cette démarche.
En ce qui concerne la coordination entre Pôle emploi, les conseils régionaux et les branches professionnelles, il est difficile d'apporter une appréciation globale en raison des disparités qui existent entre les régions. Aussi, nous devrions peut-être plutôt nous demander si l'organisation actuelle favorise une coordination régionale efficace. Nous en doutons car chaque institution a sa propre légitimité qui découle de la nature de ses financements. Pôle emploi gère des financements nationaux, qui sont déconcentrés au niveau régional, tandis que les lois relatives à la décentralisation ont consacré l'autonomie des régions en matière de gestion des fonds de la formation. Les branches, quant à elles, sont financées par des fonds privés et obéissent à une logique sectorielle et non territoriale. Si l'espace régional représente, selon nous, le niveau d'intervention le plus adéquat, le fait régional n'existe pas encore. De plus, comme les acteurs sont concentrés sur l'élaboration des contrats de plan régionaux de développement de la formation professionnelle (CPRDFP), qui doivent être achevés d'ici le 30 juin, nous manquons de temps pour discuter de notre nécessaire coordination.