a relevé que la proposition de loi visant à « réguler la concentration dans les médias » avait en réalité un objet différent de son intitulé. Elle a en fait pour objectif de renforcer le pluralisme des médias en fixant de nouvelles conditions applicables à la délivrance des autorisations relatives aux services de radio et de télévision et en créant de nouvelles incompatibilités pour la détention de titres de presse.
S'agissant de la télévision et de la radio, M. Michel Thiollière, rapporteur, a rappelé que de très nombreux articles de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication fixaient le cadre légal du contrôle des opérations de concentration dans le secteur des médias.
Son article 41 prévoit ainsi qu'une même personne peut être titulaire, directement ou indirectement, d'un nombre maximal de sept autorisations relatives chacune à un service ou programme national de télévision autre que la télévision mobile personnelle. Concrètement, sur la télévision numérique terrestre (TNT), de très nombreuses entreprises propriétaires de chaînes sont ainsi représentées.
Par ailleurs, les articles 39, 40, 40-1 et 40-2 fixent des règles très précises en matière de concentration sur un seul média ou sur plusieurs médias, les règles étant différentes pour la télévision, s'il s'agit de diffusion hertzienne ou non hertzienne.
Ces articles figurent dans des lois soumises au Conseil constitutionnel qui les a systématiquement et scrupuleusement examinées et qui a estimé qu'elles respectaient l'exigence de pluralisme, depuis longtemps reconnue comme étant un objectif à valeur constitutionnelle.
Cette jurisprudence continue a par ailleurs fortement inspiré le législateur en 2008, qui a inscrit le principe du pluralisme dans les articles 4 et 34 de la Constitution.
a souligné que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) était doté de pouvoirs non négligeables afin de veiller au respect de ces différents principes. Ainsi, l'article 19 de la loi du 30 septembre 1986, renforcé par la loi du 1er août 2000, précise la nature des informations que l'autorité de régulation est habilitée à solliciter, tant auprès des opérateurs que des administrations concernées, sans notamment que puisse lui être opposé le secret des affaires. Cette obligation d'information du Conseil concerne l'ensemble des éditeurs de services (notamment les éditeurs de services conventionnés diffusés par câble ou par satellite), ainsi que les distributeurs de services (câblo-opérateurs et opérateurs de bouquets satellitaires) et les actionnaires des sociétés éditant ou distribuant des services d'information. Il est précisé que toutes les informations sur les marchés publics et délégations de service public pour l'attribution desquels ces personnes ou une société qu'elles contrôlent ont présenté une offre doivent être fournies au CSA sur demande.
Par ailleurs, le CSA est tenu d'assurer, d'une manière générale, le respect du principe du pluralisme a posteriori, et se montre particulièrement scrupuleux dans ce type de contrôle à travers les recommandations qu'il édicte auprès des chaînes de télévision et de radio.
Lors de ses décisions d'attribution de fréquences terrestres, le CSA se réfère régulièrement à ce principe. Selon l'opinion générale, la répartition des fréquences de la TNT a permis que plusieurs groupes ou forces économiques puissent obtenir des canaux de diffusion, afin qu'un équilibre soit atteint. En ce qui concerne la radio numérique terrestre, M. Rachid Ahrab est venu expliquer récemment devant la commission dans quelle mesure le principe de préservation du pluralisme des courants d'expression avait présidé à l'attribution de ces fréquences.
En outre, le CSA exerce un pouvoir fort de régulateur sur les chaînes hertziennes en matière de campagnes électorales.
a indiqué que le texte de la proposition de loi prévoit qu'une société qui, d'une manière ou d'une autre, dépend de la commande publique, ou possède plus de 1 % d'une société dépendant de la commande publique, ne peut pas recevoir d'autorisation d'émission.
Dans ces conditions, sans que l'on puisse réellement distinguer qui cette disposition pourrait concerner, il apparaît que ni TF1, ni probablement Canal +, ni Direct 8, ni Gulli, ni quasiment aucune chaîne de télévision locale ne pourrait obtenir de nouvelle autorisation d'émettre.
S'il n'est pas rétroactif, le dispositif prévu par la proposition de loi empêcherait de très nombreux groupes français d'obtenir, par exemple, une autorisation en télévision mobile personnelle ou de racheter une chaîne dont l'existence économique serait menacée. En conséquence, des opérateurs audiovisuels tels que TF1, Canal + ou Orange se verraient dans l'impossibilité d'être présents sur la TNT.
s'est dès lors inquiété des conséquences concrètes qu'emporterait l'adoption de telles dispositions : les chaînes de télévision deviendraient de plus en plus, en effet, la propriété de grands annonceurs qui ne dépendent pas de la commande publique, notamment des enseignes de la grande distribution, des géants de l'agro-alimentaire ou encore des entreprises étrangères, dans la mesure où des investissements substantiels sont nécessaires pour faire fonctionner une chaîne de télévision ou une station de radio.
Ainsi, à un moment où les Français ont ou vont avoir accès à une offre audiovisuelle gratuite extrêmement large, avec 18 chaînes de la TNT qui appartiennent souvent à des groupes de presse très professionnels, la proposition de loi viendrait bouleverser le modèle économique de la télévision française, sans que l'on identifie bien le bénéfice que cela pourrait apporter au pluralisme ou à l'indépendance des médias.
Estimant que sur ce sujet la proposition de loi a principalement pour effet d'utiliser « un marteau pour écraser une mouche », M. Michel Thiollière, rapporteur, a estimé nécessaire de faire confiance au professionnalisme des journalistes de radio et de télévision pour produire une information et des contenus fiables et pertinents, et au régulateur pour garantir la liberté d'expression et le pluralisme de l'information. Il a souligné, par ailleurs, qu'en disposant de plus de six journaux télévisés, le citoyen se voyait déjà offrir la possibilité, probablement plus que jamais, de mener une réflexion construite et libre.
S'agissant de l'encadrement et de la clarification des liens entre la puissance publique et le secteur de la presse, qui font l'objet de l'article 2 de la proposition de loi, M. Michel Thiollière, rapporteur, a souhaité se référer à la teneur des débats du pôle « Presse et société » des états généraux de la presse écrite qui se sont déroulés à l'automne dernier.
Son groupe « Confiance » a notamment conclu que « les efforts de rétablissement de la confiance doivent passer par une réflexion et une action propres au secteur de la presse et ne pas impliquer les pouvoirs publics ». Il a dès lors estimé que ces efforts devaient reposer principalement sur un renforcement de l'information accessible au grand public sur l'actionnariat des entreprises de presse, dans une démarche de transparence accrue, et sur un respect par la profession de règles déontologiques fondamentales.
Pour sa part, le groupe « Pluralisme, concentration et développement » s'est penché sur la question du degré souhaitable de concentration dans le secteur de la presse écrite afin de concilier au mieux l'exigence de pluralisme des courants d'expression et la nécessité de remédier à la sous-capitalisation chronique du secteur de la presse. Il a alors jugé que le dispositif anti-concentration résultant des lois du 30 septembre 1986 et du 1er août 2000 n'appelait pas de modification substantielle par voie législative.
En d'autres termes, sans qu'il soit nécessaire de modifier le dispositif anti-concentration existant, la profession a conclu que la clé du rétablissement d'une relation de confiance entre la presse et ses lecteurs était à trouver dans une transparence financière renforcée des entreprises de presse.
Dans le sens de ces recommandations, M. Michel Thiollière, rapporteur, a considéré que la réflexion sur la détention de titres de presse par des groupes extérieurs aux médias, dont certains dépendent de la commande publique, ne doit pas conduire à imposer une présomption irréfragable d'incompatibilité entre la passation de marchés publics et la qualité de propriétaire d'une entreprise de médias.
Il a rappelé, à ce titre, que l'indépendance éditoriale des titres de presse est principalement l'affaire des rédactions. Elle est conditionnée par l'étendue et l'effectivité des garanties dont jouissent les journalistes dans le libre exercice de leur métier.
En conséquence, M. Michel Thiollière, rapporteur, a estimé préférable d'attendre des différents groupes de médias qu'ils renforcent leur transparence financière et les exigences déontologiques garantissant l'indépendance de leurs rédactions, plutôt que d'introduire une incompatibilité générale et systématique entre la détention d'une entreprise de média et l'exercice d'une activité alimentée par la commande publique, au risque du reste de ne pas respecter le principe de proportionnalité du droit communautaire.
En conclusion, M. Michel Thiollière, rapporteur, a proposé à la commission de rejeter les deux articles de la proposition de loi.