Intervention de Claudine Blum-Boisgard

Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé — Réunion du 17 mai 2006 : 1ère réunion
Santé — Politique vaccinale - présentation de l'étude de faisabilité

Claudine Blum-Boisgard, membre du comité d'experts :

a indiqué que, par le passé, l'espoir de faire disparaître les maladies infectieuses résidait dans le développement des vaccinations et des antibiotiques. Or, les pathologies infectieuses persistent et se renouvellent aujourd'hui de manière inquiétante : le retour de la tuberculose, les épidémies persistantes de sida et d'hépatites, la menace de grippe aviaire, l'épidémie de chikungunya n'en sont que les exemples les plus emblématiques. Les programmes de vaccination gardent donc encore une place de choix dans la politique de santé publique, ainsi que le dispose la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

Pourtant, on constate que les usagers, très exigeants sur la sécurité des vaccins et par ailleurs très inquiets des risques émergeants, manifestent une certaine désaffection et un manque de confiance vis-à-vis des vaccinations prévues par le calendrier vaccinal.

a précisé que le vaccin est une préparation antagonique dont l'inoculation est capable d'apporter une protection immunitaire active contre l'agression des virus ou des bactéries responsables de la maladie. Les plus récents sont désormais issus des biotechnologies.

La vaccination poursuit habituellement un double objectif : protéger l'individu pour lequel elle constitue un médicament préventif individuel et, dans un second temps, faire de l'individu vacciné l'un des éléments de l'immunité générale en limitant le nombre de personnes susceptibles de transmettre une maladie.

La politique vaccinale est, par nature, évolutive, dans la mesure où elle doit tenir compte de l'épidémiologie des maladies infectieuses en France et à l'étranger, des avancées de la recherche, des recommandations internationales, de l'évaluation du rapport bénéfices-risques des vaccins et des études coût-efficacité de la vaccination et de l'organisation du système de soins et de prévention.

La politique de vaccination s'appuie, en conséquence, sur les recommandations du comité technique des vaccinations placé auprès du ministre de la santé, qui fixe chaque année le calendrier vaccinal applicable aux personnes résidant en France en fonction de leur âge ou de certaines circonstances (professions, voyages). Une fois approuvé par le Conseil supérieur de l'hygiène publique, le calendrier est publié au Journal Officiel. Douze maladies bénéficient, à ce titre, d'une vaccination obligatoire ou recommandée.

a ensuite expliqué les trois phases du développement et de la production des vaccins.

La première phase est industrielle. Elle correspond à la recherche et à la mise au point de vaccins sûrs et efficaces par les firmes pharmaceutiques et se termine par les expertises permettant d'obtenir les autorisations de mise sur le marché (AMM) auprès des agences nationales ou européennes. Au cours de la deuxième phase s'élabore la stratégie vaccinale à partir des travaux menés par les industriels et des décisions des autorités sanitaires. Enfin, pendant la troisième phase, les vaccins sont fabriqués massivement. En France, six laboratoires pharmaceutiques en sont producteurs, Sanofi-Pasteur et GSK en tête.

Depuis 1998, les vaccins peuvent relever d'une AMM centralisée au niveau de l'agence européenne du médicament (EMEA) - cette procédure est obligatoire si le vaccin est issu des biotechnologies - ou d'une procédure de reconnaissance mutuelle.

Dans le cadre de la politique vaccinale, l'Etat est chargé des décisions concernant le prix du vaccin et son remboursement par l'assurance maladie obligatoire, ainsi que de la diffusion des recommandations et de la promotion des vaccinations au travers de l'Institut national pour la prévention et l'éducation pour la santé (Inpes) et des différents opérateurs concernés (caisses d'assurance maladie, éducation nationale, conseils généraux, etc.).

Il a également la charge d'organiser l'accessibilité aux vaccins pour l'ensemble de la population. En France, le choix a été fait de confier la pratique de la vaccination aux médecins libéraux, généralistes et spécialistes, essentiellement les pédiatres. La protection maternelle et infantile (PMI) des départements, les services de promotion de la santé en milieu scolaire et les médecins du travail concourent aussi à sa réalisation.

L'Etat doit enfin superviser les réalisations pratiques, suivre les résultats en termes de couverture (certificats de santé), d'efficacité (données épidémiologiques) et d'effets secondaires (surveillance par la vaccino-vigilance). Il délègue toutefois ces missions aux agences sanitaires : l'Institut de veille sanitaire (InVS) pour la surveillance épidémiologique et l'Agence française de la sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) pour le suivi des incidents et des accidents.

Après avoir dressé l'état des lieux de la politique vaccinale, Mme Claudine Blum-Boisgard a considéré que son évaluation relève naturellement du champ de l'Opeps, dans la mesure où la politique vaccinale constitue l'archétype de la politique de santé qui, au delà du programme et des stratégies, met en cohérence législation, services et institutions.

Deux champs d'investigation s'offrent à l'Opeps pour cette étude, correspondant chacun à des objectifs, des méthodes et des interlocuteurs très différents :

- l'évaluation du processus d'élaboration du calendrier vaccinal, de la mise en oeuvre de la politique et de son suivi. Ce type d'évaluation ne pose pas de problème conceptuel, ni méthodologique ; il s'agit d'une démarche classique d'évaluation d'un programme de santé (description des processus, des moyens, des résultats, des coûts, etc.) en vue de son amélioration ;

- l'évaluation de la politique de production de vaccins contre les risques sanitaires émergeants. Il s'agit d'un sujet plus délicat en raison du contexte de crise qui résulte de l'épidémie de chikungunya à la Réunion et de la menace de la grippe aviaire. Ce domaine concerne la gestion des crises sanitaires et l'adéquation de la politique industrielle aux besoins. L'Opeps pourrait ainsi évaluer les processus de décision en situation de crise et la politique de recherche et de développement industriel au regard de l'intérêt de la santé publique, mais aussi s'intéresser aux capacités de veille et d'innovation des firmes et à leur capacité de production.

a estimé que, plus globalement, l'étude de l'Opeps ne pourra faire l'économie d'un certain nombre de questions : l'intérêt de l'obligation vaccinale, la réactivité du processus à l'introduction d'un nouveau vaccin dans le calendrier (par exemple, l'anticipation à l'arrivée du vaccin contre les rota-virus), les raisons de la désaffection des patients, le développement nécessaire des études post AMM qui éviteraient les impasses méthodologiques lorsque surviennent des incidents (exemple de la vaccination contre l'hépatite B), le problème des évaluations séro-épidémiologiques entravées par la décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) d'interdire l'utilisation des sérums restants sans l'accord explicite de son propriétaire, la qualité de la formation des médecins libéraux dans le domaine de la vaccination, la concertation Etat-Industrie et le soutien à la recherche.

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