Intervention de Philippe Dallier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 30 mai 2007 : 1ère réunion
Contrôle budgétaire — Politique de la ville - rôle des délégués de l'etat - communication

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier, rapporteur spécial :

a tout d'abord rappelé les circonstances qui l'avaient amené à engager un contrôle sur le sujet des délégués de l'Etat. Lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2007, il s'était interrogé sur le crédit d'1 million d'euros inscrit sur la mission « Ville et logement » au titre de l'indemnisation des délégués de l'Etat, fonctionnaires choisis par les préfets pour animer la politique de la ville et les réseaux de services publics locaux dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il lui avait alors semblé « surprenant » que ce dispositif soit absent de plusieurs départements pourtant emblématiques de la politique de la ville, comme le Nord ou la Seine-Saint-Denis.

Il a indiqué que des éléments de réponse avaient été apportés par Mme Catherine Vautrin, alors ministre déléguée à la cohésion sociale, qui avait également pris des engagements pour augmenter l'effectif des délégués de deux cent quarante-sept à deux cent soixante-dix pour 2007, généraliser ces délégués dans chacun des quartiers ou territoires les plus en difficulté, et diffuser, dans les meilleurs délais, une circulaire afin de préciser leur rôle et leurs conditions d'intervention.

a indiqué que, dans le cadre du contrôle budgétaire qu'il avait engagé sur la base de l'article 57 de la LOLF, il avait souhaité établir un état des lieux de la répartition des délégués de l'Etat entre les différents départements, apprécier le coût réel de leur régime indemnitaire et mesurer, sur le terrain, la réalité de leurs missions. Il a précisé qu'il s'était rendu dans trois départements, pour y constater, en rencontrant l'ensemble des délégués du département et les membres du corps préfectoral, que les pratiques divergeaient très sensiblement : le Rhône, berceau des délégués de l'Etat, où l'équipe des délégués fait preuve d'une très forte cohésion, les Yvelines, exemple d'application de ce dispositif pour la région Ile-de-France et les Alpes-Maritimes, où l'équipe de délégués est en voie d'être « réanimée ».

Il a indiqué qu'à l'issue de ces déplacements et des auditions auxquelles il avait procédé, trois questions s'étaient posées :

- le dispositif des délégués de l'Etat, au vu de l'utilité qu'il présente, mérite-t-il d'être généralisé à l'ensemble des départements, ou doit-on considérer qu'il n'apporte pas de réelle plus-value dans l'animation de la politique de la ville, ce qui imposerait sa suppression ?

- cette fonction peut-elle continuer d'être exercée selon les principes du volontariat et du temps partiel, ou doit-on s'orienter vers une professionnalisation ?

- enfin, comment éviter qu'une décision de généraliser les délégués, au moins dans les quartiers les plus difficiles, ne se limite pas à une simple déclaration d'intention, non suivie d'effet ?

a ensuite présenté le contexte de la création des délégués de l'Etat, expérimentée en 1991 dans le département du Rhône, à l'initiative du préfet Paul Bernard. Il a précisé que cette expérience avait consisté à désigner, dans les communes concernées par la politique de la ville, des fonctionnaires de l'Etat, appartenant à tous les services déconcentrés, afin d'exercer une mission de représentation de l'Etat dans les quartiers en vue de remplir trois objectifs :

- assurer, dans les quartiers, la coordination de l'action de tous les services déconcentrés participant à la politique de la ville afin que « l'Etat parle d'une seule voix » ;

- jouer un rôle de médiateur actif, d'une part entre les différents services de l'Etat, et, d'autre part, entre l'Etat et les collectivités territoriales ;

- grâce à une présence régulière sur le quartier, être un relais pour faire circuler l'information du quartier vers la préfecture et inversement.

Il a observé que, dès ses débuts, la réussite du dispositif avait nécessité la réunion de plusieurs conditions, dont le recrutement sur la base du volontariat, l'absence d'obstacles opposés aux candidats de la part de leur hiérarchie, un effectif minimum de délégués dans un même département afin de développer des synergies et la mise en commun de connaissances, l'organisation de réunions régulières auprès du préfet chargé de la ville, une grande diversité des recrutements et, enfin, des moyens adaptés en termes de décharge de travail et de formation aux procédures et enjeux de la politique de la ville.

Rappelant que cette expérience initiale s'était révélée concluante, il a observé que les gouvernements successifs avaient décidé, à trois reprises, de la généraliser à l'ensemble du territoire, en premier lieu, dans le cadre du pacte de relance pour la ville présenté en janvier 1996, puis lors d'un Comité interministériel des villes (CIV), le 14 décembre 1999 et par un second Comité interministériel des villes et du développement social urbain, réuni le 9 mars 2006.

a souligné que, malgré ces décisions, le dispositif restait cantonné à un nombre limité de départements et que la répartition des effectifs des délégués n'était proportionnelle ni au nombre des zones urbaines sensibles (ZUS), ni à celui des contrats de ville ou des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS).

Il a précisé que l'évolution du nombre des délégués de l'Etat, depuis 2005, faisait apparaître une stagnation de l'effectif total, et une prépondérance de quelques départements, dont le Rhône, les Bouches-du-Rhône, l'Essonne, l'Isère et les Alpes-Maritimes.

Il a fait observer que certains départements enregistraient une diminution, voire une disparition, des équipes de délégués, comme les Yvelines ou la Moselle.

Il a regretté, à cet égard, que la mise en place des CUCS, qui aurait pu permettre de relancer le dispositif des délégués, ait été une « occasion manquée ». Ainsi, les principes et le calendrier de la mise en oeuvre des CUCS avaient été fixés par une circulaire du 24 mai 2006 qui invitait explicitement les préfets à s'appuyer sur le réseau de délégués de l'Etat. Cependant, malgré les consignes données, la délégation interministérielle à la ville (DIV) n'a pas eu la capacité de conduire les départements qui n'utilisaient pas les délégués à constituer une équipe à l'occasion de l'élaboration des CUCS.

Il a considéré que cette situation était symptomatique des difficultés d'application de la politique interministérielle de la ville, qui se heurte aux résistances des modes d'administration traditionnels et à un manque certain d'impulsion et de suivi.

S'agissant du coût du dispositif, il a précisé que les dépenses liées aux délégués de l'Etat étaient constituées exclusivement des indemnités de vacation accordées en application d'un décret de 1992. Notant qu'à la suite du CIV de 1999 qui l'avait jugée insuffisante, cette indemnisation avait été doublée en 2002, il a observé que certains des délégués avaient tenu à préciser qu'ils n'avaient pas été demandeurs de cette revalorisation.

a ensuite noté que depuis 2003, les dépenses réelles d'indemnisation n'avaient jamais atteint les prévisions et que les crédits prévus pour 2007, soit 1 million d'euros, étaient identiques à ceux prévus pour 2006, malgré l'objectif affiché de généralisation.

Il a considéré que cette gestion « tranquille » des crédits budgétaires, qui a permis à la DIV de « récupérer », en 2006, près de 400.000 euros de crédits pour financer le paiement de vacataires ou d'indemnités de stagiaires, pourrait être rendue plus délicate si les orientations du CIV de 2006 étaient finalement appliquées. Dans ces circonstances, en effet, la DIV serait amenée, soit à solliciter des crédits en forte augmentation, soit à procéder à une révision de la carte des délégués en opposant des refus aux demandes présentées par des départements non prioritaires.

S'agissant des modes de fonctionnement des équipes de délégués, il a souligné leur grande diversité selon les départements, illustrant ce point par l'exemple de la fréquence des réunions de l'équipe des délégués autour du préfet délégué ou du sous-préfet « Ville », qui varie d'un rythme hebdomadaire dans le Rhône à un rythme bimestriel dans les Alpes-Maritimes.

a ensuite insisté sur l'influence de la concurrence d'intérêt et d'organisation entre préfets d'arrondissements et préfets « Ville », qui peut exister dans certains départements, et sur le fait que certains services déconcentrés semblent parfois faire preuve d'une grande réticence à laisser leurs agents participer aux équipes de délégués de l'Etat.

Il a regretté, enfin, une certaine impuissance de la délégation interministérielle à la ville dans le suivi des décisions des CIV et, de manière générale, les faiblesses de l'interministérialité au niveau central, qui sont particulièrement sensibles dans le cas de la politique de la ville.

Il a ensuite exprimé la conviction que la désignation de fonctionnaires des services déconcentrés, dans les quartiers, comme « délégués de l'Etat », était une mesure positive, à même de renforcer l'efficacité de la politique de la ville, et qu'elle présentait un triple intérêt :

- les fonctionnaires sont d'abord les correspondants de proximité, les « informateurs » et les « facilitateurs » des élus, des chefs de projets et des associations, et ils jouent le rôle de « porte d'entrée unique » pour tous les dispositifs de la politique de la ville ;

- les délégués de l'Etat sont également un instrument de connaissance des quartiers pour les autorités préfectorales ;

- enfin, ils participent à la diffusion d'une culture « ville » dans les administrations chargées de gérer les politiques de droit commun.

Il a donc considéré que la formule, expérimentée en 1991, de fonctionnaires volontaires et à temps partiel, méritait d'être effectivement généralisée mais, en priorité, dans les départements les plus concernés de la politique de la ville. Il a rappelé que l'engagement des préfets, des sous-préfets chargés de la politique de la ville et des chefs de services était déterminant dans la réussite de ce dispositif et qu'il était nécessaire que les ministres de tutelle réaffirment la volonté exprimée au niveau gouvernemental auprès de leurs administrations.

Il a estimé également que cette extension devait s'effectuer sous conditions d'un contrôle renforcé et d'une harmonisation des pratiques par la délégation interministérielle à la ville, et considéré qu'une meilleure identification et une valorisation de la fonction de délégué permettraient de susciter de nouvelles candidatures.

Au terme de son contrôle, et afin qu'il soit pleinement opérationnel, il a fait état d'un certain nombre de ses préconisations, parmi lesquelles il a cité :

- la diffusion par la délégation interministérielle à la ville d'un « Guide du délégué de l'Etat » afin d'harmoniser le fonctionnement des équipes de délégués de l'Etat, notamment sur les réunions régulières des délégués ou les lettres de mission qui leur sont données ;

- l'association systématique des délégués aux instances locales en lien avec la politique de la ville, comme les réunions de programmation, ou les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) ;

- les rencontres ou échanges interdépartementaux de délégués de l'Etat, afin de mettre en commun les bonnes pratiques des différents départements ;

- la présentation systématique des délégués, par les préfets, auprès des élus locaux et des équipes opérationnelles de projets ;

- la valorisation des fonctions exercées comme délégué de l'Etat dans le déroulement des carrières ;

- la garantie apportée à chaque délégué de bénéficier d'une formation à la politique de la ville ;

- l'ouverture plus large du recrutement des délégués auprès notamment des caisses d'allocations familiales (CAF) et des chambres de commerce et de métiers.

En conclusion, il a exprimé sa conviction que les délégués de l'Etat pouvaient être un instrument efficace d'une meilleure performance de l'intervention de l'Etat.

Un large débat s'est alors instauré.

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