Intervention de Catherine Procaccia

Commission des affaires sociales — Réunion du 11 janvier 2007 : 1ère réunion
Syndicats — Modernisation du dialogue social - examen du rapport

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia, rapporteur :

a souligné que le projet de loi de modernisation du dialogue social marque, en dépit de sa brièveté, une étape importante de l'histoire des relations sociales dans notre pays.

Pour autant, ce texte ne peut être considéré comme une réponse à la crise du contrat première embauche (CPE), puisque le Premier ministre a lancé dès décembre 2005 le processus qui a abouti à son élaboration : il a d'abord demandé à Dominique-Jean Chertier, ancien conseiller social de Jean-Pierre Raffarin, de faire des propositions sur les moyens d'améliorer le dialogue entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, puis a procédé à plusieurs séries d'entretiens bilatéraux avec les organisations syndicales et professionnelles, avant de consulter la commission nationale de la négociation collective en novembre 2006.

La réforme vise à améliorer le dialogue entre le Gouvernement et les partenaires sociaux sur l'élaboration des réformes touchant au droit du travail, pour sortir de la logique du conflit qui a trop longtemps prévalu en France.

Aujourd'hui peu organisée, la concertation préalable à l'adoption de ces réformes est de qualité et de portée très variables selon les dossiers. Il arrive que les partenaires sociaux soient étroitement associés à leur conception ; le législateur renvoie même parfois à la négociation collective le soin de définir les contours de la réforme, avant de reprendre les termes de l'accord ainsi conclu. Ce fut le cas pour élaborer la convention de reclassement personnalisé en 2005 ou le plan pour l'emploi des seniors en 2006. Mais il arrive aussi, comme la crise du CPE l'a montré, que les pouvoirs publics, dans un souci de rapidité, choisissent d'agir seuls et négligent complètement la phase de concertation.

a indiqué que le projet de loi tend donc à généraliser les meilleures pratiques, en formalisant et en systématisant la concertation avec les partenaires sociaux. Il repose sur le triptyque suivant : concertation, consultation et information.

Concertation tout d'abord. Le texte prévoit que toute réforme touchant aux relations du travail, à l'emploi ou à la formation professionnelle, fera obligatoirement l'objet d'une concertation avec les organisations patronales et syndicales, en vue de l'ouverture d'une négociation nationale interprofessionnelle. Cette phase de concertation s'appuiera sur un document d'orientation remis par le Gouvernement aux partenaires sociaux et présentant des éléments de diagnostic, les orientations poursuivies et les principales options. Les partenaires sociaux, s'ils le souhaitent, pourront informer le Gouvernement de leur intention d'engager une négociation, en indiquant le délai qu'ils jugent nécessaire pour la mener à bien.

Le Gouvernement pourra cependant se dispenser d'appliquer cette procédure en cas d'urgence. Pour mieux encadrer cette dérogation, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui impose au Gouvernement de motiver sa décision de déclarer l'urgence et d'en informer les partenaires sociaux. L'urgence ne devrait être utilisée que dans des cas exceptionnels comme une crise sanitaire, par exemple.

Consultation ensuite. Le projet de loi prévoit que le Gouvernement devra soumettre aux différentes instances du dialogue social - commission nationale de la négociation collective, comité supérieur de l'emploi et conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie - les projets de loi et de décret élaborés au vu des résultats de la concertation et de la négociation. Les partenaires sociaux, qui siègent dans ces structures, auront ainsi l'occasion d'exprimer leur point de vue et pourront notamment faire part de leur désapprobation si le texte présenté par le Gouvernement s'éloigne sensiblement de l'accord qu'ils auront préalablement conclu.

Information enfin. Le projet de loi institue un rendez-vous annuel d'échanges entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, dans le cadre de la commission nationale de la négociation collective. Le Gouvernement devra présenter les orientations de sa politique en matière de travail, d'emploi et de formation professionnelle, ainsi que le calendrier des réformes envisagées. Les partenaires sociaux présenteront, quant à eux, l'état d'avancement des négociations interprofessionnelles en cours et le calendrier de celles qu'ils entendent engager.

Cette réunion annuelle s'inspire de l'idée « d'agenda partagé » contenue dans le rapport Chertier. Un rapport sera remis chaque année au Parlement pour l'informer des procédures de concertation et de consultation effectuées dans l'année écoulée.

a estimé que le succès de la réforme du dialogue social suppose un changement des pratiques.

Le projet de loi ne modifie bien sûr en rien les prérogatives constitutionnelles du Gouvernement et du Parlement : le Gouvernement n'est pas tenu de reprendre intégralement le contenu de l'accord des partenaires sociaux et les parlementaires conservent la plénitude de leur pouvoir d'amendement. Dans ces conditions, un équilibre devra être trouvé entre le nécessaire respect du compromis négocié par les partenaires sociaux, sans quoi le renvoi à la négociation aurait peu d'utilité, et le respect de la volonté du Gouvernement et du Parlement, dont l'approche est complémentaire de celle des organisations représentatives.

Elle a ensuite reconnu qu'il sera juridiquement assez simple de contourner la nouvelle procédure de concertation : dans la mesure où elle ne s'applique pas aux propositions d'origine parlementaire, le Gouvernement pourrait être tenté de gagner du temps en chargeant un parlementaire de déposer une proposition de loi qui serait en réalité d'origine gouvernementale. Le ministre délégué au travail, à l'emploi et à l'insertion professionnelle des jeunes, Gérard Larcher, a cependant indiqué ne pas craindre de telles dérives, qui seraient contraires à l'esprit de la réforme.

Concernant les lois de transposition des directives communautaires, deux situations sont envisageables : si la directive laisse une marge d'appréciation aux Etats membres, la loi de transposition sera bien constitutive d'une réforme au sens de la loi et sera soumise à concertation ; si elle est au contraire très précise, la loi de transposition sera une simple mesure d'adaptation du droit national au droit communautaire et la concertation ne s'imposera pas.

Enfin, Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a fait observer que le projet de loi n'encadre la négociation des partenaires sociaux d'aucun délai et que l'on ne peut donc totalement écarter le risque de manoeuvres dilatoires de la part de certaines organisations qui pourraient être tentées de ralentir les discussions dans l'espoir « d'enterrer » une réforme.

Elle a déclaré s'être interrogée sur l'opportunité d'enserrer la procédure dans des délais plus stricts, mais y avoir finalement renoncé, dans la mesure où il paraît impossible de déterminer a priori ce que doit être la durée maximale d'une négociation. Elle a préféré s'en remettre, sur ce point, à l'esprit de responsabilité de l'ensemble des acteurs, qui auront certainement à coeur de négocier de bonne foi, ne serait-ce que pour éviter que le rôle nouveau qui leur est reconnu dans l'élaboration des normes ne leur soit retiré.

Elle a ajouté que le Gouvernement conservera in fine la maîtrise du calendrier puisqu'il pourra toujours couper court à une négociation qui s'éterniserait en présentant un projet de loi devant le Parlement.

En conclusion, Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a souligné que l'adoption de la réforme du dialogue social suscite la réflexion sur plusieurs sujets qui lui sont intimement liés :

- en premier lieu, le renforcement du dialogue social pose la question de la légitimité et de la représentativité de ses acteurs ; s'il est prématuré de trancher dès aujourd'hui le débat sur la représentativité syndicale, cette question devrait constituer l'une des premières applications de la loi de modernisation du dialogue social ;

- le rapport Chertier préconise ensuite, à juste titre, de rationaliser les nombreuses instances de consultation ou d'expertise qui se sont multipliées dans le domaine social ; un examen approfondi des activités et du rôle de chacune de ces structures s'impose au préalable ;

- enfin, la réforme du dialogue social invite à réfléchir sur le mode de fonctionnement du Parlement pour l'examen des réformes touchant au code du travail ; si les parlementaires veulent être en mesure de consulter eux aussi les partenaires sociaux, il est indispensable que les commissions des affaires sociales disposent d'un délai suffisant avant le passage des textes en séance publique ; on pourrait également imaginer qu'un délai minimum soit prévu entre le dépôt des amendements extérieurs et leur examen par la commission, afin que les organisations représentatives puissent faire connaître leur point de vue. Apporter de telles garanties implique toutefois une réforme de la Constitution et du Règlement des assemblées qui ne peut être mise en oeuvre à court terme.

La réforme du dialogue social ici proposée ne constitue donc, vraisemblablement, que la première étape d'une transformation plus vaste du système de relations sociales. Le projet de loi présentant, en l'état, un équilibre satisfaisant, Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a invité la commission à l'adopter dans la rédaction transmise par l'Assemblée nationale.

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