Intervention de Gérard Larcher

Mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante — Réunion du 22 juin 2005 : 1ère réunion
Audition de M. Gérard Larcher ministre délégué à l'emploi au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes et de M. Jean-Denis Combrexelle directeur des relations du travail

Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes :

La mission a enfin procédé à l'audition de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes et de M. Jean-Denis Combrexelle, directeur des relations du travail.

a tout d'abord souligné à quel point le dossier de l'amiante était sensible au plan humain, difficile au plan technique et exigeant au plan financier. Il a indiqué que 35.000 décès, entre 1965 et 1995, étaient imputables à l'amiante et que l'on anticipait 60.000 à 100.000 décès supplémentaires dans les vingt-cinq prochaines années. En 2004, 1,13 milliard d'euros ont été consacrés à l'indemnisation des victimes. Au niveau international, l'Organisation internationale du travail (OIT) estime que 100.000 personnes meurent chaque année, dans le monde, à cause de l'amiante.

Puis M. Gérard Larcher s'est interrogé sur les raisons de ce drame sanitaire. Sans retracer toute l'évolution de la réglementation, il a cependant rappelé que le décret du 17 août 1977 avait posé les premières règles en matière de protection des salariés et que les valeurs limites d'exposition professionnelle avaient ensuite été progressivement abaissées. Mais notre pays a commis l'erreur, selon lui, de soutenir la thèse de « l'usage contrôlé » de l'amiante, qui s'est révélée illusoire en raison de l'utilisation massive et diffuse des produits amiantés.

Il a fait observer que la Grande-Bretagne et l'Allemagne avaient pris des mesures de prévention et interdit l'amiante avant la France, mais que ces deux pays étaient confrontés aujourd'hui à une situation sanitaire comparable à la nôtre. En revanche, les Etats-Unis, qui n'ont toujours pas interdit ce matériau, se trouvent dans une position plus favorable, ce qui s'expliquerait par le grand nombre de recours collectifs, ou class-actions, engagés outre-atlantique.

Il a ensuite noté que l'interdiction de l'amiante dans tous les pays de l'Union européenne n'était effective que depuis le 1er janvier 2005 et qu'elle n'était en vigueur, au total, que dans quarante pays. Jugeant que les fondements scientifiques d'une interdiction totale de l'amiante étaient encore ténus en 1996, il a souligné l'importance de l'étude réalisée, à cette date, par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), dans la prise de conscience de la dangerosité de cette fibre. Ses chercheurs se sont livrés à un examen critique de 1.200 publications scientifiques et ont mis en évidence l'impact nocif, sur la santé, de l'exposition à de faibles doses d'amiante et le caractère extrêmement diffus de l'exposition. Il a ajouté que le drame de l'amiante devait inciter l'Etat à investir davantage le champ de l'évaluation des risques sanitaires et de la surveillance épidémiologique.

a souligné que l'interdiction de l'utilisation de l'amiante, à compter du 1er janvier 1997, n'avait pas suffi, à elle seule, à régler les problèmes posés par ce matériau, puisque l'on estime que 100.000 m2 de locaux sont amiantés en France et que 3.000 produits contiennent de l'amiante. Depuis 1996, les opérations de désamiantage sont soumises à une réglementation stricte, que l'inspection du travail s'attache à faire respecter rigoureusement, en partenariat avec les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM). En outre, un décret va bientôt renforcer les règles encadrant les interventions des entreprises de maintenance dans les locaux amiantés et les travaux d'enlèvement d'amiante non friable.

Il a également abordé la question du suivi des personnes exposées à l'amiante. L'Institut de veille sanitaire (InVS) considère que 25 % des hommes aujourd'hui à la retraite ont été exposés professionnellement à l'amiante. Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) a indemnisé 16.000 personnes depuis sa création, pour un coût total de 723 millions d'euros. Le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) a, quant à lui, bénéficié à 1.500 entreprises et à 27.000 salariés, pour une dépense d'environ 750 millions d'euros en 2005. Il a reconnu que le mode de fonctionnement, complexe du FCAATA suscitait des incompréhensions, ce qui a motivé la commande, à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), d'un rapport pour évaluer le dispositif et faire des propositions de réforme. Par ailleurs, une expérimentation est en cours dans quatre régions, depuis 2002, pour assurer le suivi post-professionnel des salariés exposés à l'amiante et un bilan sera dressé à l'automne.

a poursuivi son propos en évoquant les leçons à tirer de cette crise. Rappelant que le Conseil d'Etat avait enjoint à l'Etat, dans ses arrêts de mars 2004, d'organiser une veille scientifique appropriée, il a d'abord insisté sur les problèmes posés par les matériaux de substitution à l'amiante, notamment les fibres céramiques réfractaires, dont plusieurs études pointent le caractère potentiellement cancérigène, alors qu'elles sont utilisées dans les fours industriels ou les pots catalytiques. L'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE) a été saisie, en 2004, d'une demande d'étude pour évaluer le degré d'exposition des salariés et rechercher des produits de substitution moins dangereux. D'autres produits chimiques suscitent des inquiétudes, tels que le formaldéhyde, les éthers de glycol, ou les produits phytosanitaires. Sur les 30.000 produits chimiques présents sur le marché, seuls, quelques milliers ont été correctement évalués, ce qui explique l'importance des enjeux attachés à l'adoption du projet de règlement communautaire REACH (enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques). Celui-ci prévoit en effet d'obliger les industriels qui mettent ces substances sur le marché à évaluer les risques résultant de leur utilisation et vise à mettre en place un système d'autorisation préalable pour les produits qui apparaissent les plus dangereux.

Pour mieux répondre à ces nouveaux défis, le Gouvernement a décidé d'intégrer la sécurité au travail dans le dispositif de sécurité sanitaire, en élargissant les missions de l'AFSSE, qui deviendra, à l'automne prochain, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET). Elle recrute actuellement dix ingénieurs de haut niveau pour se doter d'un département consacré à la santé au travail. L'Etat investit également dans le développement d'une expertise en santé au travail, notamment par la création de pôles scientifiques régionaux, en partenariat avec le ministère de la recherche. L'AFSSE mène d'ores et déjà des études sur les fibres minérales artificielles, le formaldéhyde, les éthers de glycol ou encore les fibres courtes d'amiante.

Pour améliorer le contrôle de la réglementation, le plan Santé au travail prévoit, de plus, de techniciser l'inspection du travail, tout en lui conservant son caractère généraliste, et de renforcer sa présence sur le terrain. Dès cette année, une trentaine d'agents vont être recrutés pour créer sept cellules régionales de soutien méthodologique, scientifique et technique de l'inspection du travail. D'ici à 2009, ces cellules devront être généralisées à l'ensemble du territoire, avec des effectifs plus importants dans les départements les plus industrialisés.

a enfin indiqué que les 23 mesures contenues dans ce plan allaient structurer l'action de l'Etat dans le domaine de la santé au travail pendant les cinq prochaines années, avec une forte implication de l'ensemble des structures ministérielles, tant au niveau national que local.

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