Intervention de Dominique Dord

Commission mixte paritaire — Réunion du 30 septembre 2010 : 1ère réunion
Commission mixte paritaire sur le projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale

Dominique Dord, rapporteur pour l'Assemblée nationale :

a rappelé que le projet de loi a suscité beaucoup de débats. On pensait qu'il s'agirait d'un petit texte tranquille, pourrait-on dire, or il n'en fut rien.

Certes, l'ambition affichée dans son titre était modeste, puisqu'il s'agit de « compléter les dispositions relatives à la démocratie sociale » de la réforme qui a été actée par la grande loi du 20 août 2008 : a priori, pas de quoi enflammer le pays. Ce titre rappelle l'enjeu essentiel de ce texte, enjeu que l'on doit toujours garder à l'esprit aujourd'hui : l'objet de ce projet de loi, c'est avant tout de garantir la constitutionnalité de la réforme importante de la représentativité syndicale votée en 2008. Pour ce faire, le Conseil d'État l'a confirmé, il faut qu'un mode d'expression de la préférence syndicale des salariés des très petites entreprises, celles qui comptent moins de onze salariés, soit prévu.

C'est pourquoi l'article central du texte est l'article 4, qui organise cette expression des salariés des très petites entreprises sous la forme d'un scrutin de représentativité sur sigle ayant lieu tous les quatre ans. Au cours des débats, le Sénat, puis l'Assemblée, ont précisé cet article. L'Assemblée nationale a, en particulier, adopté des amendements visant à garantir la confidentialité du vote et à définir les obligations des entreprises pour son organisation, de sorte que ce scrutin, opéré par internet ou par correspondance, n'entraîne pas de charges supplémentaires pour elles. L'Assemblée a également légèrement modifié la définition du corps électoral : afin d'éviter que ne soient écartés un grand nombre de salariés dans les professions où les contrats très courts dominent, comme le spectacle, elle a disposé que devaient être inscrits sur les listes électorales tous les salariés ayant été sous contrat au cours de l'ensemble du mois de décembre de l'année préélectorale, et non pas seulement ceux sous contrat au 31 décembre.

Le débat parlementaire, mais aussi médiatique, s'est par ailleurs largement focalisé sur l'article 6 - en quelque sorte le morceau de choix -, qui créait des commissions paritaires pour les très petites entreprises. Du point de vue de votre rapporteur pour l'Assemblée nationale, point de vue qui ne s'est pas révélé majoritaire, cet article ne justifiait absolument pas la passion, voire les caricatures, qu'il a suscitées, au regard de sa rédaction prudente et du bilan objectif des quelques commissions paritaires départementales ou régionales qui existent déjà : celles-ci ont pu apporter des éclairages intéressants sur des problématiques territoriales sans jamais conduire à quelque intrusion syndicale que ce soit dans quelque petite entreprise que ce soit. Toujours est-il que la séance de commission de ce jour est destinée à sortir de la confrontation, on pourrait dire de la focalisation, et à trouver un compromis sur cet article, puisqu'il a été maintenu et amendé par le Sénat, mais supprimé par l'Assemblée nationale.

Le rapporteur pour le Sénat Alain Gournac et votre rapporteur pour l'Assemblée nationale ont effectué un travail important : il est essentiel, même si les commissions qui avaient été prévues à l'article 6 ne sont finalement pas instaurées par la loi, que le nouveau scrutin de représentativité, prévu par l'article 4, soit un succès, malgré l'éparpillement du monde des très petites entreprises. Pour cela, il faut que les salariés qui iront voter sachent que ce scrutin débouche sur quelque chose de concret, et pas seulement sur de l'arithmétique, sur des calculs compliqués sur la représentativité. À défaut d'un intérêt concret, on risquerait d'aboutir à un très faible taux de participation à ce scrutin.

Il faut donc établir un lien entre le nouveau scrutin et la composition, non des commissions « nouvelle manière », mais des commissions paritaires existantes - puisqu'il en existe déjà, je le rappelle, qui ne sont pas spécialement dédiées aux très petites entreprises. C'est le sens de l'amendement que les deux rapporteurs proposeront.

Ce débat a déjà eu lieu en première lecture. L'Assemblée nationale s'était prononcée contre la création de nouvelles commissions. Mais - miracle ou résignation ? -, il s'avère possible de leur trouver grâce, en se greffant sur les commissions paritaires existantes. Un bémol doit cependant être prévu concernant les missions de ces commissions : les partenaires sociaux doivent pouvoir utiliser ces structures dans le seul but de développer le dialogue social, sans qu'il leur soit attribué un pouvoir de négociation collective et de conclusion d'accords comparable à celui des branches professionnelles. Les différentes auditions ont en effet montré l'importance, même aux yeux des plus allants sur ces questions, de ne pas verser dans le mélange des genres en retenant un dispositif qui ne conduirait in fine à rien d'autre qu'à revenir sur les prérogatives des branches professionnelles.

Dans l'esprit de votre rapporteur pour l'Assemblée nationale, les commissions paritaires devront pouvoir être spécifiquement dédiées au dialogue social dans certaines catégories d'entreprises, définies par exemple suivant un critère de taille. Encore une fois, ce sont les partenaires sociaux, s'ils le souhaitent - le dispositif est donc entièrement facultatif, ce qui était d'ailleurs déjà le cas dans le cadre de celui prévu à l'article 6 -, qui pourront instituer ces commissions. Ils pourront - là encore, s'ils le veulent - les dédier spécifiquement aux très petites entreprises, et limiter leurs compétences, de sorte qu'il ne soit pas porté atteinte à celles des branches professionnelles.

On ne peut enfin que rendre hommage au rapporteur pour le Sénat, M. Alain Gournac, et au travail en commun ainsi réalisé.

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