Le Haut Comité a été créé à l'initiative de feu notre collègue Maurice Schumann, qui en a été président jusqu'à sa mort. Il m'avait sollicité, puisque j'étais rapporteur pour avis du budget sécurité civile, pour occuper les fonctions de vice-président.
Cet organisme a beaucoup changé. Il avait été conçu comme un moyen de pression sur le gouvernement, afin d'amodier la doctrine qui avait cours alors : nous avions choisi le tout-dissuasion nucléaire et faire des plans pour protéger la population aurait laissé penser que nous ne croyions pas à notre dispositif puisqu'une riposte aurait pu nous atteindre. Certains, tels Maurice Schumann ou le général Billotte, jugeaient ce raisonnement un peu court et ont cherché à infléchir les choses. Certes, le pari a été gagné et il n'existe plus de menace nucléaire crédible aussi le débat a-t-il été élargi à l'ensemble de la protection civile.
La défense du pays, conformément à l'ordonnance du général de Gaulle de 1959 est militaire mais aussi civile; elle exige préparation et protection. Je disais du reste au ministre de la défense que l'intitulé de ses attributions me dérangeait, car la défense va au-delà des seules forces armées. Le Haut Comité comporte un collège d'élus, un collège d'entreprises, un autre de gérants d'infrastructures critiques, un d'experts, de scientifiques. C'est un point de rencontre entre toutes les administrations d'Etat concernées par la préparation du pays aux dangers et aux crises et tous les intervenants privés. Nous organisons des petits-déjeuners autour d'un invité, des colloques réguliers. Nos moyens, modestes, proviennent des parlementaires, du ministère de l'intérieur, du ministère de la santé et de nos membres du secteur privé. Le Comité a un budget d'un million d'euros et il emploie dix personnes. Il a une grosse activité de formation.
Nous avons créé une formation nationale pour les responsables de la sécurité, de tout niveau. Nous ne sommes pas l'Institut des hautes études de défense nationale, mais nous réunissons des représentants de toutes les grandes entreprises, la RATP, et bien d'autres.
Nous n'avons pas été très étonnés par les événements récents. Je voudrais d'abord faire la distinction entre la sécurité civile, bras armé de la protection de la population, et la défense civile, qui inclut l'anticipation des crises. Pour moi, l'inquiétude doit être permanente : je ne veux pas parler de peur mais d'un esprit non quiet, pas tranquille. Or, depuis le Moyen Age, rien n'a vraiment changé : « Dormez tranquilles, bonnes gens, le guet veille ! ». Ce qui devrait susciter l'inquiétude devient sujet d'apaisement parce que des plans existent...
Au niveau de l'Etat, il existe un Orsec sectoriel, qui a été assoupli, mais l'organisation préfectorale n'est pas si réactive. Je ne me suis pas rendu sur les lieux de la catastrophe Xynthia, mais de mon enquête je conclus que l'alerte a été complète et l'interprétation, nulle. Personne au ministère, à la préfecture de zone, aux préfectures de département -sans parler des préfectures de région, qui ne jouent aucun rôle alors que c'est là que l'Etat concentre ses cerveaux...- ne s'est interrogé en voyant qu'un périmètre limité était en rouge sur la carte. On a certes réveillé quelques maires à deux heures du matin, ils étaient informés depuis la veille au soir, ils avaient regardé la télévision...C'est sans cesse le même phénomène : on manque d'imagination, on ne se pose pas de question, on se fie à ce qu'on a préparé. Quel orgueil...