Intervention de Gaby Bonnand

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 13 avril 2011 : 1ère réunion
Audition de Mm. Gaby Bonnand président et vincent destival directeur général de l'unedic

Gaby Bonnand :

Je voudrais à mon tour vous remercier d'avoir invité l'Unedic à s'exprimer dans le cadre des travaux que vous menez sur Pôle emploi.

Concernant d'abord le déroulement de la fusion entre l'ANPE et le réseau des Assedic, je rappellerai d'abord que, dans l'exposé des motifs du projet de loi qui a organisé cette fusion, le Gouvernement a défini ainsi le sens de la réforme qu'il souhaitait entreprendre : « Le Gouvernement a décidé de mettre en place à partir des réseaux de l'ANPE et de l'Unedic un opérateur unique pour l'accueil, le placement, le service des prestations d'indemnisation et l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Il s'agit ainsi de passer à une nouvelle étape de la réforme du service public de l'emploi en capitalisant sur les acquis de ces dernières années ». Dès lors, un certain nombre d'éléments étaient actés dans la loi. L'Unedic et l'ANPE ont travaillé à la construction de l'opérateur unique qui a ensuite été dénommé Pôle emploi.

En outre, la loi faisait obligation à l'Unedic de travailler avec l'Acoss pour le transfert du recouvrement des cotisations. La loi indique que ce transfert devait avoir lieu le 1er janvier 2012, au plus tard. Un décret a ensuite fixé cette date au 1er janvier 2011.

La fusion a nécessité un travail considérable. Le réseau des Assedic, piloté par l'Unedic, était composé d'une trentaine d'organismes. Ils étaient initialement plus nombreux, mais depuis une dizaine d'années, l'Unedic avait entrepris une régionalisation de son réseau pour parvenir, à terme, à une Assedic par région. Pour réaliser la fusion, l'Unedic a travaillé dans le respect de la loi et a veillé à ce que les intérêts des entreprises, des salariés cotisants, des demandeurs d'emploi et des salariés des deux structures soient respectés. Elle a également veillé à ce que les Assedic aient les moyens de continuer à assumer leurs missions pour éviter toute rupture dans les services rendus aux demandeurs d'emploi.

Près de 15 000 salariés des Assedic et 30 000 agents de l'ANPE ont été transférés au nouvel organisme. Ont également été transférés des matériels, des locaux et des éléments immatériels, par exemple les applications informatiques que les Assedic et l'Unedic avaient développées.

Au moment de la création de Pôle emploi, l'ensemble des dispositions relatives au personnel, aux moyens et aux biens, nécessaires au fonctionnement du nouvel opérateur, étaient formalisées dans une convention de mise à disposition des biens et de transfert des créances et des dettes. Dès le premier jour, le service rendu par Pôle emploi a été opérationnel. Du point de vue de l'Unedic, aucune difficulté dans la mise en oeuvre du service, qui aurait résulté d'une préparation insuffisante, n'est apparue.

Cette priorité donnée aux aspects opérationnels a retardé le règlement de certains aspects financiers. Le principal d'entre eux a concerné le règlement d'un sujet identifié relativement tôt dans la préparation de la fusion, celui relatif à la dette sociale (provisions pour retraite et congés payés, notamment). Le sujet a été réglé après le recours à un expert au début de l'année 2010. L'avis de l'expert a permis de valider le principe du financement des dettes sociales par Pôle emploi à partir du financement apporté par l'Unedic au titre de sa contribution au fonctionnement de l'opérateur.

En 2010, le sujet de l'accès aux fichiers de l'indemnisation et de la « copropriété » de Pôle emploi et de l'Unedic sur ces fichiers a également été réglé, en garantissant aux deux institutions la capacité d'y accéder et de les faire évoluer pour l'exercice de leurs missions respectives. Il était important que l'accès aux fichiers, pour assurer les missions de Pôle emploi et les missions de gestion, d'évaluation et d'audit de l'Unedic, voit ses règles fixées. Nous avons donc conclu une convention dans ce domaine.

Concernant l'immobilier, une première mesure a consisté en la cession à Pôle emploi de quatre-vingts sites. La renégociation des baux est en cours. Les délais nécessaires à la définition du schéma d'implantation territoriale de Pôle emploi ont donné lieu à différentes approches successives. Aujourd'hui, Pôle emploi loue des locaux aux Assedic. Demain, certains locaux seront vendus, Pôle emploi ayant également des objectifs de construction ou de réaménagement de locaux.

Enfin, prévue dans la convention tripartite conclue entre l'Etat, l'Unedic et Pôle emploi, la dissolution du groupement d'intérêt économique (GIE) n'a pas encore eu lieu à ce jour. Certains aspects comptables incitent à recourir à un avis d'expert.

S'agissant des relations financières avec Pôle emploi, il existe une convention de trésorerie qui règle les modalités pratiques d'échange entre Pôle emploi et l'Unedic, plus particulièrement les règles d'affectation à un compte courant de la contribution de l'Unedic, égale à 10 % des sommes qu'elle collecte. Le produit de la collecte, qui est effectuée mensuellement, est placé sur un compte courant sur lequel Pôle emploi effectue des prélèvements, compte tenu de ses besoins de trésorerie à un moment précis. Ces modalités de la relation entre Pôle emploi et l'Unedic permettent une gestion optimisée de leurs trésoreries respectives, sans préjudice du financement de Pôle emploi qui conserve un fonds de roulement de l'ordre de 200 millions d'euros.

Est-il possible de constater une amélioration de la qualité des services rendus par Pôle emploi ? Pour répondre à cette question, il convient de signaler, en premier lieu, que l'opérateur a eu à affronter la plus grave crise économique depuis les années 1930, crise qui a eu pour effet d'augmenter considérablement le nombre de demandeurs d'emploi : 1 million de demandeurs d'emploi supplémentaires se sont inscrits entre la mi-2008 et 2010. Cet élément ne peut être ignoré au moment de dresser un bilan, même s'il n'est pas simple de distinguer les conséquences de la crise et celles de la fusion. Quoi qu'il en soit, la crise a eu un impact sur la mise en place de Pôle emploi puisqu'il a fallu, dans le même temps, construire le nouvel opérateur, à partir de deux institutions qui avaient des cultures d'entreprise affirmées et des personnels de statut différent, et rendre le service aux demandeurs d'emploi et aux entreprises notamment en matière d'indemnisation, d'accompagnement et de recherche d'emploi.

Avec ce contexte en toile de fond, il est possible d'évoquer un certain nombre de constats. Il n'est pas possible aujourd'hui d'affirmer que la qualité du service rendu s'est améliorée. J'en veux pour preuve un certain nombre d'indicateurs : le taux des premiers paiements en retard auprès des demandeurs d'emploi est passé de 6,1 % au quatrième trimestre 2009 à 8 % au quatrième trimestre 2010, contre 4 % en 2008 ; on constate donc que le taux de retard de paiement dans les indemnisations est plus élevé, même s'il reste marginal ; le taux de décisions prises dans les quinze jours se situe, en 2010, entre 79 % et 87 %, selon les mois, tandis que l'objectif est de 92 % ; les dossiers ne sont donc pas nécessairement traités dans un délai de quinze jours ; un autre indicateur porte sur les réclamations reçues en 2010, en forte augmentation par rapport à 2009 (+ 13 %). Les réclamations sont en revanche traitées dans des délais conformes. Elles concernent essentiellement l'indemnisation : 55 % d'entre elles sont relatives à la réglementation, 41 % aux délais de paiement. Ces indicateurs montrent que le service, en matière d'indemnisation, reste à optimiser. Je tiens à souligner que le taux de recouvrement, en revanche, n'a pas été affecté par la restructuration et son transfert à l'Acoss depuis le 1er janvier 2011. Ce transfert se déroule même de manière plutôt satisfaisante.

Je voudrais ajouter quelques éléments sur le suivi de l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Vous savez que les partenaires sociaux y sont extrêmement attachés. En effet, plus l'accompagnement est efficace, plus le retour à l'emploi est rapide. A cet égard, chaque raccourcissement de la période de chômage est favorable aux finances de l'Unedic. De ce point de vue, nous nous montrons perplexes quant aux moyens dont dispose Pôle emploi pour accompagner les demandeurs d'emploi. Un premier problème porte sur le suivi mensuel personnalisé, qui est trop homogène. L'ensemble des demandeurs d'emploi n'ont pas des besoins d'accompagnement identiques. Il conviendrait de laisser davantage de marges de manoeuvre aux directions locales et aux agents eux-mêmes pour mieux adapter les services de Pôle emploi aux besoins des demandeurs d'emploi. En outre, les prestations réalisées par les opérateurs privés ne sont pas toutes à la hauteur des attentes. Le manque de bilan qualitatif dans ce domaine est regrettable. Le comité d'évaluation de Pôle emploi s'est toutefois saisi du sujet. Enfin, le nombre de demandeurs d'emploi suivis par agent est extrêmement élevé. Mme Christine Lagarde avait fixé, au moment de la fusion, un objectif de soixante demandeurs d'emploi suivis par conseiller. Or, les portefeuilles des agents sont aujourd'hui plus proches de 150 ou de 200 demandeurs d'emploi. Le rapport de l'inspection générale des finances (IGF), présenté avant-hier au conseil d'administration de Pôle emploi, procède à une comparaison avec l'Allemagne et le Royaume-Uni qui montre, à périmètre égal, d'une part, que le nombre d'agents dans le service public de l'emploi est moindre en France que dans ces deux autres pays, d'autre part, qu'il y a davantage d'agents dédiés au suivi des demandeurs d'emploi en Allemagne et au Royaume-Uni qu'il n'y en a en France.

J'en viens, à présent, à la place de l'Unedic dans la gouvernance du service public de l'emploi. Je souhaite, en premier lieu, rappeler l'attachement des partenaires sociaux à leurs prérogatives en matière de définition de la norme dans le domaine de l'assurance chômage. Je me félicite, à cet égard, que la nouvelle convention d'assurance chômage que nous venons de conclure ait été signée par quatre organisations syndicales et trois organisations patronales.

La création de Pôle emploi a favorisé une plus grande égalité de traitement dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi : aujourd'hui, conformément aux orientations données par le législateur, touts les demandeurs d'emploi, qu'ils soient indemnisés ou pas, bénéficient du même accompagnement.

Cela étant, nous ne sommes pas aujourd'hui totalement satisfaits de la gouvernance du service public de l'emploi. Elle se confond en effet exagérément avec celle de Pôle emploi, ce qui est source de confusions. Par exemple, quand au conseil d'administration de Pôle emploi, l'Etat annonce des décisions prises par le législateur, ces décisions ne peuvent être discutées.

Il n'est pas contestable que l'Etat assume des responsabilités qui dépassent sa fonction de financeur de Pôle emploi : il exerce, plus largement, une fonction de pilotage des politiques publiques de l'emploi. Simplement, le fait que les décisions soient annoncées au conseil d'administration de Pôle emploi entraîne la plus grande confusion. Sans me montrer caricatural, j'indiquerai que le conseil d'administration ne maîtrise ni les ressources, ni les dépenses de Pôle emploi. Le système de gouvernance n'est donc pas simple.

Pour un fonctionnement satisfaisant, nous pensons, pour notre part, que la gouvernance doit se penser autour de trois instances liées entre elles. Nous pensons également que la renégociation de la convention tripartite qui lie l'Etat, Pôle emploi et l'Unedic donne l'occasion de « remettre à plat » la gouvernance. Je rappelle qu'il existe une commission de suivi de la convention tripartie, qui devrait être un lieu stratégique où l'Etat et l'Unedic, les deux financeurs, fixeraient les grandes orientations de Pôle emploi, dans le cadre défini par le législateur et l'exécutif. Or, la commission, qui doit en principe se réunir à deux reprises chaque année, ne s'est réunie qu'une fois depuis l'entrée en vigueur de la loi qui a organisé la fusion. Le président et le vice-président de la commission ont écrit à plusieurs reprises aux ministres concernés, qui n'ont jamais daigné réunir l'instance. M. Xavier Bertrand vient cependant de s'engager à la réunir dans les semaines qui viennent. Parallèlement, le conseil d'administration de Pôle emploi devrait s'attacher à la mise en oeuvre des politiques et des actions décidées par l'Etat et les partenaires sociaux. Enfin, le bureau de l'Unedic et ses services doivent apporter un appui à la mise en oeuvre, au contrôle et à l'évaluation de la convention d'assurance chômage.

J'évoquerai enfin les instances paritaires régionales, qui réunissent les organisations d'employeurs et les organisations syndicales. Leur rôle a été défini par la loi et par la convention tripartite. Elles sont chargées, d'une part, de veiller à la bonne application de la convention d'assurance chômage, d'autre part, de veiller à la mise en oeuvre des plans d'accompagnement des demandeurs d'emploi dans les régions. Elles assument, en outre, un rôle de recours pour les demandeurs d'emploi. Ces instances devraient être davantage mises à contribution qu'elles ne le sont aujourd'hui. Nous ne parviendrons pas en effet à traiter correctement le chômage si nous ne sommes pas en capacité de décentraliser les actions et d'être plus proches du terrain. L'instance paritaire régionale est la seule où les employeurs sont représentés. Il ne sera pas possible de travailler à des plans d'insertion et à des plans de formation des demandeurs d'emploi correspondant aux besoins des entreprises si nous n'y associons pas leurs représentants dans les territoires.

Pour terminer, je souhaite dire un mot du montant de la contribution financière de l'Unedic. Cette contribution s'est substituée aux sommes que l'Unedic consacrait auparavant aux dépenses actives d'accompagnement des demandeurs d'emploi. La somme que verse l'Unedic à Pôle emploi, égale à 10 % des cotisations qu'elle prélève, est cependant supérieure au montant des dépenses que l'assurance chômage consacrait, avant la fusion, à l'accompagnement des demandeurs d'emploi, puisque celles-ci n'atteignaient que 7,4 % des sommes collectées. Le montant de la contribution financière de l'Unedic nous paraît donc suffisant. J'ajoute que notre contribution atteint un montant d'environ 3 milliards d'euros, ce qui correspondait, en 2009, à 64 % du financement de Pôle emploi ; en 2011, cette somme correspond à 66 % du budget de Pôle emploi, ce qui montre que l'Etat s'est désengagé. J'achèverai mon propos en insistant à nouveau sur le fait que le cadre conventionnel qui régit aujourd'hui les relations entre l'Unedic et Pôle emploi doit être repensé, avec une gouvernance organisée autour des trois instances dont j'ai parlé précédemment.

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