a indiqué que l'étude réalisée à la demande de la commission, dont une synthèse vient d'être publiée dans le rapport annuel de la Cour, dresse un état des lieux de l'épidémie de VIH/Sida en France, avant d'examiner la politique conduite et l'utilisation des financements qui lui sont consacrés.
Les progrès opérés en matière de multi-thérapies ont entraîné une baisse très importante de la mortalité liée au VIH. Près de 82 % des patients ont aujourd'hui accès à une multi-thérapie, contre 27 % en 1996 et 74 % en 2001. Le nombre de nouveaux cas de sida déclarés s'est élevé à 624 seulement en 2008, mais il existe quelques doutes sur la fiabilité de ce chiffre malgré l'obligation de déclaration des cas de sida, en sorte que l'institut de veille sanitaire (InVS) estime à 1 500 environ le nombre de nouveaux cas en 2008. Le nombre de décès liés au sida s'est établi à 385 en 2005. Au total, 40 000 personnes environ seraient décédées du sida depuis le début de l'épidémie. La sous-déclaration des cas de sida comme des décès demeure une difficulté, aggravée par le fait qu'un nombre important de personnes souffrent de co-infections.
Le diagnostic d'infection par le VIH, distinct du diagnostic d'apparition des symptômes cliniques du sida, donne lieu à déclaration obligatoire par les laboratoires, les médecins ou les établissements sanitaires depuis 2003, mais des doutes existent, là encore, sur la fiabilité des déclarations. L'inVS a récemment publié de nouveaux chiffres établissant entre 5 400 et 8 500 le nombre de nouvelles contaminations chaque année.
Aujourd'hui, l'épidémie est fortement concentrée sur deux groupes à risques : les homosexuels masculins et les migrants, qui représentent 70 % des découvertes de séropositivité en 2008. Les toxicomanes, qui ont constitué une part importante des personnes touchées au début de l'épidémie, ne constituent plus que 2 % de la population atteinte.
En ce qui concerne les migrants, on constate, d'une part, une certaine diminution du nombre de personnes contaminées, d'autre part, un taux important de contaminations en France, avéré par le fait que beaucoup de ces migrants sont porteurs d'un sous-type de virus présent en France mais quasiment inexistant en Afrique subsaharienne. Pour les homosexuels masculins, on constate au mieux une stagnation du nombre de contaminations, qui traduit un certain échec de la politique de prévention.
Evoquant la politique conduite pour lutter contre le VIH/sida, Mme Rolande Ruellan a constaté que les dépenses de prévention sont beaucoup plus faibles que les dépenses de soins. Si cette situation s'explique aisément par le coût très élevé des traitements, elle met néanmoins en évidence l'insuffisance des efforts financiers consacrés à la prévention.
Les patients atteints du VIH/Sida sont pris en charge dans le cadre de l'affection de longue durée (ALD) n° 7 (déficit immunitaire primitif - infection par le VIH) : 90 000 personnes environ sont actuellement inscrites à l'ALD n° 7 pour une dépense annuelle d'1,1 milliard d'euros, soit 13 000 euros par an et par personne, mais on estime entre 40 000 et 50 000 le nombre de personnes ignorant leur séropositivité.
Les sommes consacrées aux traitements risquent encore d'augmenter au cours des prochaines années compte tenu de certaines préconisations tendant à anticiper davantage la prescription des médicaments antiviraux. Les dépenses de l'assurance maladie au titre de l'ALD n° 7 augmentent de 80 à 90 millions d'euros chaque année.
Les dépenses de prévention et de dépistage s'élèvent pour leur part à 54 millions d'euros par an. L'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) finance des campagnes de communication et accorde des subventions. La direction générale de la santé (DGS) finance également certaines associations par le biais de subventions. Enfin, les groupements régionaux de santé publique disposent d'une enveloppe globalisée pour la prévention comportant des crédits en provenance de l'Etat et des crédits de l'assurance maladie. Les données relatives à l'utilisation de ces derniers crédits sont assez peu précises.
Compte tenu de la grande dispersion du tissu associatif, on constate un certain saupoudrage des ressources confiées aux associations, ce qui donne le sentiment d'une perte d'efficacité. Certaines associations ont une surface probablement trop faible pour que les sommes qui leur sont confiées aient véritablement un effet de levier.
En ce qui concerne le dépistage, l'Etat a mis en place, à partir de 1988, des centres de dépistages anonymes et gratuits (CDAG) qui sont au nombre de 352 et assurent cinq millions de dépistages chaque année, soit 12 % de la totalité des dépistages, pour un coût évalué à 34 millions par an. Par ailleurs, pour permettre la nécessaire prise en charge des besoins sanitaires et sociaux des personnes infectées par le VIH qui ont souvent des ressources modestes, l'Etat a mis en place vingt-huit comités de coordination de la lutte contre l'infection par le VIH (Corevih). Dans le cadre des soins de suite et de réadaptation, ont été créés des appartements de coordination thérapeutique (ACT) qui ont désormais le statut d'établissements médicosociaux et sont pris en charge par l'assurance maladie. Il existe environ mille appartements de ce type, dont la répartition sur le territoire n'est qu'imparfaitement liée à la prévalence de l'infection et qui peuvent bénéficier à des personnes atteintes d'autres maladies chroniques.
Le système de pilotage de la lutte contre l'infection a été bâti à la suite du rapport présenté par le professeur Claude Got en 1989. Trois institutions ont été créées sur la base de ce rapport : le conseil national du sida (CNS), l'agence française de lutte contre le sida (AFLS) et l'agence nationale de recherche sur le sida (ANRS). L'AFLS a aujourd'hui disparu et le CNS n'est plus jamais sollicité, mais continue cependant à se réunir et à rendre des avis. La direction générale de la santé (DGS) coordonne l'ensemble du dispositif, la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins ayant des compétences propres en ce qui concerne l'hospitalisation. D'autres institutions interviennent, en particulier l'Inpes, l'InVS et la Haute Autorité de santé (HAS). Le grand nombre d'intervenants nécessite un pilotage assez fort au sein du ministère de la santé pour créer une synergie entre les acteurs et permettre la détermination des principaux axes de la politique. Ce pilotage se révèle difficile pour la DGS. La dimension interministérielle de cette politique est trop peu développée et les ministères de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la justice jouent, en particulier, un rôle insuffisant.
Les associations exercent un rôle essentiel dans la lutte contre le VIH, très supérieur à ce qui est constaté pour d'autres infections, au point de donner parfois le sentiment d'avoir une influence déterminante sur la stratégie du ministère. Si la légitimité de ces associations, souvent animées par des personnes elles-mêmes atteintes du virus, est incontestable, l'Etat doit conserver sa capacité de pilotage de la politique de lutte contre le VIH. Cinq plans pluriannuels se sont succédé depuis le début de l'épidémie et un nouveau plan portant à la fois sur le VIH et les infections sexuellement transmissibles (IST) doit être prochainement présenté pour la période 2010-2013. Ces plans se sont imparfaitement enchaînés et n'ont pas toujours été ciblés sur les populations les plus concernées. Ils ont en outre souffert du faible nombre d'indicateurs chiffrés permettant de mesurer leur efficacité. L'Etat est souvent en grande difficulté pour suivre la mise en oeuvre des actions engagées au plan local. La mise en place des agences régionales de santé (ARS) permettra peut-être d'améliorer cette situation. De manière spécifique, il convient de noter que les mesures mises en oeuvre dans les départements français d'Amérique, particulièrement touchés par l'épidémie, sont sans doute insuffisantes.
La Cour recommande de renforcer la prévention et le dépistage. Une telle politique est, certes, coûteuse mais doit permettre d'éviter d'importantes dépenses de traitement en limitant le nombre de contaminations. Les campagnes de communication devraient être mieux centrées sur les groupes à risques, même s'il est parfois difficile d'envisager des campagnes télévisées ciblées diffusées aux heures de grande écoute. Pendant longtemps, les associations se sont montrées hostiles aux campagnes ciblées, soucieuses d'éviter toute discrimination. Dans un contexte où la prévention semble se relâcher du fait des progrès des traitements thérapeutiques, il serait sans doute utile de mettre davantage en avant le fait que les traitements antiviraux demeurent contraignants pour ceux qui les prennent.
La politique de prévention passe également par la mise en place d'une réglementation sanitaire des établissements de rencontre. Ces établissements n'ont aucune obligation de mettre à disposition de leurs clients du matériel ou d'afficher des messages de prévention. Le syndicat national des entreprises gaies (Sneg) reçoit des subventions pour intervenir auprès des établissements et les inciter à agir en ce sens, mais il n'existe aucun contrôle et aucune sanction en la matière. Le plan pluriannuel 2001-2004 prévoyait bien l'instauration d'une telle réglementation mais cette préconisation a été abandonnée.
La politique de dépistage doit également être renforcée, trop de personnes découvrant leur séropositivité à l'occasion de l'apparition des signes cliniques du sida. Comme la HAS, la Cour préconise la généralisation du dépistage dans un cadre volontaire. L'apparition des tests de dépistage rapide pourrait sans doute favoriser cette extension. Enfin, l'Etat devrait rationaliser son dispositif de dépistage en fusionnant les CDAG chargés de dépister le VIH et les centres de dépistage et de diagnostic des IST (Ciddist) chargés de dépister les infections sexuellement transmissibles.