Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le projet de loi n° 16 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la représentation devant les cours d'appel.
ministre d'État, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, a tout d'abord indiqué que le projet de loi s'inscrivait dans la poursuite du mouvement de simplification de la justice et visait à fusionner les professions d'avocat et d'avoué près les cours d'appel au 1er janvier 2011. Elle a souligné non seulement que les règles de représentation devant les cours d'appel paraissaient complexes et coûteuses aux yeux des justiciables, mais que les règles d'accès à la profession d'avoué étaient incompatibles avec la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Elle a ajouté que la fusion était d'autant plus facile à mettre en place que les avoués bénéficiaient des mêmes diplômes et des mêmes qualifications que les avocats.
Elle a déclaré que la réforme proposée par le Gouvernement modernisait la procédure d'appel en :
- recentrant la représentation sur l'avocat, ce qui permet au justiciable de s'adresser à un professionnel unique, habilité à le conseiller, à le représenter en justice et à plaider son dossier devant les deux degrés de juridiction ;
- réduisant les coûts du procès, le justiciable n'ayant plus à acquitter le tarif de la postulation devant la cour d'appel, tarif qui rémunère l'intervention des avoués ; d'une manière générale, elle a souhaité que la partie succombante supporte davantage les frais de justice engagés par l'autre partie, afin d'encourager à des solutions amiables ;
- prévoyant, dans un décret à paraître, l'obligation, sous peine d'irrecevabilité, d'introduire l'instance par voie électronique devant les juridictions d'appel, généralisant ainsi les expérimentations actuellement conduites. La réforme intervient en effet à un moment où les techniques de communication ouvrent la voie à la dématérialisation des actes de procédure, des expérimentations étant conduites à cet égard dans les cours d'appel de Versailles et de Douai. Elle a précisé que le projet de loi créait un interlocuteur unique des cours d'appel en la personne de l'un des bâtonniers du ressort de la cour, désigné parmi eux pour les représenter, afin de traiter des questions d'intérêt commun, en particulier la postulation et la communication électronique.
ministre d'État, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés a ensuite souligné que le projet de loi, tel qu'amélioré par l'Assemblée nationale, comportait trois mesures principales d'accompagnement en faveur des offices d'avoués :
- en premier lieu, il favorise la reconversion professionnelle des avoués et de leurs salariés ; en effet, sauf renonciation de leur part, les avoués deviendront avocats du seul fait de la loi et pourront, s'ils le souhaitent, s'inscrire dans un autre barreau que celui dans le ressort duquel leur office est situé. De même, le projet de loi reconnaît aux avoués qui auraient renoncé à entrer dans la profession d'avocat ou à y rester la possibilité d'accéder à l'ensemble des professions juridiques et judiciaires libérales réglementées (notaire, avocat aux conseils, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, huissier de justice, commissaire-priseur judiciaire, greffier de tribunal de commerce) dans un délai de cinq ans, dans des conditions dérogatoires qui seront fixées par décret en Conseil d'État, s'engageant au passage sur la publication de ce décret, comme de l'ensemble des décrets d'application de la loi, dès la promulgation de cette dernière. De même, elle a souligné, d'une part, que des passerelles vers ces mêmes professions seraient également offertes aux collaborateurs juristes, non titulaires du diplôme d'avoué, d'autre part, que le projet de loi de finances pour 2010 prévoyait la création de 380 emplois dans les services judiciaires, destinés aux salariés des avoués. Elle a précisé que, afin de tenir compte des caractéristiques de cette population, souvent féminine, âgée et peu mobile, et de faciliter l'accès à ces 380 postes, ceux-ci étaient répartis dans les catégories A, B et C de la fonction publique ;
- en second lieu, le projet de loi prévoit l'indemnisation des avoués et de leurs collaborateurs. Elle s'est tout d'abord réjouie que l'examen par l'Assemblée nationale ait permis de porter l'indemnisation des avoués à hauteur de la totalité de la valeur de leur office, alors que le projet de loi initial limitait l'indemnisation aux deux tiers de cette valeur. Elle a également souligné qu'une attention toute particulière était accordée aux avoués titulaires d'un prêt contracté en vue de l'acquisition de leur office ou de parts de société. Pour leur éviter une situation financière délicate, l'État se substituera à eux dans le remboursement du capital restant dû et prendra en charge les frais du remboursement anticipé des emprunts. En outre, il est prévu qu'en toute hypothèse l'indemnisation soit au moins égale au montant de l'apport personnel consenti pour financer l'acquisition de l'office, le cas échéant majoré du montant du capital restant dû au titre des emprunts en cours et que les avoués puissent demander rapidement le versement d'un acompte équivalant à 50 % du montant de leur dernier chiffre d'affaires. Seront également prises en charge les indemnités de licenciement que les avoués auront à verser à leurs salariés au titre des licenciements qui seraient la conséquence directe de la loi. S'agissant de l'indemnisation des salariés, elle a précisé qu'une convention entre l'Etat et les représentants des avoués serait signée dès la promulgation de la loi et prévoirait des aides à la mobilité, y compris pour les salariés recrutés par le ministère de la justice, des allocations destinées à compenser les pertes des revenus ainsi que des actions de formation.
Après avoir précisé que les députés avaient opportunément décidé d'améliorer l'indemnisation des salariés en prévoyant une augmentation du taux d'indemnisation par tranche de cinq ans et sans plafonnement, elle a rappelé que les indemnités de licenciement n'étaient pas soumises à l'impôt sur le revenu ;
- enfin, elle a souligné que le projet de loi prévoyait une période transitoire jusqu'au 1er janvier 2011, période destinée en particulier à faciliter la reconversion des avoués. Elle a relayé les craintes de la profession d'avocat estimant que, pendant cette période, la possibilité pour les avoués de cumuler leur profession avec celle d'avocat créait une « concurrence déloyale ». Elle a toutefois jugé raisonnable la durée de la période transitoire envisagée, considérant qu'elle ne devait pas être limitée dans le temps afin de ne pas prolonger une période d'incertitude.