Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. Pierre Fauchon, à l'examen de la proposition de résolution n° 341 (2004-2005) présentée, en application de l'article 73 bis du Règlement, par M. Hubert Haenel, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur le projet de décision-cadre relative à certains droits procéduraux accordés aux suspects dans le cadre des procédures pénales dans l'Union européenne (E 2589).
a d'abord observé que le projet de décision-cadre s'était heurté à de fortes réserves de la part d'une majorité d'Etats membres et que les négociations n'avaient pu se poursuivre que sur un texte substantiellement différent de celui sur lequel la délégation pour l'Union européenne s'était d'abord prononcée. Il a relevé qu'après plusieurs mois de blocages, la présidence allemande de l'Union européenne semblait aujourd'hui déterminée à faire aboutir les négociations sur la base d'un projet dont la rédaction, profondément remaniée, répondait à plusieurs des critiques formulées initialement. Dans cette perspective, il a estimé utile que la commission des lois prolonge l'initiative de la délégation et prenne position, au nom du Sénat, sur le projet de décision-cadre.
Le rapporteur a rappelé que le texte initial de la décision-cadre définissait cinq droits principaux au bénéfice des suspects :
- le droit à l'assistance d'un avocat ;
- le droit à un interprète et à la traduction de documents utiles ;
- le droit à une « attention particulière » pour certaines personnes considérées comme vulnérables en raison de leur âge ou de leur « état mental, physique ou émotionnel » ;
- le droit de communiquer ;
- l'obligation pour les Etats membres de veiller à ce que tout suspect soit informé de ses droits par écrit et se voie remettre une « déclaration des droits ».
Il a ajouté que le texte prévoyait la création d'un dispositif d'évaluation et de suivi de la mise en oeuvre de la décision-cadre, placé sous le contrôle de la Commission européenne.
a indiqué que le projet de décision-cadre avait soulevé trois séries d'objections de la part de la délégation pour l'Union européenne. En premier lieu, celle-ci s'était interrogée sur la base juridique de cette initiative, dans la mesure où les possibilités d'harmonisation en matière pénale prévues par les traités paraissaient concerner principalement le droit matériel, c'est-à-dire la définition des incriminations et des peines. Dans ces conditions, la délégation avait jugé préférable d'attendre l'entrée en vigueur de la Constitution européenne, qui établissait une base juridique explicite visant l'harmonisation des droits des personnes dans la procédure pénale.
Ensuite, a poursuivi le rapporteur, la délégation avait, d'une part, estimé inacceptable que le mécanisme d'évaluation et de suivi de l'application de la décision-cadre soit confié à la Commission européenne et non à un organisme indépendant et, d'autre part, relevé que les droits très détaillés, reconnus par ce texte, pouvaient contredire certains régimes procéduraux spécifiques visant notamment les conditions d'intervention de l'avocat en garde à vue.
Observant que ces critiques, partagées par un grand nombre d'Etats membres, pouvaient être apaisées grâce aux changements apportés au texte du projet de décision-cadre, à l'occasion de négociations souvent difficiles, M. Pierre Fauchon a néanmoins relevé l'opposition persistante d'une minorité d'Etats membres, dont le Royaume-Uni.
Le rapporteur a d'abord relevé que la question de la base juridique pouvait faire l'objet d'une approche plus ouverte : le texte actuel des traités prévoyait en effet que l'action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale visait « entre autres » la définition des infractions et des sanctions pour certaines formes de criminalité et laissait ainsi ouverte d'autres formes d'harmonisations. Il a ajouté qu'il n'était plus possible de s'en remettre à la reconnaissance expresse d'une base juridique, compte tenu des hypothèques pesant sur le projet de Constitution européenne et que, par ailleurs, le Conseil de l'Union européenne avait déjà adopté en 2001 une décision-cadre sur le statut des victimes dans le cadre des procédures pénales.
a relevé, en outre, que les droits reconnus aux suspects avait été resserrés autour des principes essentiels et qu'il appartiendrait aux Etats membres de décliner chacun de ces principes dans leur droit national, en particulier s'agissant de l'intervention de l'avocat en garde à vue. Il a estimé à cet égard qu'il était essentiel que le projet de décision-cadre se borne à l'énoncé de principes généraux et préserve les régimes procéduraux particuliers, tels que ceux prévus par notre pays en matière de terrorisme ou de grande criminalité. Enfin, il a précisé que la négociation avait permis de mieux définir les conditions d'articulation entre les droits reconnus par la Convention européenne des droits de l'homme et ceux prévus par la décision-cadre, afin de donner aux uns et aux autres une teneur identique.
Le rapporteur a souligné, à deux titres, la valeur ajoutée du projet de décision-cadre au regard des droits déjà reconnus par la Convention européenne des droits de l'homme. En premier lieu, la décision-cadre garantirait un respect plus efficace des principes posés par la Convention, dans la mesure où les particuliers pourraient invoquer le texte communautaire pour obtenir une interprétation conforme du droit national devant les juridictions et les Etats membres en cours de procédure, alors qu'ils ne peuvent saisir la Cour de Strasbourg qu'une fois les voies de recours nationales épuisées. En second lieu, le projet de décision-cadre s'appliquerait aux procédures de remise entre Etats membres au titre du mandat européen ou de l'extradition, ce qui n'est pas le cas de la Convention.
Compte tenu des acquis récents de la négociation, M. Pierre Fauchon a proposé l'adoption d'une résolution qui approuve le principe d'une harmonisation des droits procéduraux et tenant compte des régimes particuliers retenus pour certaines catégories d'infractions, en procédant, le cas échéant, à une coopération renforcée ou à des accords interétatiques. Il a souligné à cet égard que le commissaire européen à la justice, M. Franco Frattini, avait envisagé récemment la possibilité d'un recours aux coopérations renforcées pour avancer dans ce domaine.