Intervention de Alain Bugat

Mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver — Réunion du 11 avril 2007 : 1ère réunion
Audition de M. Alain Bugat administrateur général du commissariat à l'énergie atomique cea

Alain Bugat, administrateur général du CEA :

Après avoir indiqué que le CEA avait pour mission, dans le domaine énergétique, de conduire des travaux de recherche, ses activités industrielles ou en matière de sûreté nucléaire ayant toutes été filialisées, M. Alain Bugat, administrateur général du CEA, a précisé que l'établissement public conserve néanmoins la charge de veiller sur l'évolution du système nucléaire français et reste le conseiller du gouvernement pour les affaires nucléaires internationales.

Il a ensuite souligné que, selon le rapport du groupe de travail du Centre d'analyse stratégique (CAS) sur les perspectives énergétiques de la France à l'horizon 2020-2050, présidé par M. Jean Syrota et auquel il participe, l'effort public de recherche dans le domaine énergétique s'élève à plus de 720 millions d'euros par an, dont 350 consacrés au secteur nucléaire, sommes auxquelles il convient d'ajouter les contributions des entreprises. Il a relevé qu'il était également nécessaire de prendre en compte la contribution des autres mécanismes de soutien à la recherche énergétique, évaluée à un milliard d'euros, qui s'appuie notamment sur la fiscalité ou les tarifs de rachat de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables. Il a noté que le rapport du CAS préconiserait vraisemblablement de modifier à la marge cette répartition afin de moins recourir à la fiscalité et d'augmenter les subventions directes en faveur des activités de recherche et développement (R&D).

Abordant ensuite la problématique de l'indépendance énergétique, M. Alain Bugat a expliqué que le CEA s'intéressait avant tout aux échéances énergétiques à un horizon de trente ans, EDF ayant la responsabilité des recherches liées à la génération actuelle de centrales nucléaires, ainsi qu'à la mise en place des réacteurs de troisième génération. Il a toutefois ajouté que le CEA conduisait toujours d'importants travaux de recherche sur les combustibles des réacteurs de troisième génération afin d'en améliorer les performances. Jugeant que l'uranium était actuellement insuffisamment utilisé dans les réacteurs de deuxième génération, il a souligné qu'un réacteur comme l'EPR était capable de brûler le plutonium et de fonctionner avec un combustible constitué à 100 % de mélange d'oxyde (MOX). Il a précisé également que ces recherches avaient permis de parvenir à un retraitement du MOX déjà utilisé dans un réacteur afin de le recycler comme combustible. Au total, il a jugé que l'utilisation de ces procédés permet de limiter les risques de prolifération nucléaire et constitue un facteur d'amélioration de l'indépendance énergétique, notamment avec le développement des réacteurs de quatrième génération qui permettront d'éviter tout problème d'approvisionnement en uranium pendant des centaines, voire des milliers d'années. Soulignant par ailleurs l'importance pour l'avenir énergétique du pays des activités de prospection dans le domaine des mines d'uranium, il a déploré que les acteurs français, par manque de réponse coordonnée des autorités publiques, n'aient pas été en mesure de racheter la mine d'uranium d'Olympic Dam, située en Australie, qui représente le quart des réserves mondiales connues.

Considérant ensuite indispensable de procéder, à moyen terme, au renouvellement des installations françaises intervenant en amont et en aval du cycle nucléaire, M. Alain Bugat a souligné que cette évolution est en cours, la prochaine mise en service de l'usine Georges Besse II sur le site d'Eurodif contribuant ainsi au renouvellement des usines de l'amont du cycle d'uranium.

Puis il a expliqué que le développement de la quatrième génération de réacteurs nucléaires nécessite de réviser l'ensemble du système de production d'électricité d'origine nucléaire et que le CEA s'attache à développer cette technologie d'ici à 2020 afin de disposer, à cette date, d'un prototype de réacteur, conformément au souhait formulé par le Président de la République. Estimant ce calendrier extrêmement tendu compte tenu de la nécessité de réaliser des sauts technologiques importants, il a relevé que la construction de ce prototype suppose également de réaliser des installations annexes, en particulier un laboratoire dédié à la fabrication de combustibles incluant des actinides mineurs pour les brûler en réacteur. Tout en soulignant que, jusqu'en 2012, ce projet se situerait dans sa phase de faisabilité et n'impliquerait pas d'efforts financiers supplémentaires significatifs, il a jugé que la construction de l'ensemble de ces installations (réacteur et dispositifs associés) à partir de 2013 nécessiterait d'augmenter très substantiellement les moyens d'investissements dédiés au CEA.

Il a en outre indiqué que le développement de la quatrième génération de réacteurs nucléaires fait l'objet d'un effort de coopération internationale dans le cadre d'un forum baptisé « Génération IV ». Soulignant qu'à mesure des progrès réalisés, deux perspectives émergent, chaque pays membre de ce forum pouvant souhaiter tirer profit de ses propres atouts au détriment de la poursuite d'un travail collectif de coopération scientifique, il a estimé que les autorités politiques devraient tôt ou tard faire un choix entre ces deux stratégies.

Abordant ensuite les autres activités de recherche du CEA, qui concernent les énergies renouvelables, M. Alain Bugat a souligné l'importance accordée au développement de la pile à combustible, qui constitue une technologie capable d'améliorer la sécurité électrique et très prometteuse pour les transports. Il a toutefois observé que des progrès importants restent à réaliser, les coûts présentés par cette technique étant encore très élevés. A titre d'illustration, il a indiqué que le CEA s'est doté, pour le centre de crise de son siège à Saclay, d'un groupe électrique de secours fonctionnant avec une pile à combustible, qui avait coûté douze fois plus cher qu'un groupe électrogène fonctionnant au diesel, cette différence étant encore rédhibitoire quelle que soit la supériorité de cette technologie en termes de fiabilité.

Evoquant ensuite l'énergie photovoltaïque, il a noté que la France avait souffert d'une dispersion des efforts de recherche en la matière, ce qui l'avait conduite à accuser un retard en ce domaine, par rapport au Japon notamment. Alors que Photowatt occupait la deuxième place au niveau mondial il y a quelques années, cette entreprise française se situe désormais à la douzième place en raison de l'absence d'un véritable marché national. Il a néanmoins salué la réaction des pouvoirs publics et des organismes de recherche français avec la création de l'Institut national de l'énergie solaire (INES) implanté à Chambéry, structure au sein de laquelle le CEA a détaché une soixantaine de personnes et dont la taille est désormais comparable aux grands instituts de recherche allemands. Il a considéré que ce secteur est confronté au double défi de la diminution du coût des équipements photovoltaïques, qui passe par l'amélioration de la qualité et du rendement des cellules de silicium, et de la mise en place d'une filière industrielle de l'énergie solaire. Après s'être félicité de la mise en place d'un nouveau procédé de fabrication des plaques de silicium, développé au sein d'une usine située à Saint-Auban, il a relevé que l'objectif à terme est de généraliser l'utilisation de ces procédés pour construire une industrie de masse et parvenir à une intégration plus poussée de ces technologies dans les bâtiments, cette perspective n'étant toutefois crédible qu'à l'échelle d'une génération en raison de l'absence, actuellement, d'entrepreneurs et de salariés du secteur français du bâtiment et des travaux publics véritablement compétents dans le domaine de l'installation de technologies solaires.

Enfin, M. Alain Bugat a conclu cette présentation en précisant que, chaque année, le CEA consacre trente millions d'euros à ses activités de recherche dans le domaine de la pile à combustible et de l'énergie photovoltaïque, les industriels investissant pour leur part vingt millions d'euros dans ces deux secteurs, et deux millions d'euros à la recherche dans le domaine de la gazéification de la biomasse afin de produire des biocarburants, soulignant néanmoins que les pouvoirs publics français ne lui avaient pas donné d'instructions claires pour s'investir plus massivement dans ce secteur.

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